Quinze années ont passé depuis la signature de l'Accord d'association entre l'Algérie et l'Union européenne. Le protocole censé garantir les intérêts des deux parties n'a pas généré les résultats escomptés. Tout au contraire, le temps écoulé a démontré clairement que l'intérêt recherché s'est effectué unilatéralement, presque exclusivement en faveur de la partie européenne. Abla Chérif - Alger (Le Soir) - Le déséquilibre flagrant a poussé l'Etat algérien a en faire part ouvertement à son partenaire en dépêchant récemment une délégation de très haut niveau à Bruxelles. Le constat a été établi il y a peu de temps, le 13 mars courant, lors d'une réunion d'évaluation entre les deux parties dans la capitale belge. Pour transmettre son message, l'Etat algérien se fait représenter par des émissaires de très haut niveau maîtrisant parfaitement les détails de l'affaire. Car c'en est une, désormais. L'Accord d'association signé en 2002 et mis en œuvre en 2005 a démontré dans la pratique une différence évidente de perception en matière de mise en application. Basé sur une somme de recommandations englobant de nombreux aspects (politique, économique, juridique, culturel, la dimension humaine...), le contrat est censé œuvrer dans l'intérêt des deux parties. Très vite, sa mise en pratique met cependant en évidence le déséquilibre. Les Algériens s'aperçoivent ainsi que les partenaires européens ont tendance à engranger davantage de gains que l'autre partie (algérienne). On se rend compte ainsi que les clauses diverses sont délaissées au profit du commerce qui demeure prédominant durant toutes ces années. Les aspects relatifs aux autres volets contenus dans le document sont effleurés ou abordés de manière quasiment insignifiante. Bizarrement, l'Etat algérien préfère fermer les yeux sur la situation. De 2005 à 2017, le processus suit son cours sans embarras en apparence. Le pays est alors pris par de sérieux problèmes internes et se débat déjà dans une crise de gouvernance qui occulte les timides voix qui s'élèvent pour dénoncer un «accord négocié dans la précipitation» et pouvant engendrer des conséquences fâcheuses à l'avenir. Des cris dans le désert. L'Algérie, qui baigne à ce moment dans l'euphorie de «l'embellie» pétrolière, ne semble pas trop se préoccuper de cet avenir qui la rattrape sans trop tarder. 2017 arrive, bousculant tout l'ordre établi. La crise générée par une chute vertigineuse des revenus pétroliers met l'économie du pays en péril, sa stabilité également. Forcé de «regarder en face», l'Etat prend des mesures destinées à «sauver la baraque». L'Algérie est à la recherche d'aides. Dans ce contexte intervient l'évaluation de l'Accord d'association signé quinze ans plus tôt. Le constat est négatif. Face à la raréfaction des revenus pétroliers, l'Algérie est à présent contrainte de développer une économie diversifiée où les capitaux d'investissements étrangers sont déterminants. Les «relations asymétriques» avec le partenaire européen entravent cependant la nouvelle stratégie économique que le pays cherche à mettre en place. Le 13 mars dernier, la délégation algérienne remet officiellement en cause la perception et la mise en application unilatérale de l'accord. Les émissaires font savoir que l'Algérie n'est plus disposée à fonctionner comme elle faisait et souhaite désormais corriger l'asymétrie. Les partenaires européens saisissent rapidement que la partie algérienne est à la recherche d'une contribution pour la mise en place substantielle d'une économie diversifiée. L'option vise à diminuer certains facteurs «entravants» tels que la dépendance aux importations. Elle vise également à parvenir à placer des produits algériens sur le marché international ainsi qu'à d'autres mesures destinées à dépasser rapidement le marché des hydrocarbures. «La situation est urgente», notent des personnalités bien au fait du dossier. La stratégie visée par la partie algérienne ne peut se passer d'investissements européens. L'Union européenne ne l'ignore pas mais réclame sans cesse l'assainissement du climat des affaires. Les informations auxquelles nous avons eu accès révèlent que les partenaires européens ont parfaitement compris le message qui leur a été passé. «Ils savent aussi que de très gros efforts ont été fournis pour faciliter les investissements et se disent prêts à venir constater d'eux-mêmes l'amélioration du climat des affaires sur place». Les prochaines étapes consistent à amener les concernés à transformer les parts détenues dans le marché algérien en parts d'investissement. La stratégie permettra par exemple à l'économie algérienne de créer un tissu industriel générateur d'emplois et qui répondra à la demande interne. Le développement de l'industrie automobile en Algérie a été présenté comme exemple probant de ce qui peut se produire à l'avenir. «Il était impossible, nous dit-on, de continuer à importer des véhicules tout faits... Désormais, la priorité est à ceux qui s'installent en Algérie.» «Les Européens, dit-on encore, ont compris le message qui leur a été passé et ils savent aussi que leur installation chez nous constitue une plate-forme qui leur permettra d'aller vers le marché africain». L'aide escomptée pour une mise à niveau de l'Algérie (telle qu'elle a été faite pour les pays fragiles désirant intégrer l'UE) sera-t-elle fournie ? L'asymétrie dénoncée récemment à Bruxelles sera-t-elle corrigée ? La réunion d'évaluation du 13 mars dernier a permis pour le moment aux deux parties de s'engager à rattraper un grand retard et à aller désormais vers un accord d'intérêt partagé. Cinq points ont été retenus dans l'accord principal validé. La partie européenne s'est notamment engagée à fournir un «appui à la gouvernance» qui se traduit notamment par une aide au renforcement des institutions, à soutenir la diversification économique, renforcer le dialogue sécuritaire, et à se pencher davantage sur le volet relatif à la dimension humaine qui comporte tous les aspects liés à la circulation, au dialogue entre les peuples et aux relations humaines... Autant d'engagements qui laissent entrevoir que l'Accord d'association avec l'Union européenne vient d'être plus sérieusement renégocié.