Réalisé par Mohamed Ben Slama, le film documentaire Alger, Mecque des révolutionnaires a été projeté lundi et mercredi derniers à l'Institut français d'Alger. Une chronologie richement documentée de l'époque où le gouvernement algérien offrait gîte et couvert aux révolutionnaires du monde entier. De la Palestine aux pays africains, en passant par les îles Canaries et les Black Panthers, Alger était devenue, dès l'indépendance, la capitale des révolutionnaires. Le film de Mohamed Ben Slama retrace, avec minutie, l'âge d'or où l'Algérie accueillait les mouvements de libération africains, les groupes autonomistes ou indépendantistes, les militants afro-américains des droits civiques, etc. Au lendemain de l'indépendance, le jeune Président Ben Bella, qui aimait à arborer le col Mao, en même temps que son épouse s'affichait avec un voile, donnait le ton d'une diplomatie altermondialiste fournissant soutien politique et financier aux causes justes, notamment aux mouvements de décolonisation en Afrique. Après le putsch du 19 juin 1965, le colonel Houari Boumediène, bien qu'ayant rompu totalement avec la politique de son prédécesseur, tient à garder l'image de prestige du pays en redoublant de générosité envers les révolutionnaires du monde. Allant des solidarités tout à fait «prévisibles» à l'instar des fronts de libération en Afrique et en Palestine, Alger offrira également son hospitalité à des mouvements plus ou moins «insolites» à l'instar du Front de libération de la Bretagne, le Front de libération du Québec, le mouvement indépendantiste des îles Canaries, etc. Malgré sa forme académique, voire télévisuelle, le film réussit à communiquer l'émotion d'une Algérie mythique qui a défié les puissances mondiales et réussi à s'imposer comme une voix diplomatique dissonante mais là où Ben Slama semble faire œuvre partiale, voire dithyrambique, c'est quand il omet de souligner le paradoxe entre une politique extérieure courageuse et téméraire plébiscitant des mouvements de contestations allant jusqu'à la lutte armée, y compris la plus discutable (Carlos par exemple), et une politique intérieure répressive à l'égard des protestataires locaux. Or, on ne peut pas arguer que le réalisateur se soit contenté d'un angle de vue exclusif puisqu'il dépeint également les réalisations de Ben Bella et de Boumediène à l'échelle nationale. Lorsque Ben Slama fait l'éloge du Festival panafricain de 1969 où Myriam Makeba chantait que le temps de l'esclavage était révolu et qu'elle était libre en Algérie, il semble avoir oublié que durant ce même événement, Taos Amrouche était interdite de chanter dans son propre pays. Lorsqu'il souligne la victoire, rayonnante du reste, de l'Algérie à l'ONU où elle a fait entrer Yasser Arafat et banni le régime d'apartheid sud-africain, il ne juge pas nécessaire de rappeler qu'au même moment, des militants algériens se faisaient torturer par la police politique. Ce genre de rappel n'aurait pas relevé du «hors-sujet» mais bien au contraire, aurait donné au film une épaisseur plus consistante que celle d'une simple chronologie politiquement correcte.