Le nouveau Président tunisien, en visite officielle dans notre pays hier et aujourd'hui, sa première à l'étranger, met en avant l'impérative coopération bilatérale avec l'Algérie, deux pays liés par un «même sort». M. Kebci - Alger (le Soir) S'il affirmera «la très bonne coopération entre les deux pays sur le plan sécuritaire à cause du terrorisme», Béji Caïd Essebsi, qui intervenait, hier, dans deux quotidiens nationaux qui l'ont interviewé, reconnaîtra, néanmoins qu'il n'en est pas de même sur le plan économique. En raison, expliquera-t-il, «d'une grave crise économique», que ce soit en Europe, aux Etats-Unis ou dans les autres pays. «Et ce n'est pas pendant les grandes crises que les relations se développent», ajoutera-t-il, reconnaissant, au passage, l'appui de l'Algérie à son pays dans la lutte contre le terrorisme. Mais pour le nouvel homme fort de Carthage, le souci économique est intimement lié à la problématique sécuritaire. «On ne peut pas envisager de coopération ni même d'investissement extérieur sans, d'abord, régler le problème sécuritaire et, aussi, garantir la stabilité dans le pays», dira-t-il. Surtout que les deux pays partagent une longue bande frontalière, une dimension humaine commune. D'où, avouera-t-il, le «sort commun» qui lie les deux pays. Récusant le concept de printemps arabe, une «invention occidentale» selon lui, Béji Caïd Essebsi regrettera la volteface des membres du G8 qui, lors de leur réunion de Deauville, ont promis une aide de 25 milliards de dollars pour la concrétisation du plan de développement économique et social étalé sur cinq ans, présenté à l'occasion. Mais les résultats des élections de l'Assemblée nationale constituante, avec la majorité revenue à l'autre camp, ont fait capoter cette promesse. Ceci, en sus du fait que l'Europe, elle-même, est entrée en crise, ne pouvant donc faire des «largesses ailleurs». Et de préciser que le vieux continent s'est ravisé après le succès de la démarche démocratique, mais, soulignera-t-il, «jusqu'à maintenant, je n'ai pas vu grand-chose». Et au Président tunisien de faire montre de «prudence» vis-à-vis de la transition démocratique que plus d'un observateur considère comme étant «l'exemple» de par le monde arabe. Car pour lui, le début du printemps tunisien n'est pas encore confirmé même si des pas en avant ont été «effectués» avec des élections législatives et présidentielles très «correctes» et tout à fait «démocratiques», une Assemblée nationale constitutive qui a adopté une Constitution qui a changé les attributions des structures du pouvoir exécutif et du pouvoir législatif avec un régime semi-présidentiel mais principalement parlementaire, l'essentiel du pouvoir exécutif étant entre les mains du président du gouvernement et des attributions du président de la République bien fixées,... Ce qui fait que, «actuellement, ceux qui exercent le pouvoir doivent rendre des comptes. Ils sont contrôlés, ce qui n'existait pas avant», dira-t-il. Et cette exception tunisienne, Caïd Essebsi l'expliquera par le fait que, dès le début de l'indépendance, sous le leadership de Habib Bourguiba, la Tunisie a pris deux décisions stratégiques : la généralisation en 1959 de l'enseignement, la promulgation du code du statut personnel qui a libéré la femme tunisienne devenue quasi l'égale de l'homme, surtout dans le paysage politique, social et culturel. «Ce sont les deux grands leviers qui ont fait que la Tunisie réussisse», dira-t-il, mettant le doigt sur le troisième «ingrédient d'un régime démocratique», «la classe moyenne, très large dans le pays». Ne reste à ses yeux que le quatrième ingrédient où la Tunisie est peu ou pas du tout performante : l'économie, convaincu que «pour réussir la démarche démocratique, il faut qu'il y ait un minimum de bien-être». Et sur ce plan-là, le tableau de bord est peu reluisant : 620 000 chômeurs pour un petit pays comme la Tunisie, des chiffres importants de pauvreté, plusieurs régions marginalisées et qui ne font pas partie du grand circuit économique,... Ce pourquoi les Tunisiens se sont révoltés, pas, ironisera Essebci, «pour avoir quatre femmes ou parce qu'on n'en a qu'une, ou pour aller faire la prière ailleurs. C'est principalement pour la liberté d'expression, la dignité et l'amélioration des conditions sociales». Essebci s'interrogera quant au pouvoir de «remporter une victoire dans ce domaine-là et répondre aux attentes légitimes des régions et du peuple tunisien.» C'est ça, la question. Nous sommes maintenant à l'épreuve de la réussite (...). Nous sommes sur le point de réussir. Mais je dois dire que nous n'avons pas complètement réussi. Nous sommes toutefois sur la bonne voie». Par ailleurs, même s'il soutient être pour tourner la page du passé, le nouveau Président de la Tunisie exclut toute amnistie pour ceux qui ont volé ou subtilisé et commis des actes répréhensibles. Il invitera la justice transitoire à assurer des garanties à ceux qui ont souffert de l'ancienne ère et leur restituer leurs droits, loin de tout rendement de comptes. Quant à l'ancien président Ben-Ali, Essebci dira que «s'il venait à exprimer son vœu de revenir au pays, il n'aurait qu'à passer d'abord par la justice qui s'occupe de son affaire ».