L'assassinat d'un policier, vendredi dernier, dans la wilaya de Constantine, a soulevé une série d'interrogations qui se sont accentuées suite à la revendication de cet acte par Daesh. Abla Cherif - Alger (Le Soir) - Il faut dire aussi que l'action en elle-même a choqué et surpris de par son audace. L'audace de perpétrer un attentat dans une grande métropole comme Constantine au moment où les populations urbaines commençaient à effacer de leur mémoire et de leur quotidien des scènes aussi violentes. Au moment également, et surtout, où le discours politique ambiant fait très régulièrement état de la grande difficulté, voire l'impossibilité des groupes terroristes à agir en raison de la lutte implacable, et réelle celle-là, contre ce qu'il est convenu d'appeler les résidus du terrorisme. Selon des témoins oculaires, la victime se trouvait dans un restaurant situé au centre-ville de Constantine lorsque trois individus ont fait irruption et ouvert le feu en sa direction. Le policier a succombé sur le coup. Les terroristes lui ont pris son arme et sont parvenus à s'échapper. La ville est, naturellement, quadrillée par les forces de l'ordre et s'en est suivie une opération de recherches au caractère assez particulier. Selon les informations qui circulent sur place, les auteurs de l'attentat appartiendraient à une cellule affiliée à Daesh. Après enquête, les services de sécurité ont conclu, dit-on, que le chef de cette cellule et premier responsable de l'attentat n'est autre qu'un certain Laouira dit Abou Hammam, repéré il y a quelques jours de cela dans la nouvelle ville Ali-Mendjeli, à Constantine. Son signalement avait été transmis par des citoyens aux services de sécurité qui ont mis en place un dispositif spécial avant même l'attentat qui a ciblé le policier. Hier donc, Daesh a tenu à revendiquer officiellement l'attaque à travers un communiqué diffusé par le biais de son agence Amaq. C'est la seconde fois au cours de ce même mois d'octobre que la présence d'éléments de cette organisation terroriste est signalée sur le territoire national. Il y a près de quinze jours, un communiqué du ministère de la Défense avait annoncé la mort d'un «émir» se réclamant de Daesh au cours d'un ratissage à Skikda. Une importante opération de recherches avait été déclenchée à ce moment suite à l'explosion de bombes artisanales sur le passage d'un convoi de l'ANP à Tamalous (le 8 octobre dernier), action revendiquée, là aussi haut et fort, par Daesh dans un communiqué précédent. Les faits avaient alors choqué et mis les esprits en état d'alerte dans la mesure où l'opinion assistait pour la première fois à l'évocation, de manière officielle, de la présence d'éléments de Daesh sur le territoire national et dans le nord du pays, plus précisément. Daesh, doit-on le rappeler, avait été très peu ou presque pas évoqué dans le pays depuis l'assassinat d'Hervé Gourdel en Kabylie (en 2014) et la mise hors d'état de nuire du groupe à l'origine de la mort de l'alpiniste français. Mais une mise en garde très spéciale, alarmante même, avait été lancée au cours de cet été par l'ex-secrétaire général des Nations-Unies, Ban Ki-moon. Ce dernier avait adressé un rapport au Conseil de sécurité de l'ONU pour faire part de son inquiétude sur les conséquences de la guerre qui se mène en Libye contre les positions de Daesh et l'éparpillement de ses éléments dans les pays voisins tels que le Mali, l'Egypte et l'Algérie... Selon le même rapport, des éléments de Daesh, pris en étau par les forces armées libyennes, ont été repérés vers le mois de juillet dernier en déplacement vers le Nord, dans la direction des frontières tunisiennes. Y aurait-il donc un lien entre la menace décrite par Ban Ki-moon et les actions signées Daesh relevées au cours de ce mois d'octobre ? Quelle lecture faire alors de ces actions ? Les spécialistes des questions sécuritaires desquels nous nous sommes rapprochés invitent d'abord à mettre de côté l'aspect spectaculaire des actions perpétrées car étant en tout premier lieu le but essentiel recherché par les terroristes. «En fait, il s'agit de cellules dormantes, des résidus au sens propre des groupes démantelés et éparpillés. Lorsque l'on dit cellules dormantes cela veut dire qu'il s'agit d'individus qui vivent cachés, dans des conditions très difficiles et qui agissent non plus en groupe mais de manière individuelle et sporadiquement dès que l'occasion s'en présente. Ils ne sont pas organisés ni structurés comme ils l'étaient auparavant. Bien sûr qu'ils restent dangereux puisqu'ils tuent des personnes, mais leurs actions et encore moins les revendications de Daesh ne signifient en aucun cas qu'il y a eu implantation en bonne et due forme de cette organisation terroriste dans notre pays.» «Les revendications de Daesh ne doivent également pas surprendre, poursuit notre source. Cette organisation subit des coups très sévères ailleurs à travers le monde. Pour s'accrocher, elle revendique n'importe quelle action ; vous avez vu ce qui s'est passé récemment au Pakistan. C'est une manière de dire que nous sommes encore là et que nous pouvons agir. Ce qui est sûr, c'est que la menace de Daesh dans le nord de l'Algérie est pratiquement nulle. Dans le sud du pays, la question est tout autre. La proximité avec les foyers de tension, mais aussi la nature des intérêts que nous détenons dans ces zones rendent les coups portés plus durs à supporter d'où le déploiement impressionnant de l'ANP dans ces régions».