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TENSIONS SUR LE GAZ ENTRE L'ALGERIE ET LA FRANCE
Les vraies raisons d'un conflit
Publié dans Le Soir d'Algérie le 25 - 01 - 2017

Les perturbations évoquées récemment par l'opérateur GRTgaz, filiale de la compagnie publique française Engie, puis par la maison-mère elle-même, dans la livraison du GNL pour la France et la réponse sèche de la Sonatrach sont considérées, par nombre de spécialistes, comme le prélude d'une guerre non déclarée qui dure depuis plus d'un demi-siècle. La Sonatrach subit en fait d'énormes pressions pour renégocier les termes du contrat gazier avec Engie (ex-GDF Suez) qui use de tous les subterfuges pour entraîner le débat technique (formules de vente de gaz) vers le terrain politique. Le contrat d'approvisionnement de la France en gaz devra expirer dans deux ans. Sa reconduction devra traverser des zones de turbulence politique. La Sonatrach est alors incapable de résister seule à l'offensive française.
Un demi-siècle de guerre
Dans un esprit de rivalité et de guerre permanente sur les questions du gaz, l'Algérie et la France ont fêté le 2 avril 2015 le cinquantième anniversaire de la première livraison de GNL. De part et d'autre de la Méditerranée, c'était pratiquement une occasion de se rappeler que la guerre sur les prix de cession de gaz n'a jamais cessé et ne risque pas encore de laisser place à d'autres solutions, moins déplaisantes. Même si l'Algérie a commencé à livrer du gaz aux groupes énergétiques français à partir de 1964, la question des prix a toujours empoisonné les débats entre les deux pays. Pour l'histoire, le premier accord sur les prix du gaz n'a pu être conclu qu'en mai 1967.
A cette date, les Français exploitaient encore les gisements d'hydrocarbures d'Algérie, mais le gouvernement de Boumediène s'était accaparé les moyens de transport, autrement dit, les pipelines. Belaïd Abdeslem, ministre alors de l'Industrie et de l'Energie, a dû mener une bataille de deux ans pour aboutir à un accord sur les modalités d'approvisionnement de la France par le gaz algérien et sur les prix de cession de ce produit. Car, avant de conclure cet accord, il fallait d'abord s'entendre avec les Français sur la construction du gazoduc qui allait relier Hassi R'mel au port de Skikda. Il fallait encore plus d'efforts pour accepter que la société française d'engineering, Technip, puisse arracher le contrat de construction de l'usine de liquéfaction du gaz sur le port de Skikda.
Enfin, les Algériens devaient encore obtenir l'accord des Français pour la construction d'une usine de regazéification à Fos-sur-Mer, qui allait être, jusqu'à ce jour, le vis-à-vis de l'usine de GNL de Skikda. Au bout de plusieurs rounds de discussions serrées, Algériens et Français finissent par s'entendre sur un prix de 0.43 dinar le mètre cube de gaz livré à partir de Skikda. Le commerce international du gaz faisait alors ses premiers pas et les deux antagonistes ont testé toutes les options possibles et imaginables pour parvenir aux accords de vente de gaz. Depuis lors, la guerre sur les prix n'a jamais cessé, car il fallait périodiquement renégocier les contrats de livraison de gaz et chaque partie tente de tirer des avantages sur les conditions de vente-achat.
La révolution d'Arzew
Avec la construction en 1964 à Arzew, de la première usine de liquéfaction du gaz au monde, l'Algérie, qui venait à peine de recouvrer son indépendance, allait accompagner en temps réel la révolution de cette industrie et de ses possibilités de liquéfaction du gaz naturel à une température de -160 degrés Celsius pour pouvoir le transporter partout dans le monde.
Le 27 septembre 1964, l'usine d'Arzew, appartenant alors à la Compagnie algérienne de méthane liquide (Camel) achevait fièrement le chargement de la première cargaison de GNL au monde (27 000 mètres cube) à destination du terminal de regazéification de Convey Island, en Grande-Bretagne, sur le méthanier le Methane Princess. Quelques semaines plus tard, c'est au tour du méthanier Jules Verne, appartenant à Gaz de France, de venir s'approvisionner à Arzew pour alimenter le terminal du Havre.
Le capital de Camel, conçue et mise en œuvre avant même l'indépendance de l'Algérie, était réparti entre les groupes anglo-saxons, Shell, Conoco, Chicago Stock Yard et les français SN Repal et CFP. A la nationalisation des hydrocarbures imposée par Boumediène, la Sonatrach allait acquérir d'abord en 1971, 48% des parts sociales de l'entreprise. Par la suite, cette participation algérienne allait être portée à 60% en 1975 puis, à 100 % en octobre 1977. A cette occasion, l'usine de Camel a été rebaptisée Complexe GL4/Z.
Pendant 46 ans de service, GL4/Z a réalisé une production globale de 85 6 millions de m3 de GNL, qui a été chargée sur 3 046 méthaniers. Aujourd'hui, ce tas de ferraille pourrait encore servir à d'autres activités du département d'Akli Remini, l'actuel vice-président de la Sonatrach en charge de l'activité liquéfaction, raffinage et pétrochimie.
Conscient alors de l'arme du GNL, le gouvernement algérien et la Sonatrach allaient multiplier la construction des usines de liquéfaction du gaz naturel pendant les années 70. Il a été ainsi décidé de la construction du complexe GL1K à Skikda en 1973 et GL1Z ainsi que GL2Z à Béthioua respectivement en 1978 et 1981. Mais ces projets ont connu bien des déboires, en dépit de la forte implication alors des compagnies américaines et japonaises (JGC notamment) dans la réalisation des projets structurants de l'Algérie. Pour exemple, la Sonatrach avait confié en 1971 à la compagnie américaine Chemico, la construction de l'usine de liquéfaction de gaz GNL1, pour le montant de 314 millions de dollars. En 1974, la compagnie américaine réclamait une rallonge de 70 millions de dollars, alors que le projet cumulait déjà 12 mois de retard sur les délais contractuels.
La Sonatrach a été donc contrainte de procéder à l'annulation de ce contrat et confier le reste des travaux à l'autre compagnie américaine, Bechtel. Le contrat a été signé le 21 janvier 1973 et l'entrée en exploitation du complexe n'a pu avoir lieu avant le 25 novembre 1978. En résumé, plusieurs années de retard ont marqué la réalisation de ce projet. Il faut noter encore que ces installations ont été rénovées en 1993 et continuent de fonctionner à ce jour, après 39 ans de service.
Avec ces outils de liquéfaction du gaz naturel, l'Algérie pouvait commercialiser son produit partout dans le monde et espérait tant se détacher de la France, qui était, quant à elle, soucieuse de la diversification des sources de ses approvisionnements en gaz. A Paris, on redoutait surtout une forte dépendance au gaz soviétique. A cette époque, le gouvernement algérien avait retenu le projet Valhyd, qui allait faire du pays une belle plateforme de l'industrie du pétrole et du gaz. Belaïd Abdeslem et Sid Ahmed Ghozali avaient sollicité l'assistance technique de la compagnie américaine Bechtel, pour l'élaboration d'un vaste programme de transformation des hydrocarbures et réduire au minimum les exportations des produits bruts. Les responsables algériens redoutaient alors surtout que la France exerce son influence sur les partenaires pour faire échouer le projet.
Néanmoins, à la mort de Houari Boumediène et l'arrivée au pouvoir de Chadli Bendjedid, tout le programme Valhyd est remis en cause. Le projet est abandonné, mais pas la guerre avec la France autour des prix du gaz.
Le package de Chadli
Le 8 mars 1979, Chadli nomme Belkacem Nabi à la tête du département de l'énergie. Ministre, membre influent de l'Opep et de l'Opec et aussi P-dg de la Sonatrach, Nabi va peser sur tout le secteur de l'énergie jusqu'en 1991. Son grand coup d'éclat, on va le découvrir lors de la visite en France de Chali Bendjedid. Un moment historique, puisqu'il s'agissait de la première visite d'un Président algérien sur le sol de l'ancien colonisateur. Nous sommes le 17 décembre 1982. Pour la première fois, l'hymne national algérien retentit officiellement en France.
Et pour rehausser cette visite, François Mitterrand accueille Chadli Bendjedid à l'aéroport d'Orly et non au palais de l'Elysée, comme le veulent la tradition et le protocole de l'Etat français. Au menu principal de la visite de Chadli, l'accord gazier avec la France. A Paris, notamment au Sénat, on dénonçait le contenu du contrat. Les deux Présidents signent quand même l'accord de vente de gaz à long terme. Mais, à cette occasion, Chadli n'avait pas vendu seulement du gaz aux Français, mais tout un package d'accords.
Il était question alors de l'émigration, du service national, de l'aide financière, du chemin de fer et même d'un projet de construction de 60 mille logements sociaux. Le contrat gazier signé entre la France et l'Algérie allait avoir un design assez particulier: le prix est indexé sur un panier de huit pétroles bruts selon des formules assez complexes qui accordaient un avantage important à la partie algérienne quand le prix du pétrole était suffisamment élevé.
Le krach de 1986
Quels que soient les clients et les vendeurs, les contrats de fourniture de gaz à long terme comportent deux aspects essentiels:
- Les formules d'indexation du gaz sur les prix du pétrole (1)
- La clause de Take or Pay (ToP) à travers laquelle les acheteurs s'engagent à acheter un volume minimum de gaz. Et même s'ils ne prélèvent pas la quantité, ils doivent quand même la payer. Tout allait pour le mieux quand le prix du baril de pétrole était dans les tendances haussières. Mais, à partir de la crise pétrolière de 1986, l'or noir a fortement chuté sur les places boursières, entraînant dans son sillage les prix du gaz.
Les contrats à long terme allaient devenir un cauchemar pour les dirigeants algériens, car on n'avait jamais imaginé un tel scénario et on n'avait pas balisé les formules dans le cas où les prix du pétrole allaient s'effondrer. Bien sûr, GDF était bénéficiaire sur les formules d'indexation du gaz sur le prix du pétrole et refusait catégoriquement de renégocier les termes des contrats avec l'Algérie. Les clients européens de la Sonatrach adopteront évidemment la même attitude.
A partir de 1988, nous étions en arbitrage avec la majorité des clients. La Sonatrach était piégée dans les formules d'indexation qu'elle a elle-même élaborées et imposées à ses clients. Youcef Yousfi, alors P-dg de la Sonatrach, et Belkacem Nabi, ministre de l'Energie, contenaient très mal cette situation, qui aura été la plus tendue de l'histoire des hydrocarbures en Algérie.
En décembre 1989, alors que le pays était presque en cessation de paiement, Sonatrach avait été obligée de céder au diktat de GDF et forcée d'accepter toutes les conditions, qualifiées de hogra, imposées par Paris. Au final, on aura tous retenu la leçon.
L'option stratégique
Durant les années 1990, les relations entre l'Algérie et la France vont connaître des tensions issues de divergences multidimensionnelles. L'arrivée de Sid Ahmed Ghozali à la tête du gouvernement en 1991 allait cependant changer beaucoup de choses.
Cet ancien ministre de l'Energie et P-dg de la Sonatrach aura marqué son passage par les amendements apportées à la loi 86-14 relative au hydrocarbures à travers la loi 91-21 du 04 décembre 1991.
Il ne s'agissait pas spécialement d'une loi anti-française, mais plutôt un ajustement des procédures permettant l'arrivée massive des compagnies étrangères (BP, ENI, Agip, Anadarko, Arco, etc.) pour investir en Algérie. L'emprise de la France avait, quant à elle, été déjà entamée 18 mois plus tôt.
En février 1990, un accord algéro-italien a été conclu pour augmenter les capacités du gazoduc transméditerranéen de 12 à 19 milliards de mètres cubes par an. Le dédoublement de l'ancien gazoduc sous-marin par l'apport d'un nouveau tube de 48 pouces allait coûter 7.5 milliards de dollars. On assistait là à un accord historique jamais conclu auparavant dans le monde.
En décembre 1990, la Sonatrach et l'italienne Snam (filiale du groupe ENI) ont en fait convenu de la vente de 530 milliards de mètres cubes de gaz sur une période de 25 ans. A ce jour, le monde du pétrole n'a jamais revu un contrat d'une telle ampleur.
Deux ans plus tard, la Sonatrach confirme sa nouvelle stratégie et signe avec l'autre italien Enel, un nouveau contrat d'une valeur de 8 milliards de dollars, équivalent à une livraison annuelle de l'ordre 4 milliards de mètres cubes sur une période de 20 ans. Il est alors évident que l'Algérie, qui était en froid avec la France, s'était résolument tournée vers un nouvel allié européen. C'est justement avec cet argent italien que l'Algérie va financer, en partie, sa survie au début des années 90, alors qu'elle subissait un blackout presque total, imposé par Paris.
Dans la même logique, l'Algérie s'est également alliée avec l'Espagne, en dépassant tous ses contentieux avec le Maroc. En 1992, les trois pays ont convenu de la construction du gazoduc GME (Maghreb-Europe) qui allait traverser le Maroc pour alimenter l'Espagne en gaz algérien.
La Sonatrach et la compagnie espagnole Enagás signeront alors un contrat d'approvisionnement à long terme. Plus tard, en 1994, GME a sera raccordé au gazoduc Transgas pour alimenter le Portugal. Pour l'histoire, on avait choisi, comme date symbolique, le 1er novembre 1996 pour la mise en service de GME sur son tracé algérien.
Le tronçon espagnol a été inauguré, pour sa part, le 9 décembre 1996 et, enfin, la section portugaise a été mise en service le 27 février 1997.
Le gazoduc GME, long de 1.620 kilomètres disposait d'une capacité initiale de 8,6 milliards de mètres cubes de gaz naturel par an, qui a ensuite été étendue à 12 milliards de mètres cubes. Le projet a coûté la bagatelle de 2,3 milliards de dollars au moment où le pays était sous pression du FMI pour réduire ses budgets.
C'est dire tout l'effort consenti par l'Algérie pour se détacher notamment de la dépendance envers le marché français du gaz.
Les ruses de Chakib Khelil
Tout au long des années 90, la Sonatrach avait poursuivi sa même logique de prospection de nouveaux marchés et, au-delà des contrats sur les gazoducs, elle a fini par conclure des contrats à long terme en GNL avec des clients qui ne sont pas spécialement amis avec la France.
L'arrivée, en 1999, de Chakib Khelil devait, en principe, achever le plan de rupture avec le diktat français. Mais, l'explosion survenue, en août 2004, dans le complexe GNL de Skikda n'avait cependant pas arrangé les affaires de la Sonatrach.
La construction du nouveau complexe de Skikda (4,5 Mt/an) et même celle d'arzew (4,7 Mt/an) allaient enregistrer un énorme retard et les installations ne seront réceptionnées que bien après le départ de Chakib Khelil.
Mais, en même temps, notre ancien ministre de l'Energie avait réussi à faire construire Medgaz, un gazoduc sous-marin qui relie l'Algérie directement à l'Espagne. Cependant, même sur ce projet, GDF s'est greffée en s'associant à la coentreprise Medgaz.
En fait, à travers ce gazoduc sous-marin Gaz de France avait signé avec la Sonatrach, en 2006, un nouveau contrat de 20 ans portant sur l'achat d'un volume annuel de 1 milliard de mètres cube de gaz naturel.
La mise en service commerciale du gazoduc Medgaz a été effective en avril 2011, pour transporter 8 milliards de mètres cubes gaz par an, à partir de Beni-Saf vers Almeria en Espagne.
D'une longueur de 210 kilomètres, ce gazoduc est construit sur un fond de quelque 2 200 mètres sous la mer. Plusieurs compagnies ont participé à son financement qui a coûté 902 millions d'euros. Il s'agit de la Sonatrach (36%), Cepsa et Iberdrola 20% chacune, Endesa et GDF Suez 12% chacune.
On l'aura constaté, depuis son arrivée à la tête du secteur des hydrocarbures, Chakib Khelil a toujours donné l'impression d'éviter tout affrontement avec les Français. C'est comme s'il préférait les «gérer»... D'ailleurs, en 2000, la Sonatrach et Gaz de France ont signé, sous son œil vigilant, un accord de coopération portant sur le renouvellement jusqu'en 2013 des deux principaux contrats gaziers, qui arrivaient à échéance en 2002, une participation de Gaz de France dans l'amont algérien (Projet Touat Gaz) et bien d'autres projets qui n'allaient jamais voir le jour.
En 2002, Gaz de France parvient encore à conclure avec la Sonatrach quatre contrats de vente de gaz portant sur un volume global de 10,24 milliards de mètres cubes par an. Cette quantité représentait alors quelque 18% du volume des exportations gazières de la Sonatrach. Sur l'autre rive de la Méditerranée, la part de marché de la compagnie algérienne allait représenter le quart des importations de GDF.
Mais, les lignes rouges que les Français ne devaient jamais franchir allaient être tracées par Chakib Khelil en 2007. En décembre, lors de la visite de Nicolas Sarkozy en Algérie, plusieurs gros contrats sont signés entre Algériens et Français, notamment dans le secteur des hydrocarbures.
A cette occasion, Gaz de France avait obtenu de Chakib Khelil la prolongation, jusqu'en 2019, du contrat gazier avec la Sonatrach. On avait évoqué alors le volume de 10 milliards de mètres cubes par an. Dans la tête de notre ancien ministre de l'Energie, cette quantité était insignifiante, puisqu'il tablait sur un volume à l'export de l'ordre de 100 milliards de mètres cubes à l'horizon 2015.
Au fond, dans son analyse, Chakib Khelil privilégiait les contrats à long terme, puisque le gaz était indexé au prix d'un baril de pétrole qui dépassait les 120 dollars. Le marché de spot était nettement moins intéressant pour l'Algérie.
Mais quand il s'agissait du projet du craquage d'éthane, que tentait d'imposer Total avec l'appui de Sarkozy, Chakib Khelil a sorti le grand jeu en laissant traîner le dossier pendant des années, en invoquant des contraintes techniques.
Le contrat a finalement été enterré et aucune suite logique n'a été réservée à la sollicitation à la partie français sur le projet qui allait être réalisé à Arzew.
Conséquences du déclin
Le 28 mai 2010 correspond à la date du départ de Chakib Khelil du ministère de l'Energie, après onze années de règne absolu sur le secteur. Son remplacement par Youcef Yousfi allait accompagner la multitude des échecs de la Sonatrach sur plusieurs dossiers.
Sur les 150 milliards de gaz qu'on espérait produire en 2010, la Sonatrach peinait à mettre sur le marché 145,8 milliards. L'année suivante le déclin, qu'on considérait comme naturel, allait porter la production à 139,9 milliards. En 2012, cette production allait atteindre 132,5 milliards et 127,2 milliards l'année suivante.
En dépit des investissements consentis par Abdelhamid Zerguine et Youcef Yousfi, cette production allait atteindre 130,9 seulement en 2014. Nous avions tous l'impression que la Sonatrach avait perdu son âme et surtout sa crédibilité sur les marchés internationaux.
Au passage, on citera l'exemple d'un arbitrage perdu, en 2014, par la compagnie pétrolière algérienne face à la norvégienne Statoil. Tous les experts étaient stupéfaits d'apprendre que la Sonatrach était sommée par le tribunal arbitral de verser plus de 400 millions de dollars aux Norvégiens, en raison de son incapacité à satisfaire la livraison d'un volume contractuel de 2 milliards de mètres cubes par an sur un terminal aux USA.
Quelques années plus tôt, Statoil et Sonatrach avaient signé ce contrat pour la livraison du volume en question. Mais notre groupe pétrolier était incapable de fournir la quantité de 2 milliards et s'est réfugié plutôt derrière le justificatif selon lequel le contrat n'avait pas été approuvé par les hautes autorités du pays.
Cette situation de déclin, provoquée surtout par l'incompétence et le manque de technicité au niveau de la Sonatrach, avait donné bien des arguments aux protagonistes français pour mobiliser l'Union européenne autour de l'idée de la fin de l'épopée du gaz algérien. Du coup, la plupart des clients du GNL de la Sonatrach (voir tableau des principaux contrats) étaient sceptiques quant à ses capacités d'honorer ses engagements contractuels. C'était, là, la situation la plus grave jamais vécue depuis la naissance de la Sonatrach.
Face à ce jeu de bricolage, le Président Bouteflika réagit violemment en 2015. Il prend le taureau par les cornes et limoge Youcef Yousfi, tout en nommant un nouveau P-dg à la tête de la Sonatrach.
Amine Mazouzi, en dépit de son jeune âge, s'entoure d'une équipe qui va révéler un potentiel réel de maîtrise et accroître immédiatement les capacités du pays à honorer la demande du marché.
Nommé en mai, Mazouzi montre en quelques mois les signes de la reprise de la production du gaz et du pétrole en Algérie. En octobre de la même année, il signe avec ENI un accord portant sur l'augmentation de 6 à 11,5 milliards de mètres cubes par an des volumes livrés par la Sonatrach à la partie italienne.
En 2016, tous les traders des marchés internationaux se posaient la question de savoir d'où Omar Maaliou (DGA de la Sonatrach chargé de la commercialisation) soutirait les quantités de gaz qu'il proposait à ses clients.
Le secret est toujours gardé par l'actuelle équipe de la Sonatrach qui évoque toujours les termes d'optimisation de la chaîne de production des hydrocarbures.
Quand la Sonatrach a affiché son intention de produire le volume de 141 milliards de mètres cubes en 2017, les thèses françaises se sont subitement effondrées et les clients traditionnels de l'Algérie ont repris confiance en son potentiel. Depuis le début de l'hiver, la Sonatrach a multiplié les contrats de vente et a réalisé des records dans les livraisons de gaz tant par gazoduc que par GNL.
Engie quitte l'amont algérien
Les dernières années auront été très difficiles pour le groupe français GDF-Suez qui a changé d'appellation et opté pour celle d'Engie. Sur la place du CAC 40, l'action du groupe s'est effondrée en 2016, perdant au passage presque 20% de sa valeur.
Les problèmes internes de trésorerie ont fait que le groupe tente par tous les moyens de se dérober à ses obligations de service public et consacrer l'essentiel de son activité à des opérations à forte valeur ajoutée.
Lors de la nomination, le 3 mai dernier, d'Isabelle Kocher en qualité de directrice générale du groupe, Engie avait annoncé son intention de se détacher de certains actifs fossiles pour se concentrer davantage sur les énergies renouvelables.
Au cours de la décennie précédente, et comme toutes les compagnies de distribution de gaz et d'électricité, Engie a profité de l'embellie des prix du pétrole pour acquérir des actifs dans l'amont pétrolier et gazier. Autrement dit, la recherche et la production des hydrocarbures. Mais, dès que les prix du pétrole ont fortement chuté, ces compagnies se sont empressées de vendre ces actifs afin d'opérer un délestage avantageux pour leur trésoreries respectives. L'exemple le plus frappant dans ce contexte est celui de l'électricien italien Enel qui a décidé de se détacher de tous ses actifs dans l'amont pétrolier.
L'année dernière, Engie avait envisagé cette éventualité de se retirer de l'exploration-production qui concerne des actifs au Royaume-Uni, en Norvège, en Egypte et dans quelques pays asiatiques. Aucun commentaire n'avait été suscité par cette décision, à l'exception de celle du retrait d'Engie du projet de Touat Gaz en Algérie. A travers ses relais en Algérie, la compagnie française tentait de faire croire que son départ allait provoquer une catastrophe nationale.
Pourtant, le projet de Touat Gaz, situé dans le bassin de Sbaa (Adrar) ne peut produire annuellement qu'un petit volume de 4,5 milliards de mètres cubes de gaz et 630 mille barils de condensat. A ce titre, il y a lieu de se poser la question de savoir ce que représentent 4,5 comparativement aux 141 milliards de mètres cubes de gaz prévus pour l'année en cours. Il est donc évident que la compagnie française persiste à créer un climat assez particulier et va décrire sa sortie de l'Algérie comme étant un événement majeur pour le pays...
Le piège politique
En avril dernier, lorsque la Sonatrach négociait des contrats très avantageux pour l'Algérie avec de nouveaux clients, Engie se lançait dans une manœuvre qui relève plutôt de l'intox et de la diversion. Elle annonce alors un accord conclu avec le géant russe Gazprom pour «adapter le prix des contrats d'approvisionnement de gaz à long terme».
Aucun expert pétrolier, censé connaître les tensions existant entre la France et la Russie notamment sur le dossier syrien, ne prendrait au sérieux une telle affirmation. Car, on imagine mal un Poutine vendre «son» gaz à un pays quelconque sans obtenir au préalable des concessions d'ordre politique.
En 2016, les contrats russes représentaient environ 22% des approvisionnements de long terme du groupe Engie. Autrement dit, les Français ont volontairement admis leur dépendance au gaz russe. Mais, si cette démarche française est quelque peu inscrite dans la tradition depuis l'effondrement de l'Union soviétique, la problématique algérienne, aux yeux des Français est de tout autre nature. Avec les Russes, c'est GDF-Suez, et plus tard Engie, qui négocie directement avec GazProm ou Rosneft, sans aucune interférence politique. Mais, pour le cas de l'Algérie, l'entité française négocie toujours en premier lieu avec la Sonatrach et si celle-ci ne cède pas à ces caprices, le débat est très vite porté sur la scène politique.
C'est justement le cas ces dernier mois. Engie espère prolonger «son» contrat avec la Sonatrach qui va expirer en 2019. Sachant que la compagnie publique algérienne et son DGA Omar Maaliou ne vont rien céder sur les prix, Engie se tourne vers un subterfuge qui dure depuis plus de 50 ans. C'est-à-dire obtenir les concessions voulues chez les responsables politiques.
Mais, aujourd'hui à Paris, personne ne décide de l'avenir de la France. Tout le monde est démissionnaire en attendant les présidentielles prévues pour le 23 avril prochain. La course électorale est tellement floue qu'aucun politicien n'est susceptible de s'impliquer directement avec Engie pour débattre, avec les autorités algériennes, des questions de la prolongation du contrat gazier de la Sonatrach. Pour compenser ce vide politique, Engie use de l'arme médiatique. La semaine dernière, c'est l'une de ses filiales, GRTgaz, qui se met de la partie pour dénoncer une rupture d'alimentation, par la Sonatrach, de ses stocks sur Fos-sur-Mer et que le sud de la France souffre à cause du comportement de la partie algérienne.
Une façon comme une autre de provoquer une certaine mobilisation en France et contraindre les Algériens à céder sur les questions d'approvisionnement en gaz. La réponse de la Sonatrach est sans équivoque: «Nous sommes en droit de décliner une quelconque commande d'approvisionnement supplémentaire en gaz», dira une source du groupe pétrolier algérien lors d'un point de presse.
En parallèle, bien avant ces présidentielles en France, une erreur de casting est survenue à Alger. Le lundi 14 décembre dernier, l'agence officielle algérienne APS publie une dépêche selon laquelle «le ministre de l'Energie Noureddine Bouterfa a évoqué (ce jour même, Ndlr) à Alger avec la directrice générale du groupe français Engie (ex-GDF Suez), Isabelle Kocher, les perspectives de collaboration dans les domaines gazier et des énergies renouvelables.
Selon l'APS, «M. Bouterfa et Mme Kocher ont également abordé l'état actuel du marché international du gaz naturel et son évolution ainsi que les opportunités d'affaires et les perspectives futures d'investissement dans les projets structurants en Algérie, notamment dans le domaine des énergies renouvelables».
Entre l'ambition de notre ministre de l'Energie d'inciter Engie à participer à «son» projet de 400 mégawatts d'électricité produite à partir du photovoltaïque et le souhait de la DG d'impliquer le politique dans les négociations du contrat gazier, la marge est infime. Mais, si Engie réussit à entraîner la Sonatrach sur le terrain politique et obtenir des concessions sur celui-ci, tous les équilibres seront rompus.
De toutes les façons, même si la Sonatrach devait perdre ou gagner cette manche, ce ne sera qu'un nouvel épisode d'une guerre qui dure depuis plus d'un demi-siècle.
Mokhtar Benzaki
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(1) Exemple de formule de vente de gaz:
Pour l'Europe : P = Po + A x (G-Go) + B x (F-Fo)
Pour l'Asie : P = Po + A x (B-Bo)
P (Po) = prix mensuel d'achat du gaz au producteur (indice o : date initiale de mise en œuvre du contrat) ;
G, F & B = prix moyen sur 3, 6 ou 9 mois du fioul domestique G, du fioul lourd F, du pétrole B.
A & B : représentent des coefficients d'équivalence énergétique.
Principaux contrats GNL à long terme de SONATRACH
Fob:"Free on board", la cargaison de GNL est achetée au port de chargement et Gaz de France en assure le transport.
DES : "Delivered Ex Ship" le transfert de risque n'a pas lieu tant que le bateau n'est pas arrivée à son port de destination.


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