On n'en est pas à la dernière étude près, mais celle que lance le ministère du Commerce en partenariat avec le Centre de recherche en économie appliquée pour le développement (Cread) avec l'appui du Programme des Nations-unies pour le développement (Pnud) en Algérie sur le poids de l'économie informelle, ne ferait que constater le poids de plus en plus prééminent de cette économie parallèle dont le poids est estimé à 45% du Produit intérieur brut (PIB) national. Younès Djama - Alger (Le Soir) - Le gouverneur de la Banque d'Algérie l'a encore confirmé il y a une semaine : il a annoncé l'augmentation de 10% de la masse monétaire en dehors du circuit formel. Ce qui suppose en effet l'augmentation des transactions informelles. Selon l'enseignant en économie, Mohamed Achir, contacté hier, cet état de fait dénote de plusieurs aspects. D'abord, d'un problème de bancarisation de l'économie (c'est-à-dire toute transaction qui ne passe pas par le circuit bancaire), mais aussi qu'il y a un problème de facturation des transactions commerciales qui n'ont, de fait, aucune traçabilité. «L'économie c'est la facturation, celle-ci est une chaîne qui démarre chez le producteur et finit chez le dernier consommateur», rappelle l'enseignant qui souligne que cette chaîne «est avant tout une exigence réglementaire qui doit être encadrée par les institutions économiques de l'Etat». Enfin, le constat du gouverneur de la Banque d'Algérie, de l'avis de M. Achir, dénote d'une défaillance du système fiscal et démontre la non-adhésion des opérateurs économiques à l'opération de conformité fiscale engagée par l'Etat. Et qui démontre, par voie de conséquence, l'échec de celle-ci malgré toute la publicité qui a été faite autour d'elle. En ce qui concerne l'opportunité d'une telle étude que lance le ministère du commerce, M. Achir estime que ce ne sont pas les études qui manquent sur le sujet de l'informel, mais que «c'est la force d'agir des institutions de l'Etat qui pose problème». Selon lui, la question qui doit se poser est de savoir «comment rendre les actions de l'Etat plus efficaces». Enquêtes de terrain «Intitulée "Economie informelle : concepts, modes opératoires et impacts", cette étude permettra de mieux connaître l'économie informelle dans ses différentes dimensions (financement, production, commercialisation, emploi), de cerner et de quantifier son impact sur l'économie nationale afin d'élaborer une stratégie adéquate pour lutter contre ce phénomène», selon Abdelaziz Aït Abderrahmane le directeur général de la régulation et de l'organisation des activités au ministère du Commerce. Le lancement de cette étude est «l'entame d'une réflexion objective et profonde autour de la problématique de l'informel qui a pris des proportions alarmantes sur la sphère économique nationale», a affirmé le ministre de l'Habitat, de l'urbanisme et de la ville et ministre du Commerce par intérim, Abdelmadjid Tebboune, dans une allocution lue en son nom par Abdelaziz Aït Abderrahmane. L'économie informelle, selon lui, «est considérée comme un obstacle majeur pour la promotion de la production nationale dans le processus de la diversification économique amorcé par le gouvernement, qui représente une option fondamentale du développement du pays», a-t-il ajouté. Mais les mesures prises demeurent «insuffisantes», et c'est pour cette raison que le ministère a adopté une approche participative et inclusive à l'effet d'élargir le débat autour de cette problématique, et ce, «pour permettre de faire émerger des solutions opérationnelles pour le traitement de ce fléau», a-t-on expliqué. La mise en œuvre de cette étude s'effectuera en deux phases : la première consiste à l'élaboration d'une enquête dans la wilaya de Tlemcen en 2017, choisie comme wilaya pilote, dont la réalisation et le financement seront assurés par le Cread. La seconde phase sera, quant à elle, consacrée à l'élaboration d'une enquête nationale en 2018 dont les aspects liés au financement et à l'expertise seront à la charge du Pnud. A ce propos, le directeur du projet et chercheur au Cread, Mounir Lassassi, a expliqué que l'étude consistait à l'analyse de l'économie informelle, qui sera fondée sur des enquêtes sur le terrain. Selon lui, il s'agit d'abord d'estimer la taille de ce secteur et d'améliorer la connaissance de l'économie informelle, en collectant les données nécessaires à son analyse pour mettre en œuvre des politiques adaptées à même de lutter contre ce phénomène. 3,9 millions de personnes en 2012 employées Selon des chiffres avancés par le sous-directeur des statistiques et de l'information économique auprès du ministère du Commerce, Abderrahmane Saâdi, l'économie informelle en Algérie employait 3,9 millions de personnes en 2012 contre 1,6 million de personnes en 2001. Elles sont réparties comme suit : commerce et services (45,3%), BTP (37%) et activités manufacturières (17,7%). Pour lutter contre ce phénomène, l'Etat a engagé plusieurs actions comme le démantèlement des marchés informels, le renforcement des infrastructures commerciales et l'assouplissement des conditions d'obtention du registre de commerce.