De notre bureau de Bruxelles, Aziouz Mokhtari Lamamra connaît parfaitement les rouages et les mécanismes qui font fonctionner la machine UE. D'un mot, on peut les résumer par un seul vocable «intérêt». Déjà, avant l'ouverture solennelle de ce neuvième round du Conseil d'association entre les deux entités, le relex algérien a surenchéri et gagné. Il ne voulait pas discuter avec une représentation européenne de niveau subalterne. C'est Fédérica Mogherini, haute représentante pour les Affaires étrangères et la politique de sécurité qui a donc co-présidé avec le chef de la diplomatie algérienne la réunion. Sur le fond, Lamamra a joué l'offensive à outrance en plaçant des banderilles, partout, sur le corps affaibli par la crise de l'Union européenne. Le mémorandum algérien présenté lors de ce conseil est clair, sans nuance et accuse lourdement l'Europe. L'accord d'association signé en 2005 est extrêmement favorable à Bruxelles alors que les dividendes attendus par Alger ne pointent pas encore à l'horizon. Il est vrai que tout n'est pas de la faute aux Européens si les Algériens n'ont pas mis à niveau leurs entreprises, n'ont pas amélioré le système bancaire, pris des retards considérables pour la modernisation des actes commerciaux, n'exportent presque rien et n'ont même pas eu le réflexe salvateur de rendre leurs ports, aéroports attractifs. Depuis une décennie, l'Algérie est entrée politiquement dans une nouvelle phase avec l'Union européenne alors, qu'économiquement, le reste, c'est-à-dire l'essentiel, n'a pas suivi. L'Algérie ne peut donc pas saisir les opportunités d'affaires avec l'Europe. Elle est en déphasage structurel. N'empêche que le ministre algérien des Affaires étrangères est dans son rôle lorsqu'il signale à l'Union européenne que le traité de 2005 profite presque exclusivement à l'Europe et que l'Algérie achète pour plus de 30 milliards de dollars chez son partenaire et que depuis la levée des barrières douanières, le Trésor public algérien est déficitaire de trois milliards de dollars par an. Pourtant, rien ne sert de se lamenter et il faut, vite, rattraper ce qui peut l'être. La nature de l'accord d'association et les mécanismes de son application permettent des négociations - renégociations sans remettre en cause le traité. C'est à peu près ce qu'est venu proposer à Bruxelles Lamamra. Par rapport à l'Union européenne, l'Algérie n'est pas démunie. Au contraire, que du contraire ! Marché plus qu'intéressant pour les produits européens, Alger est un fournisseur-clef d'énergie pour le Vieux-Continent. Avec les relations tendues avec la Russie, Bruxelles ne tient pas en ces moments difficiles à se compliquer la vie avec les Algériens. D'autant que ces derniers sont un élément essentiel et indispensable pour la sécurité de l'Europe. Les dialogues intermalien et interlibyen pilotés par Alger sont d'une importance stratégique pour les 28. Le confort de l'Europe commence en Afrique subsaharienne et à partir des côtes de Libye et c'est l'implication totale de l'Algérie, l'Europe risque et peut être débordée par les flux migratoires lesquels, si Alger faisait défaut, se multiplieraient de façon exponentielle. La Commission européenne est consciente de cela et, pour le moment, Bruxelles n'a pas mis la corde au cou d'Alger. Elle le voudrait qu'elle n'y arriverait pas ! La question des droits de l'Homme et des libertés est partie prenante du processus de Barcelone (accord d'association) et lorsqu'ils sont évoqués, ce n'est nullement comme préalable. D'ailleurs, généralement c'est le Parlement européen (PE) qui monte au créneau en ces choses-là, le gouvernement de l'Europe (Commission) continuant à s'occuper des intérêts, uniquement des intérêts des Etats membres. Tant et si bien que l'Union européenne dans un passé récent a proposé Moubarak d'Egypte comme président de l'Union pour la Méditerranée et à Ben Ali de Tunisie, elle était sur le point de lui offrir le siège du secrétariat permanent de ce serpent de mer, et c'est le cas de l'écrire, dit «UPM». Alors qu'avec Israël et le Maroc, deux pays colonisateurs, Bruxelles n'a absolument pas de problèmes particuliers de droits de l'Homme, de libertés étouffées, de gens assassinés, de femmes violées, d'enfants révolvérisés, de richesses de peuples opprimés pillées, et de destructions de patrimoines historiques. Ghaza, Laâyoune, Dakhla, El-Khalil, El-Khalkhoul, circulez, il n'y a rien à voir... Cette neuvième session du Conseil d'association a retenu une vingtaine de programmes dans laquelle l'Algérie est partie prenante. En définitive, si l'Algérie désire rééquilibrer les échanges avec l'UE, une seule option : importer moins et exporter plus. Là ce n'est pas de la tarte et ce n'est pas la faute à Bruxelles.