Des «Panama papers» aux «Football Leaks», nombre d'affaires d'envergure n'auraient pu être mises au jour sans une intensive collaboration, souvent internationale, entre les médias. Une révolution dans le monde de l'investigation. Même flanqué de son quatrième Ballon d'Or, Cristiano Ronaldo ne devrait pas passer de très bonnes fêtes de fin d'année. Depuis début décembre, la superstar du foot mondial est au cœur d'un vaste scandale financier : il aurait dissimulé 150 millions d'euros au fisc espagnol via des sociétés-écrans et des comptes offshore basés dans des paradis fiscaux. Un scoop tiré des fameux «Football Leaks», cette fuite inédite de 18,6 millions de documents liés aux pratiques financières du monde du foot révélés au même instant, le 2 décembre à 21h, par une douzaine de médias européens (Mediapart en France, Der Spiegel en Allemagne, El Mundo en Espagne, le Sunday Times en Grande-Bretagne...) regroupés au sein d'un tout jeune consortium, l'EIC (European Investigative Collaborations). Comme dans le foot, les journalistes commencent à jouer collectif. «C'est le Spiegel qui a reçu ces millions de documents et décidé de les partager avec tous les membres du réseau, raconte Fabrice Arfi, chef du service d'enquêtes à Mediapart. Chez nous, trois personnes travaillent à temps plein sur cette affaire depuis sept mois, une première.» Chaque rédaction choisit les effectifs à y affecter. Au Spiegel, véritable institution outre-Rhin réputée pour ses enquêtes sans concession, ils sont huit. Du jamais-vu aussi. En tout, soixante journalistes ont enquêté pendant plus de six mois dans toute l'Europe. Une force de frappe impressionnante mais surtout indispensable pour traiter une telle masse de données, où s'entrecroisent mails, audits, contrats de joueurs, conversations sur messageries instantanées... Et dans toutes les langues : anglais, espagnol, portugais, français, mais aussi russe et même chinois. Comme l'explique Yann Philippin, qui a coordonné toute l'opération pour Mediapart, les «Football Leaks» ont exigé une logistique très spécifique qui permet de tout mettre en commun : infos, sources, carnets d'adresses. La base de la coopération entre rédactions. L'image du journaliste d'investigation, loup solitaire qui garde tout pour lui et se défie des concurrents, a du plomb dans l'aile.