[email protected] La saison est aux célébrations des cérémonies de mariage, n'en déplaise à la canicule qui nous nargue chaque jour un peu plus. Les salles des fêtes affichent complet, quant aux prestations, elles varient selon le coût de la location. Nous sommes dans une salle située dans une petite agglomération de la banlieue est d'Alger. Coût tout juste moyen, décor passable, mais comme dit l'adage : «Les goûts et les couleurs ne se discutent pas.» Climatisation et sonorisation acceptables, DJ sympa, bref, jusque-là rien d'alarmant. On s'y accommode et on est parti pour passer un après-midi où la danse devient une thérapie pour toutes ces femmes en sueur qui exhument leur mal-être. On arrive aux prestations de service et c'est là où rien ne va plus. D'abord ces serveuses : venues d'une autre planète : incolores, inodores et sans saveur, elles vous balancent une bouteille de limonade en plastique que vous rattrapez presqu'au vol, vous jettent un salé, la serviette en papier qui va avec et n'hésitent pas à arracher des mains d'une petite innocente de 7 ans la pizza modèle réduit qu'elle a réussi à extirper d'un plateau où sont disposés pêle-mêle les gâteaux. Elles vous regardent et ne vous voient pas, ou pis encore, ne croisent même pas votre regard et telles un automate dans ses gestes machinaux que même la machine n'aurait pas réussi à faire, elle s'acquitte de sa corvée. Et si vous osez lui demander de l'eau, son visage se transforme en celui d'un monstre, prêt à attaquer sa proie. L'heure de la pause-café a sonné. Un autre supplice que vous allez devoir subir. Ici le breuvage est servi par leurs soins. Elles arrivent alors, un plateau à la main, et vous donnent une tasse qui ne ressemble pas à une autre, sans vous demander si vous voulez du café au lait ou du café tout court. Elle fera le tour de la table en une fraction de seconde et tant pis pour la chaise vide. Ah ! j'allais oublier les gâteaux. Il faut surtout qu'elles respectent la consigne : zapper les enfants dont les yeux s'écarquillent à la vue des boîtes-surprises. «Leurs mamans n'ont qu'à se débrouiller pour leur donner leur part.» Vous prendrez quand même votre «dû» en attendant l'ultime étape, celle du thé et sa compagne la «baqlawa». Il est froid et trop sucré. Il ne vous plaît pas. C'est la goutte qui fait déborder le vase : vous vous levez de table en sommant votre fille de la suivre. Vous quittez les lieux, la mine renfrognée et jurez par tous les dieux que vous ne mettrez plus les pieds dans ces pseudo-salles. Puis prise d'une profonde nostalgie vous rembobinez le film d'un mariage célébré dans une somptueuse maison à La Casbah auquel vous avez assisté quand vous aviez à peine 12 ans, du temps où les salles des fêtes n'existaient pas, où les gâteaux et le café étaient servis dans un plateau en cuivre scintillant par d'élégantes femmes en tenues traditionnelles, qui vous regardent en arborant un doux sourire avant de vous inviter à prendre les gâteaux. Un après-midi, une soirée mémorable que même les années ne réussiront pas à effacer.