Le 24 f�vrier 1971, feu Houari Boumediene s'adressait pour la premi�re fois aux syndicalistes au si�ge de la Maison du peuple. A cette �poque, se trouvait � la t�te de l'UGTA Abdelkader Benyakous. Trente-quatre ann�es plus tard, soit le 24 f�vrier 2005, un autre pr�sident de la R�publique, en l'occurrence Abdelaziz Bouteflika, s'adressera aux syndicalistes au sein de la m�me Maison du peuple. Abdelamadjid Sidi Sa�d, secr�taire g�n�ral de l'UGTA, dans un entretien exclusif au Soir commente cet �v�nement et parle du contexte dans le quel interviennent tous les changements que conna�t le monde du travail. Entretien. Le Soir d'Alg�rie : A la veille du double anniversaire du 24 F�vrier, le pr�sident de la R�publique prononcera un discours devant des syndicalistes et des travailleurs au si�ge m�me de la Centrale syndicale. Peut-on conna�tre votre commentaire ? Abdelmadjid Sidi Sa�d : D'abord, le fait de recevoir le premier magistrat du pays � la Maison du peuple, voire � la maison des travailleurs constitue un hommage pour ces derniers. Autrement dit, il s'agit d'une reconnaissance du pr�sident de la R�publique � l'endroit du monde du travail, des travailleuses et des travailleurs et de leurs familles pour les efforts qu'ils fournissent � la construction du pays malgr� les difficult�s auxquelles ils ont fait face. D'autant que cela co�ncide avec le 49e anniversaire de la cr�ation de l'UGTA, il s'agit d�s lors d'une reconnaissance pour le monde du travail face � tous ces changements mondiaux tant sur le plan �conomique que social. En somme, en rendant visite aux travailleurs, le pr�sident de la R�publique veut leur signifier qu'il leur attache beaucoup d'importance et qu'il ne va pas les d�laisser. Il s'agit l� d'une seconde visite qu'effectue un pr�sident de la R�publique au si�ge de la Centrale syndicale. Mais cette derni�re intervient dans un contexte socio-�conomique totalement diff�rent du premier. Tout � fait. Le contexte diff�re d'une p�riode � une autre. Les choses �voluent et je crois que cette seconde visite d'un pr�sident de la R�publique constitue un r�confort moral par rapport � ce ph�nom�ne de la mondialisation. Maintenant, il faut �voluer par rapport � son �poque. Je pose ma question autrement. Le contexte �conomique d'aujourd'hui est particulier. On est pass� d'une �conomie socialisante �tatique � une �conomie lib�rale. Moi je dirai que nous sommes dans un contexte d'une �conomie mondialis�e, o� nous n'avons pas tous les moyens pour y faire face. Le plus important pour nous est que cette nouvelle dynamique �conomique puisse se faire sans mettre les travailleurs dans une situation dramatique. Pourriez-vous �tre plus explicite ? Je m'explique. Il faut que les changements auxquels nous faisons face doivent s'op�rer par les Alg�riens et pour les Alg�riens, voire par tous les espaces � commencer par l'organisation des travailleurs qui est l'UGTA. J'estime que si on ne proc�de pas � ces changements par nous-m�mes, on nous les fera subir. Mais attention, il ne faut pas que ces changements se fassent au d�triment des int�r�ts des travailleurs. Ils doivent plut�t apporter un plus pour le monde du travail. J'ai toujours dit qu'on ne doit pas subir cette mondialisation, nous devons plut�t la g�rer et la positiver dans l'int�r�t de notre soci�t�. C'est cela l'�l�ment fondamental que l'UGTA veut mettre en �vidence dans sa d�marche et sa vision �conomique, tout en consid�rant fondamental l'�l�ment social dans ces changements. Je crois que toutes les parties sont concern�es y compris le pr�sident de la R�publique, le gouvernement et l'UGTA. Mais la r�alit� du terrain est totalement diff�rente de ce que vous dites... Absolument. Sur le terrain ce n'est pas �vident. Il y a toute une machine � tra�ner. Et l�, je pense notamment � la machine administrative, syndicale et soci�tale. Maintenant je consid�re que nous avons d�pass� les drames et donc il ne faut plus regarder le pass�, m�me si ce pass� est tr�s important, lourd et qu'il faut respecter. Le d�fi d'aujourd'hui est de se propulser vers l'avenir. Et cette d�marche ne peut �tre r�alis�e que si elle est entreprise collectivement et non individuellement, sans dysfonctionnement et sans confrontation. Toutes les confrontations que nous avons connues durant les ann�es 1990 nous ne les voulons plus. Nous voulons aujourd'hui construire. L'UGTA parle aujourd'hui de la reconstruction d'une maison qui s'appelle Alg�rie. Sur ce terrain, le message du pr�sident de la R�publique est tr�s important, clair et ne souffre aucune ambigu�t�. Je pense qu'il va le r�it�rer aux travailleurs et, pour notre part, nous accompagnerons ces changements tout en restant syndicalistes. En parlant de confrontation, il y a deux ann�es et � la m�me date, l'UGTA a paralys� le pays par deux journ�es de gr�ve g�n�rale. Qu'est-ce qui a motiv� ce changement de la part de votre organisation ? Vous me demandez ce qui a chang� ! Aujourd'hui, nous avons constat� qu'il y a un changement dans la vision globale du pr�sident de la R�publique et du gouvernement. Le meilleur exemple est illustr� par le dernier discours prononc� par le premier magistrat du pays � l'ouverture de la derni�re conf�rence minist�rielle de l'Organisation arabe du travail (O.A.T). Son intervention que nous saluons de nouveau �tait d'un apport psychologique tr�s important pour le monde du travail. Lorsque le pr�sident de la R�publique dit qu'en aucun cas, les privatisations ne se feront au d�triment des travailleurs, nous prenons acte d'un message tr�s fort destin� aux travailleurs et leurs repr�sentants syndicaux. Consid�rez-vous cela comme �tant un engagement fort sur cette question de privatisation ? Je dirai tout simplement que le discours prononc� par le pr�sident de la R�publique a �t� fortement re�u par la base syndicale. Cela vous conforte-t-il en votre qualit� de premier responsable de l'UGTA ? Ecoutez, Sidi Sa�d ne veut pas tricher avec la base syndicale, encore moins avec les travailleurs. Je l'ai d�j� dit et je le r�p�te : je ne veux pas �tre un populiste. Il faut �tre pragmatique et faire face � la r�alit� du terrain. J'ai peut-�tre tendance � me r�p�ter. De deux choses l'une, soit l'UGTA subira ces changements, soit elle les accompagnera. A ce stade, je crois que la Centrale syndicale a tranch� cette question. Elle a fait son choix. Elle a d�cid� d'accompagner ces changements, mais elle souhaite que cela se fasse ensemble. Chaque jour que Dieu fait, nous constatons et nous faisons face � des changements importants dans notre monde. Nous venons de sortir d'une rencontre internationale (conf�rence minist�rielle de l'Organisation arabe du travail) lors de laquelle les participants ont trait� du monde du travail, de l'�conomie et du sociale. L�, nous avons appris comment s'op�rent ces changements dans ces pays, tout en essayant de tirer le maximum d'enseignements sur les diff�rentes exp�riences connues par ces pays. En tant qu'organisation syndicale, nous essayons de d�sangoisser les travailleurs tout en participant dans le sens � ce que ces changements ne constituent pas un blocage. Peut-on consid�rer toujours l'UGTA comme une organisation syndicale revendicatrice ? Absolument. Nous sommes et nous resterons plus que jamais revendicatifs. L'UGTA fera toujours dans la revendication syndicale. La revendication c'est l'essence m�me du syndicat. Nous disons il y a revendications, mais il y a �galement propositions. Le mouvement syndical international d'aujourd'hui a fondamentalement chang�. Les organisations internationales � l'image de la CISL, la CMT, la CISA dont le secr�taire g�n�ral est ici pr�sent plaident pour l'unification du mouvement syndical, en passant du stade de la revendication � celui de la proposition. Au niveau de l'UGTA, nous restons au stade de la revendication mais �galement nous sommes porteurs de propositions. A cet effet, nous consid�rons que lorsqu'on fait des propositions, la d�marche est plus compr�hensible et plus rentable pour les travailleurs. 49 ans apr�s sa cr�ation, peut-on dire que l'UGTA est en phase d'assurer sa mue ? L'UGTA est une organisation syndicale qui a ses forces et � ses faiblesses. Mais j'estime qu'il s'agit d'une organisation syndicale qui �volue positivement de la base au sommet. Nous sommes en phase d'assumer une lourde responsabilit�. S'adapter, cr�er des mutations et en m�me temps faire avancer les choses. C'est � cela que nous faisons face quotidiennement. Cela �tant, je rends un hommage particulier � tous les �lus syndicaux, quelle que soit la responsabilit� qu'ils assument, et ce, pour avoir compris aujourd'hui qu'il faut aller vers ce changement. D'un autre c�t�, beaucoup de gens disent qu'il s'agit d'un reniement de la part de l'UGTA. Je dis non. Je consid�re plut�t que celui qui ne s'adapte pas meurt. Quel commentaire faites-vous � ceux qui disent que l'UGTA ne fait que dans le soutien absolu ? A cette question, je r�pondrai autrement. L'ann�e 2005 est une ann�e charni�re pour l'�conomie de notre pays. Mettons de c�t� nos divergences et agissons positivement pour que notre pays retrouve sa v�ritable dimension. Dans l'histoire de notre pays, chaque homme a marqu� son passage. Il y a eu les hommes qui ont marqu� notre glorieuse guerre de Lib�ration, ceux qui ont marqu� l'apr�s- R�volution et il y a aujourd'hui par rapport � cette mondialisation, des hommes qui marqueront encore l'Alg�rie, dont le pr�sident de la R�publique, et tous les gens qui veulent construire. Qu'on conjugue tous nos efforts pour une Alg�rie de la paix civile, sociale et de l'�panouissement du citoyen. Je crois que lorsqu'un homme veut construire, il faut l'accompagner. Et l�, je pense que le pr�sident de la R�publique veut construire pourquoi alors ne pas l'accompagner, le dire publiquement et l'assumer? Revenons � la question des propositions. En votre qualit� de S G de l'UGTA, vous avez appel� � la r�vision de certaines lois r�gissant le monde du travail. Y-a-t-il une suite � vos dol�ances ? Les lois des ann�es 1990 r�gissant le monde du travail sont connues. Maintenant, il faut faire un bilan de ces lois. Aujourd'hui, avec tous les changements qui s'op�rent tant chez nous qu'ailleurs, il est indispensable de mettre un chantier traitant de toutes ces questions. Et en parlant de propositions, il ne faut pas oublier que nous avons contribu� �norm�ment dans ce sens, � commencer par la fameuse Caisse nationale du ch�mage (CNAC) et tant d'autres propositions que les pouvoirs publics ont concr�tis�es sur le terrain. Cette question de loi sociale, nous l'�voquerons lors de la prochaine tripartite. Cette tripartite interviendra apr�s les festivit�s du 24 F�vrier. Croyez-vous que vous serez suffisamment arm�s pour d�fendre vos positions lors de cette rencontre ? D'abord, nous n'allons pas n�gocier. Il y a des points qui sont arr�t�s en commun accord avec les parties concern�es. Les travailleurs attendent beaucoup de cette tripartite, notamment le point traitant du 87 bis relatif au SNMG. Si cette tripartite venait � trouver un ancrage, voire une solution au 87 bis, je crois qu'on pourrait interpr�ter cela comme �tant une grande victoire syndicale. Nous avons l'impression que vous attachez de l'importance seulement au 87 bis... Absolument pas. Il y a d'autres dossiers autant importants que ce point. Mais c'est un �l�ment important qui est inscrit � l'ordre du jour de cette tripartite. Je crois que le monde du travail ou le salari� attend �norm�ment de cette tripartite � travers le 87 bis. Je pense que sur la base d'un consensus, nous trouverons avec beaucoup d'�vidence un accord autour de ce point, qui g�re l'�volution salariale des travailleurs. Une derni�re question. Le 24 f�vrier 1971, quel �ge aviez-vous et o� �tiez-vous ? (Rires) En 1971, j'�tais un jeune �tudiant d'une vingtaine d'ann�es qui suivait avec beaucoup d'int�r�t ce qui se passait dans son pays.