J'ai lu sur votre respectable journal que : «Le Président Abdelaziz Bouteflika a validé ce mardi 31 mai en Conseil des ministres deux avant-projets de lois présentés par le vice-ministre de la Défense nationale, Ahmed Gaïd Salah, sur le nouveau statut des personnels militaires. Ces deux textes ont pour finalité de consolider les règles régissant l'obligation de réserve des officiers généraux et des officiers supérieurs à la retraite», selon le communiqué du Conseil des ministres, diffusé via l'agence officielle APS. Je souhaite exposer dans les colonnes de votre quotidien l'état d'esprit que suscite ce nouveau verrouillage. Je me souviens qu'au moment où on signait le contrat d'engagement dans les rangs de l'ANP, l'obligation de réserve nous était signalée. Elle est effective durant le service et à la retraite. Donc de ce point de vue, il n'y a rien de nouveau. Ce qui est nouveau, c'est cette sélection par rapport aux grades et cette interdiction de vivre les évènements de notre pays. Seuls sont concernés par ces avant-projets de lois, les officiers supérieurs et les officiers généraux alors que les officiers subalternes, les sous-officiers et les hommes de troupes, chacun à son niveau a subi une instruction spécifique, exercé le métier, participé aux différentes activités de son unité et pris certaines responsabilités..., tout comme les hommes du contingent d'ailleurs, ils étaient des militaires dans toute l'acception du terme. Pourquoi cette tranche opérationnelle, vitale de l'ANP serait-elle épargnée ? Faudrait-il alors redéfinir le concept de secret militaire ? Pour être raisonnables et protégées par ceux-là mêmes qui les subissent, les futures exigences des nouvelles lois qui figureront désormais sur les contrats devraient être restreintes à une période raisonnable après la démobilisation du cadre, débattues par les élus au sein de l'APN qui en limitera la période restrictive. Ainsi, on évitera aux retraités l'idée de ne plus être concernés par le pays. La mise à la retraite ne doit en aucun cas être ressentie comme un assassinat. On ne perdra pas de vue que le retraité est souvent l'image future de celui qui est encore en activité et qu'aucune loi ne peut avoir un effet rétroactif. Il est entendu que si ces lois traitent uniquement la protection des secrets militaires ou des activités à l'intérieur de nos unités, l'obligation de réserve n'est pas discutable. Toute autre restriction des libertés citoyennes s'apparenterait à de la violence. Evidemment, les textes ne sont pas encore diffusés pour apporter une contribution assez objective mais d'ores et déjà on peut espérer une souplesse dans le règlement par la délimitation de période «d'abstention d'activité politique ou de participation directe aux débats», comme cela se fait sous d'autres cieux. Dans le cas contraire, on peut s'interroger sur les dessous d'un tel projet de lois. Serait-il orienté ? Les autres catégories militaires ci-dessus citées peuvent-elles adhérer aux partis politiques, s'exprimer librement ? Dans le cas contraire, c'est une majorité d'Algériens qui sera réduite au silence (si on compte les militaires du contingent), car notre armée est, à ce jour, une armée populaire. Le droit à la citoyenneté ne peut être négocié, car l'acte de prendre sa retraite ne peut être assimilé à un acte de décès. Depuis toujours, les militaires qui ont pris leur retraite n'ont pas été empêchés d'exercer les fonctions de président de la République, de Premier ministre, de ministre, d'ambassadeur et même de chefs de partis politiques dans l'opposition. L'obligation de réserve n'a en aucun cas été mise à mal. Ailleurs, on incite cette frange de la société à participer au débat national à travers les plateaux TV, les think tanks et autres associations pour enrichir les débats, diversifier les approches pour bien cerner le sujet sans que le pouvoir s'y implique... Manifestement, l'Algérie ne semble pas avoir pris la mesure des grandes mutations qui s'opèrent autour d'elle. Son entêtement dans son anachronisme l'affaiblit et l'isole chaque jour un peu plus. Le pouvoir, piégé par ses fautes originelles, n'arrive pas à se défaire de son système de gouvernance fermé, devenu source de ses échecs et qu'il continue à verrouiller. Depuis quelque temps, on assiste à l'émergence de leaders de la corruption, cette corruption défendue désormais à l'Assemblée nationale ! par des «élus du peuple» ! à l'étouffement des voix de patriotes et à la fermeture des moyens de communication susceptibles de dévoiler le crime. C'est dire l'échec monstrueux du système de gouvernance qui sévit depuis l'indépendance et duquel le pays n'a pu s'affranchir malgré certaines tentatives courageuses (Chadli, Zeroual), en droite ligne avec l'esprit du 1er Novembre. M. K. * Officier supérieur à la retraite.