Youcef Merahi [email protected] Voilà, l'année 2015 ramasse ses ultimes chiffons et se prépare à nous quitter, sans un dernier regard pour nous, pauvres hères. Je devrais, comme tout le monde j'imagine, me mettre à rédiger, d'ores et déjà, mes bonnes résolutions pour celle qui montre presque son bout de nez. Je le voudrais, mais je ne le puis. J'ai encore, dans mon crâne velu de vertige, le tintamarre des mois passés ; ainsi que les tribulations politiques des uns et des autres. Il y a, très certainement, un bilan à tirer, pour une bonne visibilité ultérieure. Sauf que pour mes épaules, le fardeau est lourd à porter jusqu'à la station du dernier jour de décembre. De ce que j'ai vu, les journées s'alourdissent d'heure en heure et me font entrevoir un janvier sidérant. Je ne me sens pas rassuré, même si notre Premier ministre tente de le faire à partir de Sétif. Il revient, avec force convictions, sur la loi de finances 2016 et tente de dénouer les fils des articles 66 et 71, pour que nous puissions accepter une austérité qui ne dit pas son nom. «Nous avons de l'argent mais nous refusons de nous aventurer avec l'argent du peuple», clame-t-il. Je me frotte les yeux. Ai-je bien lu ? Ah, c'est comme ça ! Nous avons des sous ! Le peuple n'a plus de soucis à se faire, alors. L'Algérien est verni d'avoir des gouvernants de cette trempe. Passez le message ! Utilisez tout ce qui existe comme moyens de communication : téléphone, Facebook, Messenger, t'bel, zorna, tam-tam, el-berrah, tilfaze, radio, pigeons-voyageurs... Ouf, j'arrête là. Dites à notre peuple que nous avons de l'argent. Le bas de laine est à ras-bord. La ch'hiha déborde. Tout ça, grâce à nos décideurs. Mieux encore, vers 2017, nous exporterons du ciment et du fer. On aura ainsi plus d'argent. Surtout plus de devises. Et il n'est pas impossible que nous aurions un change conséquent, à l'avenir. Que l'autoroute Nord-Sud est réceptionnée. Que le TGV fait le bonheur des voyageurs. Que les cinq CHU, gelés mais non annulés, sont mis en service, suivant les normes internationales. Qu'aucun Algérien ne va se soigner à l'étranger. Que nous n'importons plus aucune technologie. Que nous exportons des moyens de production... Cher peuple, la loi de finances 2016 n'est, par conséquent, qu'un détail dans notre route vers votre bonheur. Pour un avenir meilleur : allez, il faut y croire. Parole de scout ! Ah, s'il vous plaît, qu'un économiste m'explique la différence entre un pays en voie de développement et un pays émergent. Il y a quelques années, nous étions un pays en développement et, désormais, la tendance va vers l'émergence de l'Algérie. Je veux comprendre, c'est tout. N'y voyez aucune bizarrerie ! Tiens, j'ai lu quelque part que la Cour des comptes a dressé un rapport sur la gestion du pays. Et alors, ai-je dit au premier abord ? Puis, je me suis demandé : cette cour, qui ne compte plus rien, fait-elle encore des comptes ? Oui, la preuve ! Des confrères ont même eu entre les mains ledit rapport. Ah, que je voudrais y jeter un coup d'œil ! Rien que le coup d'œil. Je voudrais savoir si «l'argent du peuple» est dépensé selon les règles. Savoir également si le bas de laine suffira pour plus tard. Pour demain. Une année. Deux. Voire plus. Dans ma naïveté et en cette fin d'année qui traîne la patte, je pensais que cette cour n'existait plus. Il y a bien longtemps qu'on ne l'entend plus. Alors que, réellement, elle compte. Elle additionne, soustrait, divise... Puis, elle conclut. Mais, une question à vingt centimes, que devient le rapport de la Cour des comptes ? Aucun ministre n'en parle. Juste un ou deux journaux... Sur les réseaux sociaux, j'ai vu des walis piquer des colères homériques face à des élus qui ne savaient plus à quel saint se vouer. Pour des raisons somme toutes objectives. Mais dans quel but ? Pour nous convaincre qu'ils sont là pour faire leur job ? Oui, cela coule de source : ils sont à leur poste pour accomplir une mission de service public, même si certains font de la politique. De plus, j'ai entendu certains walis faire un constat effarant de non-développement de leur circonscription territoriale. Pas de routes. Pas de logements. Pas de boulot. Seigneur, y avait-il un wali avant ? Oui. Et alors ? Qu'a-t-il fait des années durant ? Où est-il ce wali, maintenant que son successeur dresse un constat accablant ? A quoi sert tout ce cinéma ? Qui veut-on convaincre ? Qui veut-on tromper ? Votre colère, messieurs les walis, ne sert nullement la population qui veut voir les projets se concrétiser en temps et en heure. Et si la population occupe les mairies ou ferment les routes, c'est qu'il y a une raison. Le fossé est tellement béant que votre colère ne pourra jamais combler. Dirigez plutôt votre ire contre votre prédécesseur ; et ainsi de suite ! Je n'ai pas de bonnes nouvelles à vous donner, cette semaine. J'aurais bien aimé, on est tous dans l'attente de quelque chose de bien, pour bien amortir la chute de 2015. Et nous permettre de rédiger sur feuille volante nos résolutions pour l'année à venir. Ah si, peut-être ! Le train sifflera de nouveau du côté de Tizi vers juillet 2016. Et du côté de chez vous, le train siffle-t-il déjà ? Ah, j'ai failli oublier, les oranges sont succulentes cette année. Autant faire une cure de vitamine C pour les années à venir. Et vogue la galère, a Mouh U Chavane !