Même si toutes les tentatives de juguler l'informel ont échoué, les pouvoirs publics refusent encore d'opter pour la solution de l'amnistie fiscale. C'est ce que le ministre du Commerce, Amara Benyounès, laisse entendre. Participant à une journée d'études sur l'économie et le marché informel, organisée hier à l'hôtel El Aurassi par le ministère du Commerce en collaboration avec l'Ecole des hautes études commerciales d'Alger (EHEC), Amara Benyounès a affirmé que l'amnistie fiscale des opérateurs activant dans l'informel n'est pas à l'ordre du jour. Or, cette option aurait été opportune dans la mesure où en contrepartie d'une certaine indulgence, les opérateurs informels acceptent de remplir leurs obligations notamment fiscales. Ce qui permettrait à l'Etat d'engranger des recettes financières importantes, de l'ordre de plusieurs milliards de dollars à l'instar de ce qui a été opéré au Maroc notamment. Une opportunité que le directeur des études, de la prospective et de l'information économique au ministère du Commerce, Hadji Abdenour, évoquera. Ainsi, il estimera, en marge des travaux, que l'Algérie devra aller «tôt ou tard» vers l'amnistie même si la question ne se pose pas actuellement. Certes discriminatoire vis-à-vis des opérateurs économiques qui assument leurs responsabilités fiscales, l'amnistie peut être compréhensible, légitimée si des conditions d'équité, de morale et de transparence étaient remplies. Cela étant, l'amnistie fiscale s'avère cependant une solution incontournable en Algérie dans la mesure où toutes les actions tentées, les démarches entreprises pour mettre un terme à ce fléau dont le ministre du Commerce a reconnu l'ampleur et qui représenterait entre 15% et 35%, voire 45% de l'économie nationale, ont pourtant échoué. Qu'il s'agisse d'actions répressives, une démarche inopportune selon le Dr Allaouat Farid, maître de conférences en sciences de gestion à EHEC – Alger, ou de la mise en œuvre de facilitations, exonérations et autres mesures de type incitatif, davantage opportunes selon cet enseignant et consultant, ou des actions de contrôle, régulation et développement des infrastructures commerciales et de la grande distribution ainsi que le programme d'éradication des marchés informels. A ce propos, le directeur des études au ministère du Commerce indiquera que l'opération d'éradication, lancée depuis 2011, n'est concrétisée qu'à hauteur de 64% à la fin 2014. Sur les 1 368 marchés informels recensés initialement, seulement 872 espaces ont été éradiqués, relève ce responsable qui note que sur les 41 949 opérateurs informels, seulement 18 878 ont pu ou voulu être réinsérés. Notons que le département d'Amara Benyounès a concédé la réapparition de l'informel dans les espaces censés assainis, quelque 103 marchés réinvestis, dont 57 dans la wilaya d'Alger, ayant été recensés à travers le pays. Un retour de l'informel explicable dans la mesure où les divers programmes de développement infrastructurel, déjà lancés ou potentiels (réalisation de marchés de proximité, marchés couverts et autres marchés de détail et de gros...) enregistrent des retards et que les commerçants informels sont souvent peu enclins à accepter les solutions qui leur sont proposées. Outre le fait que l'Algérie est «très très en retard» dans le domaine de la grande distribution, comparativement à d'autres pays voisins. C'est ce que notera le directeur général de la régulation et de l'organisation des activités au ministère du Commerce, Aït Abderrahmane Abdelaziz, qui indique que notre pays compte seulement 5 hypermarchés, 232 supermarchés et 1 587 superettes. Un retard que la finalisation d'un Schéma national directeur des infrastructures commerciales devrait combler, laisse-t-il entendre. Et un retard dans le développement de la grande distribution, celle-ci représentant une part de 2% dans l'activité commerciale contre 18% pour la Tunisie et 12% pour le Maroc, que le docteur en sciences économiques et professeur à EHEC – Alger, Abdennour Nouiri, explicitera notablement par une certaine réticence des consommateurs, l'environnement peu propice et l'inadéquation des pratiques stratégiques des enseignes déjà existantes, outre la faiblesse de la formation managériale et l'absence d'une législation dans le domaine de l'urbanisme commercial. Or, l'Algérie peine encore à maîtriser le développement de l'informel, même si Amara Benyounès assurera, sans être explicite, qu' «il y a des pratiques, des activités qui ne seront plus jamais tolérées».