Produit dans le cadre de «Constantine capitale de la culture arabe 2015», le long-métrage «El Achiq» de Amar Sifodil a été projeté samedi à la salle Ibn Zeydoun. Près de quatre ans après son premier film Jours de cendre, le réalisateur a indéniablement gagné en maturité mais n'arrive toujours pas à convaincre. Avec un scénario signé par l'historien Abdelmadjid Merdaci et une intrigue augurant un polar palpitant sur fond de luttes politiques, «El Achiq» avait tout pour figurer parmi les rares films proposant un traitement différent du contexte de la guerre de libération. Et pour cause, le long-métrage revient sur l'assassinat en 1958 de Mohamed-Salah Benmesbah, dit El Achiq, jeune chanteur constantinois retrouvé mort dans les gorges du Rummel. Réputé pour être un ami de la France, la piste privilégiée par les autorités coloniales est celle d'un meurtre commandité par le FLN mais très vite, le doute s'installe car l'artiste n'était pas aussi collaborationniste qu'il n'y paraissait. A la veille de la visite du général De Gaulle à Constantine, les RG et le commandement militaire français mais aussi le Front de libération veulent à tout prix mettre au clair cette affaire : les premiers craignant un soulèvement, le second redoutant un discrédit populaire. Les deux vont solliciter le commissaire à la retraite Khodja (Aziz Boukrouni) pour résoudre l'énigme ; il ne tardera pas à découvrir qu'El Achiq était en fait un agent de liaison du FLN et que son assassinat a été perpétré par des ultras de l'Algérie française. Palpitant de prime abord parce que le polar ne court pas les écrans chez nous, intéressant parce que le contexte de la guerre de libération est revisité hors de l'image d'Epinal du maquis et loin des stéréotypes ronflants, attrayant parce que la narration fluctue entre ambiguïtés et suspense et emprunte aux classiques du genre. Mais très vite, tout coince et une espèce de stagnation sans issue se fait jour car la narration s'empêtre dans une trajectoire fermée où l'on rabâche inlassablement les intentions du film comme pour pallier une hâte toute enfantine de dire les choses. Un empressement qui contraste cependant avec l'injustifiable longueur du script : en même temps que le rouleau compresseur écrasant la dramaturgie, opère un rouleau de pâtisserie étirant indéfiniment une pâte narrative grumeleuse. Les personnages tournent en rond, se répètent et se meuvent difficilement dans ce champ étriqué malgré la récurrence parfois agaçante de plans séquences et autres artefacts dérisoires. Pourquoi, par exemple, faire danser la caméra durant une interminable scène qui n'a absolument aucun poids tant dramatique qu'esthétique ? Pourquoi appesantir les dialogues jusqu'à en faire des coquilles vides ? Amar Sifodil n'a pas pu s'approprier cette histoire a priori passionnante et à défaut d'un polar iconoclaste, il s'est contenté d'une trame cousue de fil blanc avec, par-dessus le marché, une mise en scène exsangue, sans caractère. On retiendra néanmoins la prestation plus que respectable de Aziz Boukrouni dans le rôle du commissaire algérien, de Youcef Sehairi campant un voyou engagé et de Laurent Gernigon dans la peau d'un officier français. On saluera également le rejet du manichéisme dans la construction des personnages dont la sobriété contraste malheureusement avec l'exubérance inopportune de certaines scènes. Enfin, même si le jeune réalisateur n'a pas encore trouvé son langage propre ni débroussaillé son espace créatif, l'on ne peut que souligner le bond en avant opéré depuis son premier film «Jours de cendre» comparé auquel «El Achik» passe pour une prouesse !