Le Premier ministre défend mordicus l'option du financement non conventionnel ou ce qui est communément appelé la planche à billets, justifiant la situation peu reluisante des finances du pays par la seule dégringolade des prix du pétrole depuis 2014. Mohamed Kebci - Alger (Le Soir) - Hier dimanche, à l'occasion de la présentation devant les membres de l'Assemblée populaire nationale (APN) du plan d'action de son équipe, Ahmed Ouyahia s'est, en effet, appesanti sur cette option qui alimente le débat depuis qu'il l'a lui-même évoquée. Avec des craintes et des appréhensions exprimées par aussi bien des experts que les partis quant à des répercussions néfastes de cette mesure sur le pouvoir d'achat, le taux d'inflation qui explosera pour passer à trois chiffres comme le prédisent certaines voix et la dévaluation encore plus accrue de la monnaie nationale. Autant de craintes que le Premier ministre a récusées, mettant cette campagne sur le compte de «commerçants de la politique». Pour Ouyahia, l'option du financement non conventionnel constitue la «panacée» à la crise financière du pays à l'opposé de ce que considèrent des hommes politiques et des experts puisque l'autre option «susurrée» à un certain moment, le recours à l'endettement extérieur, a été refusée catégoriquement par le président de la République. Résolution qui, aux côtés d'autres comme le remboursement anticipé de la dette extérieure dès 2005, la création du Fonds de régulation des recettes (FRR) et une gestion prudente des réserves de change ont permis au pays, estime Ouyahia, de résister trois ans durant malgré une baisse de 50% de ses recettes en devises et la perte de la moitié de ses recettes fiscales. Un fonds de régulation des recettes «épuisé» depuis février dernier, des réserves de change qui ont «fondu» de moitié, passant de 200 milliards de dollars en 2014 à près de 100 milliards actuellement. Ce pourquoi, d'ailleurs, le premier ministre annonce la poursuite de la politique des licences d'importation adoptée depuis 2015, politique qui sera aussi consolidée par de «nouvelles mesures». Autre raison au recours au financement non conventionnel, évoquée par le Premier ministre, la faiblesse du volume du marché financier local, c'est-à-dire les banques, incapable, de ce fait, de financer le Trésor via l'émission d'obligations. Revenant sur le refus de l'endettement extérieur qui, selon lui, «n'est pas une position dogmatique», Ouyahia explique que l'Algérie a besoin de 20 milliards de dollars par an pour combler le déficit budgétaire. Un rythme «infernal» qui fait courir au pays le risque de «ne plus pouvoir payer les intérêts de la dette sur quatre ou cinq ans». Et c'est la direction «inévitable» vers le FMI. Poursuivant son plaidoyer pour le financement non conventionnel, le Premier ministre soutient que «ce n'est pas une invention algérienne», citant des pays développés comme les Etats-Unis, le Japon, le Royaume-Uni qui y recourent encore de nos jours. Sauf que Ouyahia a volontairement omis de signifier que «ces pays ont des économies et des devises fortes et procèdent même à la délocalisation des investissements, leurs marchés étant saturés ou presque, ce qui n'est pas le cas fort malheureusement de notre pays», comme tient à le souligner le président du RCD. Pour Mohcine Belabbas, cette option du financement non conventionnel est une «arnaque» du pouvoir pour «gagner du temps en vue de passer l'écueil de la présidentielle de 2019». D'où d'ailleurs, selon lui, la période de 5 années au maximum évoquée par le Premier ministre». Un avis que partage aussi le député et membre de la direction du PT, Djelloul Djoudi pour qui le gouvernement a recouru encore une fois à une «solution de facilité alors qu'il aurait aisément pu recourir au recouvrement des milliards de dinars d'impôts non honorés, à l'argent tout aussi colossal de l'évasion fiscale en sus des exonérations exorbitantes annuellement concédées à certains «investisseurs» au détriment d'autres et cela sans aucun bilan. Aussi, Djamel Bahloul, membre de la direction du FFS et député, estime que la comparaison faite avec certains pays développés pour justifier cette option de planche à billets est «méprisante» à l'égard du peuple puisque ces pays sont producteurs et leurs économies sont compétitives». Et de s'interroger quant à la «destination de cet argent frais» : ira-t-il réellement vers les investissements et quels investissements, pour quels objectifs ? Autre démenti de Ouyahia, le financement non conventionnel ne va pas, selon lui, affaiblir le dinar comme le soutiennent hommes politiques et experts. «Le dinar baisse quand les réserves de change baissent et il a baissé de 25 à 30% ces trois dernières années, sans financement non conventionnel». Se voulant davantage rassurant, le Premier ministre affirme que le financement non conventionnel ne servira pas à financer la consommation et ne dépassera pas cinq ans avec, en parallèle, s'engage-t-il, des réformes économiques et financières. Il annoncera aussi que la loi de finances pour l'année prochaine ne contiendra pas beaucoup de hausses de taxes, ce qui, ajoute-t-il, permettra au pays de «sortir de cette impasse financière sans casser son rythme de développement».