Goudjil préside une cérémonie à l'occasion de la Journée internationale des femmes    Le président de la République présente ses condoléances aux familles des victimes de l'accident de la route à Tiaret    Technologie mobile : clôture à Barcelone du MWC 2025    Le wali d'Alger inspecte des projets liés au Plan Jaune de la vision stratégique de la capitale    Blocage de l'aide humanitaire à Ghaza: violation flagrante du droit international humanitaire    Ghaza : le bilan de l'agression sioniste s'élève à 48446 martyrs et 111852 blessés    Hand : Mourad Boussebt élu nouveau président pour le mandat 2025-2028    Hadj 2025: Belmehdi met en avant les mesures prises pour une prise en charge optimale des pèlerins    "La femme, le Ramadhan et la science", thème d'un colloque à Alger à l'occasion de la Journée internationale des femmes    Tiaret: décès de deux élèves et neuf autres blessés dans un accident de la circulation    Le président du HCI prend part en Arabie saoudite à la conférence internationale "Construire des ponts entre les écoles islamiques"    Journée internationale de la femme : M. Rebiga salue le rôle pionnier de la femme algérienne    Laghouat : inhumation de Chérifa Lalla El-Horra Tidjani au cimetière de la famille Tidjanie à Aïn-Madhi    Le Premier ministre s'entretient avec son homologue tunisien    Qualif's-Mondial 2026: l'arbitre algérien Gamouh dirigera Burundi-Seychelles    Kouidri insiste sur la nécessité de la mise en service du site de Saidal à Mostaganem avant la fin de l'année en cours    Equipe nationale de Futsal: nouveau stage de préparation au Centre de Fouka à Tipasa    Les instructions de la Banque d'Algérie    17.000 prêts attribués aux porteurs de micro-projets en 2024    Appel à la mobilisation autour du peuple palestinien    Mise en place du système de travail en continu 24/24 et 7/7 au port de Mostaganem    Trump suspend les aides militaires à Kiev    Les conflits et la sécheresse menacent plus 4.4 millions de personnes de famine    « Tikdourine », pour récompenser les petits jeûneurs    Saisie de 492 kilos de ''kalb-el-louz''    L'ortie et l'euphorbe, les plantes miracles    Ligue 2 amateur : La 22e journée débutera aujourd'hui    Le huis clos sera au rendez-vous de deux matchs ce vendredi    Championnat MLS : l'Algérien Farsi (Columbus Crew) dans l'équipe type de la semaine    Il y a 67 ans, le faucon du Mont Zbarbar, le commandant Si Lakhdar tombait en martyr    « Nuits de la Télévision » à Alger    L'insoutenable et indicible odyssée-tragédie des migrants aux portes de l'Europe, ou le temps venu des rêves confisqués    ANP: Un terroriste capturé et reddition de trois autres en une semaine    A Monsieur le ministre de la Justice    M. Ahmed Kherchi participe à la réunion du comité exécutif de l'UIP    la Direction générale de la communication à la présidence de la République présente ses condoléances        L'Algérie happée par le maelström malien    Un jour ou l'autre.    En Algérie, la Cour constitutionnelle double, sans convaincre, le nombre de votants à la présidentielle    Algérie : l'inquiétant fossé entre le régime et la population    Tunisie. Une élection sans opposition pour Kaïs Saïed    BOUSBAA بوصبع : VICTIME OU COUPABLE ?    Des casernes au parlement : Naviguer les difficiles chemins de la gouvernance civile en Algérie    Les larmes de Imane    Algérie assoiffée : Une nation riche en pétrole, perdue dans le désert de ses priorités    Prise de Position : Solidarité avec l'entraîneur Belmadi malgré l'échec    Suite à la rumeur faisant état de 5 décès pour manque d'oxygène: L'EHU dément et installe une cellule de crise    







Merci d'avoir signalé!
Cette image sera automatiquement bloquée après qu'elle soit signalée par plusieurs personnes.



C'est ma vie
Ameur, ou le génie d'un professeur
Publié dans Le Soir d'Algérie le 31 - 12 - 2016

Mes souvenirs du lycée Billal de Tissemsilt sont nombreux. J'y ai passé trois ans. J'en garde de très bons et de moins bons, mais celui qui reste gravé dans ma mémoire, c'est la rumeur de la mort de notre professeur d'histoire-géographie,
M. Ameur.
Un professeur pas très grand de taille, des yeux noisette, un visage rond, des cheveux noirs et un sourire qui ne quittait jamais ses lèvres. Généreux et très aimable, il riait tout le temps. Il avait toujours une nouvelle blague à raconter. Je ne l'avais jamais vu en colère, mais il était d'une sévérité et d'un sérieux inébranlables. J'aimais beaucoup ses cours car il avait une façon bien particulière d'expliquer les événements historiques. On avait l'impression de suivre un film en direct et les minutes passaient rapidement durant son cours. On ne s'en lassait point avec lui.
Je n'ai jamais obtenu la moyenne, mais je ne me plaignais jamais car, au fond de moi, je sentais que j'apprenais beaucoup, et que la méthode pédagogique qu'il adoptait avec nous allait nous mener inévitablement vers la réussite. En effet, la majorité des élèves avait obtenu une très bonne note en histoire-géo au bac ! Je me souviens du jour où, voulant le taquiner, un élève turbulent caricatura, avant qu'il n'entre en classe, son portrait sur le tableau et en rabattit les deux volets. Nous étions impatients de voir sa réaction. Il ouvrit le tableau et un silence sidéral s'installa. On s'attendait à une violente colère de sa part, mais à notre étonnement et avec un sang-froid digne des grands professionnels, il observa longuement le dessin, puis l'effaça sans dire un mot !
Il mentionna au tableau la date et l'intitulé de la séance. Et à notre étonnement, on s'est aperçu que ce qu'il avait écrit n'avait aucun rapport ni avec l'histoire ni avec la géographie ! C'était un cours de philosophie qu'il allait nous transmettre. En effet, il avait écrit comme titre de la leçon, la transgression, et commença à la définir et à l'expliquer d'une manière très philosophique. Il nous brossa un tableau exhaustif de cette notion chez différents philosophes. Et là, on avait compris qu'il répondait intelligemment à la provocation en nous donnant une véritable leçon de morale : ne jamais empiéter sur l'intimité d'autrui ! Même «le coupable» suivait avec intérêt ce qu'il disait.
C'était là l'une de ses formidables prouesses pédagogiques que j'appréciais tant. Et notre admiration pour lui ne cessait d'augmenter. En dehors de la classe, il appréciait la compagnie de notre professeur de français, un gentleman de grande taille et d'une une très forte personnalité. Instruit, sage et lucide, il a réussi à gagner notre estime.
Mais contrairement à M. Ameur, personne n'osait communiquer, non pas parce qu'il était sévère ou orgueilleux, mais parce qu'il ne parlait que la langue de Voltaire et comme nous ne magnions pas le verbe aussi facilement que lui, nous nous arrangions pour éviter de lui parler au risque de commettre des bêtises linguistiques ! On aurait payé cher pour le voir parler en arabe et on se demandait si chez lui, il s'exprimait aussi en français.
Quand on lui demandait pourquoi, il ne nous a jamais expliqué quoi que ce soit en arabe, il répondait par une autre question : «Est-ce que je vous enseigne le français ou l'arabe ? Faites un effort et prenez la parole dans cette langue. N'ayez crainte, je suis là pour vous corriger, on ne fait pas d'omelette sans casser des œufs, non ?» nous répétait-il souvent ! Eh oui, il avait entièrement raison.
Nos deux professeurs avaient plusieurs points en commun : la compétence, le sérieux et surtout une flexibilité dans leur manière d'enseigner très singulière et qu'on ne retrouvait pas chez les autres qui, à la moindre bêtise ou devoir oublié, nous ordonnaient : «La surveillance, je veux voir vos parents !»
Un jour de Ramadhan, je me rappelle comme si cela datait d'hier, l'annonce de sa mort se répandit dans le lycée comme une traînée de poudre. Personne n'osait y croire. «Oh! mon Dieu, ce n'est pas vrai», criaient les élèves. Des évanouissements, des larmes et des hurlements fusaient de toutes parts. Comme si le ciel nous était tombé sur la tête. On est sorti en courant de la classe à la recherche de notre professeur de français pour qu'il nous confirme ou nous infirme la mauvaise nouvelle. «C'est vrai, il a été hospitalisé hier soir car sa tension artérielle était un peu élevée mais sans gravité.» Il paniqua lui aussi et prit tout de suite son téléphone et le contacta. En l'entendant parler avec lui et en voyant le signe d'apaisement qu'il nous faisait, un grand soulagement se lisait sur tous les visages.
C'était une rumeur ! En effet, le jour de son hospitalisation, un autre patient qui portrait le même prénom que lui a été admis aux urgences avec les mêmes symptômes et succomba suite à un pic de tension.
On avait remercié Dieu, et on a su combien on aimait notre cher professeur. Ce jour-là, même les couloirs de l'hôpital ne pouvaient contenir le flux des élèves qui venaient s'enquérir de sa santé !
Comble de l'ironie, celui qui nous a tous devancés à l'hôpital, pour lui rendre visite, n'était autre que Hamza ! L'auteur de la fameuse caricature. Il était devant son maître les larmes aux yeux. Des larmes pleines de regrets ! Et moi, en portant un regard admirateur sur mon professeur favori, je me suis dit : «ce n'est pas lui qui est mort, mais c'est son mal !» (Charo mat ! Un adage bien de chez-nous). Actuellement, il est chef d'un établissement scolaire, promotion qu'il mérite bien. Je le croise souvent, et il n'a pas changé d'un iota si ce n'est les quelques cheveux blancs qui ont envahi sa tête.
Ce qu'il y a de plus doux au monde, c'est la tristesse qu'on partage : les larmes qui se mêlent à d'autres larmes sont un baume pour la douleur, pour reprendre George Sand.


Cliquez ici pour lire l'article depuis sa source.