Le forcing européen visant à amener l'Algérie à revoir ses contrats de fourniture de gaz à long terme s'est heurté à l'intransigeance du gouvernement algérien qui se dit prêt à accepter de revoir ces contrats à condition que les entreprises européennes acceptent de développer des chaînes gazières sur des contrats à court terme, et d'assurer les financements importants qui vont avec elles. Les représentants des compagnies gazières européens estiment, en effet, que ces contrats ne sont pas compétitifs et rencontreront des contraintes commerciales à l'avenir avec l'arrivée du GNL en provenance des Etats-Unis. Younès Djama - Alger (Le Soir) - La question des contrats de gaz à long terme était fortement présente hier au 1er forum d'affaires Algérie-Union européenne sur l'énergie, présidé par le ministre algérien de l'Energie Salah Khebri et le commissaire européen de l'énergie, Arias Canete. Répondant à une préoccupation soulevée dans ce sens par un représentant du groupe français ENGIE (ex-GDF Suez), le ministre de l'Energie Salah Khebri a indiqué, lors d'une conférence de presse en marge du forum, que pour développer une chaîne gazière, il faudrait des investissements énormes que seuls les organismes financiers peuvent assurer. Et comme ces derniers exigent des garanties sur les contrats de fourniture que seuls les contrats à long terme sont en mesure de garantir, il n'y a pas lieu de revenir sur les contrats à long terme. «La différence fondamentale entre le pétrole et le gaz, c'est que la mise à disposition des consommateurs d'un million de BTU de gaz nécessite des investissements colossaux. Pour développer une chaîne gazière, il faudrait des investissements énormes dans l'exploration, le développement la production, les gazoducs, les unités GNL pour le liquéfier, des méthaniers pour le transporter, etc. Ce sont des volumes d'investissements énormes nécessitant d'importants financements», a déclaré M. Khebri, ajoutant que seuls les organismes financiers (banques) sont en mesure de les assurer. «Il est clair que le consommateur cherche un accès à l'énergie la moins chère. Sa préférence c'est que ce gaz se paie au prix spot. Mais allez trouver des organismes qui vont financer des projets dans une durée de 30 ans au moins sur des contrats à court terme. Nous sommes prêts s'il y a des entreprises européennes qui acceptent de développer des chaînes gazières sur des contrats à court terme, nous sommes preneurs», a encore souligné Salah Khebri. Selon lui, si on ne trouve pas des financements, les organismes de financements vont demander des garanties des contrats d'achat sur le long terme pour garantir le recouvrement de leur financement. «Si on peut trouver des financements qui n'exigent pas cette condition, nous sommes preneurs. Actuellement, l'offre dépasse la demande qui donne lieu à une certaine concurrence, et certaines quantités peuvent être écoulées en spot, mais si l'on veut assurer une satisfaction de la demande sur le long terme, il faudrait des financements qui, malheureusement, à ce jour exigent des garanties des contrats sur le long terme», a répondu à la requête soulevée notamment par le français ENGIE. Pierre Chareyre, directeur général adjoint d'ENGIE, a estimé que les contrats de fourniture de GNL «doivent être adaptés pour suivre l'évolution du marché européen et mondial». D'après lui, la plupart des entreprises gazières européennes s'approvisionnaient autrefois avec des contrats de fourniture à long terme indexés sur les prix du pétrole. Il relève que ces dernières années, ces contrats ont largement été «déconnectés» dans un marché européen «qui est de plus en plus liquide», ajoutant qu'avec l'évolution des écarts entre les prix du gaz et du pétrole, ces contrats se sont révélés «non compétitifs» et «ne reflètent plus» la réalité du marché européen. «La quasi-totalité des contrats existants liés au gaz et indexés sur le pétrole ont été renégociés et sont maintenant indexés sur les prix du gaz pour refléter la nouvelle dynamique du marché européen», a déclaré le responsable français qui observe que l'Algérie est un des seuls pays qui détiennent encore des contrats gaz de long terme qui sont indexés sur les prix du pétrole. «Je pense que ces contrats ne sont pas compétitifs et rencontreront des contraintes commerciales à l'avenir à moins que cette règle ne change», relève-t-il. D'autre part, il estime que l'arrivée du GNL en provenance des Etats-Unis devrait encore augmenter la liquidité, intensifier la concurrence, et donc accélérer l'adaptation nécessaire des contrats à long terme. Il relève, néanmoins, et c'est le constat relevé par la majorité des intervenants européens, que l'Algérie reste pour les pays du sud de l'Europe, l'une des sources fiables d'approvisionnement en gaz et le mieux placé géographiquement. «Nous croyons que l'Algérie est dans d'excellentes conditions pour prolonger sa relation commerciale avec les partenaires européens si elle sait s'adapter», a souligné le responsable d'ENGIE. Par ailleurs, les compagnies pétro-gazières européennes ont également soulevé la question de la sécurité qui doit être garantie pour l'ensemble de leurs personnels, invitant les autorités algériennes à continuer à tout faire pour l'assurer (la sécurité) sur la durée.