La Haute Instance indépendante de surveillance des élections a été officiellement installée hier, dimanche, à l'occasion d'une cérémonie précédant sa première réunion, tenue au Palais des Nations à Club-des-Pins à Alger. Une cérémonie boycottée par les principaux partis de l'opposition, mais pas seulement. Un «boycotteur» surprise est venu, en effet, amplifier le nombre de couacs ayant caractérisé le départ de cette nouvelle structure lancée par le pouvoir : il s'agit du Rassemblement national démocratique, rien que cela ! Kamel Amarni - Alger (Le Soir) - Bien évidemment, les raisons ayant contraint le RND à faire l'impasse sur cette cérémonie sont radicalement différentes de celles des partis de l'opposition. Si les absences des partis comme le RCD, Talaiou El Hourriyet de Ali Benflis ou encore le parti de Abdellah Djaballah ne constituent nullement une surprise, eux qui ont déjà eu à décrier le principe même ayant présidé à la création de cette instance, la défection surprise du RND est une première dans les mœurs du parti du pouvoir. Selon une source sûre, c'est une «bourde» protocolaire qui explique l'absence de Ahmed Ouyahia. «Certes, Ahmed Ouyahia était retenu dans l'après-midi par une activité présidentielle. N'empêche, il n'a pas pour autant daigné déléguer un représentant comme l'a fait Abderrezak Mokri ou encore Louisa Hanoune», nous confie notre source. Cela, avant d'expliquer, plus en détails encore : «L'Instance présidée par Derbal qui a organisé l'événement ne s'était pas rendu compte qu'en mettant en place un ordre protocolaire, s'agissant des partis politiques, allait provoquer une situation cocasse, celle de voir Ahmed Ouyahia, secrétaire général du deuxième parti en Algérie, mais surtout ministre d'Etat, directeur de cabinet de la présidence de la République et plusieurs fois chef de gouvernement ou Premier ministre, au troisième rang dans la salle, derrière une nuée de sigles ou de partis microscopiques.» En fait, et par souci d'équité, les organisateurs ont cru bon devoir procéder à l'installation des chefs des partis en fonction de la date de l'obtention de leurs agréments. Cela donnera lieu, bien sûr, à une configuration très avantageuse pour le FLN, dont le patron, Djamel Ould Abbès, se retrouve à côté du président du Sénat, Abdelkader Bensalah, de celui de l'APN, Larbi Ould Khelifa, et du Premier ministre Abdelmalek Sellal, entre autres, et au premier rang naturellement. Idem pour des partis comme le PRA, Ennahda, le Majd, qui, eux aussi, ont été créés au lendemain des événements d'Octobre 1988 même s'ils ne représentent quasiment plus rien de nos jours, alors que le RND «paye» sa date de naissance tardive de 1997 pour se retrouver noyé au milieu d'une forêt de nouveaux sigles «libérés» par le ministère de l'Intérieur, en 2012 ! C'est donc pour éviter de rééditer un scandale protocolaire similaire à celui qui avait fait capoter le Sommet économique africain organisé par le Forum des chefs d'entreprises en octobre 2016 que Ahmed Ouyahia a préféré s'abstenir, y compris de déléguer un représentant au Palais des Nations. Un Palais des Nations où l'on avait assisté à l'une des cérémonies les plus insipides en la matière. La composante de cette nouvelle instance, en soi, y contribue déjà grandement. A l'exception de son président, l'ancien ministre et ancien conseiller à la présidence, Abdelwahab Derbal, l'on aura affaire à une armée d'anonymes, 410 au total, équitablement répartis entre le corps des magistrats et la très dépendante «société civile». Même Khaled Bounedjma, président du nouveau parti, le FNJS, est d'ailleurs scandalisé : «Où sont les membres indépendants ? Moi je ne vois ici que des militants du FLN et du RND.» La «société civile» en question est exactement la même qui est traditionnellement mobilisée par le pouvoir à l'occasion de chaque rendez vous-électoral majeur. Dans le lot, quelques militants effectivement, beaucoup de présidents d'associations, des membres du Cnes et même un ancien arbitre international de football ! Comme le dira le Premier ministre, Abdelmalek Sellal, en marge de la cérémonie, l'Etat a «certes réuni tous les moyens matériels nécessaires pour lui permettre d'exercer sa mission dans les meilleures conditions possibles, car il s'agit d'une garantie envers toutes les Algériennes et tous les Algériens ainsi que les partis politiques afin de les amener à participer massivement aux prochaines élections législatives». Au plan matériel, l'Instance de Abdelwahab Derbal est effectivement indépendante. Mais au plan politique et opérationnel, il y a lieu de rappeler que sa mission se limite à, seulement, surveiller et non pas superviser les élections. Bouteflika, tout compte fait, n'a fait qu'exclure les partis de cette structure qui n'est qu'une reproduction «bien emballée» de toutes les précédentes.