Youcef Merahi [email protected] «Maintenant, il faut tourner la page et penser à l'avenir. J'espère que cette défaite et le bon rendement de notre équipe en seconde période vont nous servir. Nous devons tirer les enseignements nécessaires en prévision de la CAN-2017.» (cf. Liberté du 14.11). Cette citation est de Raouraoua après la défaite de l'équipe nationale contre le Nigeria. Je ne sais pas ce que vous en pensez ; mais moi je trouve cette déclaration étonnante. J'aurais aimé qu'il dise qu'on a perdu ce match et qu'on va tirer les leçons de cette défaite : revoir le fond de jeu, renforcer l'axe central, renvoyer l'entraîneur, changer certains joueurs... Un peu de tout cela, quoi ! Là, en l'occurrence, on zappe la Coupe du monde et pensons à la CAN-2017, comme si Raouraoua était sûr de la gagner. Alors que, personnellement, je suis sûr que nous ne gagnerons pas cette CAN. Oui, c'est mon côté alarmiste qui reprend le dessus. Je vois noir, tout noir, depuis déjà un certain nombre d'années, depuis que j'ai enterré ma dernière illusion. Depuis quand, déjà ? Vers les années soixante-dix, certainement. L'Algérie a perdu devant une grande équipe du Nigeria, dit-il, comme pour atténuer la douleur. Comme pour donner une sucette aux supporters des Verts. Comme pour nous faire admettre que l'équipe d'Algérie est une petite équipe. Si je vous disais que nous n'avons pas l'esprit gagneur, que me diriez-vous ? Pas chez les joueurs. Non, chez les dirigeants du foot dialna. On n'ira pas en Russie. Et alors, prenons le lot de consolation de la Coupe d'Afrique. Vadrouillons en Afrique, nous ne gagnerons pas néanmoins cette fameuse coupe africaine. Ni la Coupe du monde, du reste. Et les mêmes pontes du foot feront les mêmes déclarations, au point où n'importe quel journal algérien pourra, d'ores et déjà, préparer sa page sport de la CAN-2017. On pourra y lire que l'Algérie a fait une excellente seconde mi-temps, que les arrières centraux ont failli, qu'on aurait dû faire jouer tel joueur au lieu d'untel, que l'entraîneur national (un Belge ? Encore !) a pris la sélection quinze jours avant le match fatidique (le Nigeria ? Encore !) Et patati et patata ! Le culte de la défaite fait fureur : on perd tout, on efface tout, on recommence. Tiens, une idée que je lance en l'air, comme ça, rappelons Hallilozidc ! Et le tour est joué ! La réunion des walis, curieusement, donne l'air du déjà vu. Personnellement, j'ai déjà vu ce genre de réunion. Où ? En Algérie, pardi ! Quand ? Dans une autre vie, peut-être ! Je me rappelle d'un slogan d'un temps qui n'est pas si révolu que cela : pour un avenir meilleur ! Philosophiquement parlant, on n'est jamais dans l'avenir ; il suffit de la première seconde de demain pour que l'avenir soit déjà l'avenir ; une seconde après, c'est déjà le passé. Parce que l'avenir dont parlait ce slogan du passé fait partie, désormais, de la préhistoire de l'Algérie. Il n'y a pas que cela. Les élections, par exemple, depuis toujours, ont eu une commission de surveillance. Oui. Et alors ! L'avenir fut-il meilleur ? Pas du tout. Je suis alarmiste, et puis ! Je vois tout noir, et puis ! Je ne suis pas le seul, que je sache. Les pauvres walis ! Ils ont la lourde mission de remplir le bas de laine algérien. Ramenez des sous. Cherchez les sous. «Vous avez carte blanche !» Ce n'est pas de moi, c'est du ministre de l'Intérieur, le chef des walis, lui-même ancien wali. Ah, les walis ne sont plus des administrateurs, mais des managers. Les walis managent une wilaya où il y a des sous à récupérer, car 2017 reste notre dernière chance. Alors, en attendant 2017, il faut renflouer la ch'hiha, la tirelire nationale, avec les sous que les walis auront préalablement récupérés ici et là, et que l'équipe nationale sauve l'honneur en gagnant la Coupe d'Afrique. Ah, les walis peuvent compter sur les SG des mairies, car leurs prérogatives seront renforcées. Les maires n'ont qu'un rôle politique. Le maire n'aura rien à faire dans sa mairie, lui l'élu du peuple, que de s'occuper de sa petite politique, au niveau de sa petite commune. Le SG fera le reste : développer «sa» petite commune, lui le commis de l'Etat. Au fait, quelqu'un du ministère de l'Intérieur pourra-t-il m'expliquer le rôle du chef de daïra ? Et celui du wali délégué. Je m'emmêle les pinceaux. Je me perds dans les dédales de notre administration, enfin ses rouages. Quant à la régionalisation, ce n'est pas une problématique qu'il faut aborder. Ni le fédéralisme. Pas de digressions, s'il vous plaît. Restons dans le rôle économique du wali. Et de la déconcentration accrue qui va bouffer les mairies. Quoi ? Les codes vont être adaptés à la Constitution. C'est bien ! J'attends de voir. Pour le moment, cette rencontre accoucha d'une souris «verte qui courait dans l'herbe». En attendant 2017, j'ai remarqué – aujourd'hui – que le prix de la carotte est à 175 dinars, que la banane (ce produit catalogué comme étant un produit de luxe) est à plus de 300 dinars et que la courgette... Je n'ose même pas penser à son prix au détail. Et le nouveau patron du FLN qui esquisse le cinquième mandat ! Il faut le faire. Mazel l'hal, ya kho ! Il y a quand même un bout de chemin à faire, Nchallah, d'ici 2019. Car d'ici là, j'ai bien peur que pour s'acheter une banane, il faudra passer par une ordonnance d'un médecin nutritionniste, en espérant que la caisse maladie nous remboursera à un niveau acceptable. Et que le ministre de la Santé s'occupera du marché des fruits exotiques, comme l'orange de la Mitidja et la datte de Tolga. Eh oui, ya Si L'hocine, mon cher vieil ami, votre temps était un temps héroïque, je l'admets, mais un temps heureux, malgré les privations. Puis, je te le dis, sans détour, les plaquemines ont meilleur goût que la banane.