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Lettre de province
Parlement : le baromètre de la décomposition des institutions
Publié dans Le Soir d'Algérie le 26 - 11 - 2016


Par Boubakeur Hamidechi
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Dans moins de six mois, l'électeur sera invité au renouvellement de l'Assemblée des représentants de la «nation», cette APN tant décriée au vu de la déliquescence de son éthique. De ce fait, la sollicitation sera probablement formelle dès lors qu'il sait que la fonction de son bulletin ne contribuera pas à changer d'un iota le cours de la gouvernance d'un Etat prenant eau de toutes parts.
Sachant, par amère expérience, que la prétendue alternance au pouvoir dont se gaussent les dirigeants n'est qu'une vue de l'esprit et que la validation des mandats obéit à d'autres méthodes, l'on peut supposer, d'ors et déjà, que l'abstention marquera, une fois de plus, le prochain scrutin.
D'ailleurs même les futurs candidats ne se font guère d'illusion sur l'issue des enjeux.
S'en remettant exclusivement à la secrète présélection effectuée par les cabinets de la cooptation, ils admettent, en secret, qu'ils ne doivent leurs sièges qu'à une «désignation» préalable, se gardant ainsi de parler en tant... qu'«élus». Condamnés depuis quatre législatures à n'être que l'émanation des ratios dévolus à chaque appareil, nul, en effet, ne s'aventure à leur accorder désormais le moindre bénéfice d'une réelle représentativité. Eux-mêmes admettent les conséquences de leur impopularité et finissent parfois par tirer de ce statut presque infamant une curieuse énergie dans la servitude !
C'est ainsi qu'ils parvinrent, à plusieurs reprises, à améliorer leurs conditions matérielles au point de choquer l'opinion par leur intransigeance et l'arrogant affichage de leurs arguments comme se fut le cas en 2008 lorsqu'ils décrochèrent le gros lot avec un salaire de base équivalent à 30 SMIG. Récidivant ces derniers jours au sujet de la prime de fin de mandat, ils ne renoncèrent qu'à la moitié d'un pactole au moment de voter une loi de finances qui devra multiplier par deux les ponctions sur les salaires des travailleurs. Or, c'est ce genre d'indécentes coïncidences au cœur de leur vocation de législateurs qui, de nos jours, suscitent la désapprobation.
Assimilés vulgairement à des ripoux ayant accédé aux hautes fonctions de l'Etat, ils sont paradoxalement bien plus critiqués que les ministres du gouvernement au sujet desquels la question des salaires ne s'est jamais posée. Or, ce qui semble relever de l'ostracisme d'une opinion qui n'accable que les députés tout en épargnant le train de vie des ministres est, en fait, un distinguo pertinent.
Cette colère saine met, en effet, en relief le fait qu'un ministre est rémunéré en contrepartie de sa compétence de manager alors qu'un élu n'a, au départ, que sa vocation politique et ses convictions idéologiques à mettre au service du débat sur les lois. Or, ce qui est implicitement reproché aux parlementaires est leur posture de plaideurs en l'absence d'une éthique militante mettant en avant le bien public alors qu'il est notoirement admis que pas une fois au cours de ces dernières années une seule législature prit le dessus sur le pouvoir exécutif en le censurant. En effet, qui se souvient d'un jour où un gouvernement dut démissionner à la suite d'un vote de défiance ou bien d'une Assemblée majestueusement responsable qui accepte de s'exposer à la dissolution en réfutant durement certains aspects de la loi de finances qu'elle estime inappropriée vis-à-vis de certaines couches sociales ? Et c'est bien ce tropisme-là qui, en altérant ses responsabilités, caractérise le mieux sa sujétion aux pouvoirs successifs et à leurs injonctions.
Dès lors que la docilité devint sa marque de fabrique, il ne lui reste d'autre choix que l'approbation honteuse.
Or, pour qu'un Parlement puisse faire sa mue, il est nécessaire que plus d'un parti politique consente à faire son «aggiornamento» en interne. C'est-à-dire actualiser les fondamentaux qui les ont jusque-là guidés. Seulement, cette démarche concerne, entre autres, le FLN et le RND. Ces formations, que l'opinion juge ironiquement comme des sous-produits de la culture du parti unique en soutenant inconditionnellement le pouvoir, sont justement les premières à connaître les frondes internes à la veille d'une nouvelle législature.
De celles qui font semblant d'appeler à un changement de ligne alors qu'elles ne visent, en définitive, que leur insertion parmi les quotas des impétrants.
Les constats de ce genre sont régulièrement faits et montrent bien que même les militants les plus aguerris et les cadres les plus récompensés dans leur carrière ne désirent guère changer l'ordre des choses pour améliorer les capacités d'action de l'institution légiférante. Se contentant de reconduire les procédures n'accouchant que de l'écume politicarde profitable sans garde-fous à l'exécutif, ils participent à la dégradation de l'ensemble de l'architecture de l'Etat. C'est que l'APN des dernières législatures a fait plus de tort aux idéaux démocratiques, pourtant gravés dans le marbre de la Constitution, que ceux commis, trente années durant, par le centralisme du parti unique. Le discrédit jeté sur une institution inféodée à l'exécutif n'a pas eu d'équivalent par le passé malgré tous les procédés dictatoriaux du système en général.
La diversion qui s'illustre dans la pseudo-diversité des listes électorales n'a-t-elle pas donné chaque fois une Assemblée plus disposée à la compromission ?
En effet, la manière dont s'étaient distingués les députés sous la présidence actuelle de Bouteflika est édifiante. Car quel que fût leur bord politique ou même leur sincérité, tous s'étaient rendus à la terrible évidence qu'ils participaient à de la théâtralité politicienne dont ils n'étaient que des figurants. Le pluralisme qui aurait dû valoir au Parlement, l'autorité effective de la représentativité, a été lamentablement démonétisé par une fraude largement acceptée par les candidats eux-mêmes. Peu regardants sur les méthodes de l'exécutif dès l'instant où ils n'exprimèrent leurs accusations qu'à chaud sans en tirer les conséquences à long terme en refusant tout simplement de siéger, les partis se révélèrent pusillanimes face au pouvoir. Ce manque d'audace dans la légalité autorisera justement un gouvernement disposé à tous les coups tordus de corrompre naturellement ceux que l'on présentait comme une élite politique. Celle qui conquit en même temps la visibilité et la peu glorieuse notoriété de «carriéristes aux ordres». Or, le contexte actuel constitue, semble-t-il, une sérieuse opportunité pour la classe politique afin de peser sur l'ensemble des questions relatives à la rénovation de tous les instruments de fonctionnement des institutions élues.
Se poser désormais la question cruciale de l'existence d'un Parlement devra aller plus loin que les diagnostics établis au chevet du pouvoir législatif exclusivement. Elle se veut une interrogation qui renvoie à l'examen global de notre système politique dont la matrice demeure la loi fondamentale de 1996. Cette fragilité originelle qui avait d'ailleurs permis au vieux système datant des années 60 de survivre malgré les crises majeures de 1988 et 1992 ne doit pas faire oublier que le rôle de l'armée a toujours été
déterminant malgré les dénégations ridicules qui s'annoncent cycliquement. Or, la décomposition progressive du Parlement aussi bien que les triturations abusives de la Constitution n'ont, à chaque fois, été possibles que parce que le pouvoir s'est senti suffisamment «protégé» pour mettre sous le boisseau les assemblées élues et oser même tailler une Constitution selon les besoins du moment. C'est ainsi que ceux qui, naïvement, croient que le temps des véritables réformes démocratiques peut s'accorder avec le temps du régime ignorent qu'il était possible de recourir à des subterfuges en toute impunité pour mettre en place un régime à vie. C'est-à-dire reléguer aux calendes grecques la démocratie tant rêvée.


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