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Le sport : de l'engagement au mercenariat
Publié dans Le Soir d'Algérie le 17 - 05 - 2017

La pratique sportive a de tout temps accompagné l'homme qui a eu besoin de recourir à la course à pied, à la lutte, à la chasse pour vivre (attraper des proies) et survivre (fuir le danger). La nécessité d'améliorer ses chances de succès pour ces deux objectifs l'a poussé à perfectionner des outils pour atteindre plus facilement ses cibles.
C'est ainsi que nos ancêtres fabriqueront successivement le marteau, la lance puis l'arc, lesquels deviendront, plus tard, des objets sollicités en compétition sportive (lancer de marteau, javelot, tir à l'arc). La volonté naturelle de l'homme de se mesurer à autrui a fait naître l'idée d'organiser la pratique sportive, dont les premiers jeux antiques ont été initiés par le Grec Héraclès (Hercule) en l'an -776 dans le village Olympie, occasion pour lui de faire également connaître la culture grecque dans sa diversité.
Ces rencontres sportives programmées tous les quatre ans sont soumises à l'obligation de respect de la trêve d'hostilités, marquant le lien entre le sport et la paix. Les Jeux olympiques (du nom du village Olympie) trouveront, avec le baron français Pierre de Coubertin, leur mode d'organisation définitif à travers la création du CIO (comité international olympique) en 1894 à Paris.
Cette manifestation sportive gardera la même périodicité (4 ans) et les mêmes exigences de paix sur la durée des jeux. Elle se verra complétée par la nécessité de respecter les valeurs d'éthique et de morale à travers le serment olympique récité par le représentant des athlètes et celui des arbitres. Ainsi, le sport deviendra le symbole de la puissance, mais également de la morale et l'athlète, le modèle référentiel pour les jeunes.
L'exemple de l'équipe du FLN
Au déclenchement de la guerre de libération de notre pays contre l'occupant étranger, plusieurs joueurs de football d'origine algérienne faisaient le bonheur d'équipes françaises. La prise de conscience nationaliste de ces athlètes, qui n'acceptaient pas de rester spectateurs face aux atrocités que subissaient leurs frères en Algérie, allait susciter une réaction unique dans les annales du monde sportif.
En effet, ces joueurs, au statut de professionnel, décidèrent de suspendre leur participation aux compétitions avec leurs clubs respectifs pour répondre à l'appel du devoir révolutionnaire à travers une équipe représentative de l'idéal national, appelée équipe de football du FLN.
Les acteurs de cette équipe avaient pris tous les risques, notamment celui de perdre définitivement leurs carrières professionnelles, alors même que certains d'entre eux (Rachid Mekhloufi et Mustapha Zitouni) étaient sélectionnés en équipe de France devant participer à la Coupe du monde de 1958 en Suède. Ce glorieux groupe de joueurs d'origine algérienne avait défendu les couleurs nationales à travers de nombreux pays, suscitant l'admiration, tant au plan courage que talent technique. Le dirigeant révolutionnaire Ferhat Abbas avait alors dit que notre équipe de football avait fait avancer l'idéal révolutionnaire de 10 ans, représentant ainsi la première force diplomatique du FLN. Cette équipe restera à jamais le symbole du sacrifice pour la nation et devrait être la pierre maîtresse de notre musée olympique afin de constituer le modèle de défense des couleurs du pays.
Evolution des mentalités
Après l'indépendance du pays, plusieurs joueurs de l'équipe FLN ont contribué au développement du football national, inculquant aux pratiquants locaux leur mentalité et leur sens du sacrifice pour les couleurs et la collectivité. Les générations qui leur ont succédé, depuis celle des Lalmas, Meziani, Amirouche jusqu'aux Fergani, Madjer, Belloumi, Guendouz en passant par les talentueux Betrouni, Bachi, Hadefi et bien d'autres, ont su relever le défi de servir l'équipe nationale avec le même esprit de sacrifice et de désintéressement matériel. Au niveau de leurs clubs respectifs, il était normal que les joueurs réclament une contrepartie financière à leurs participations aux compétitions, d'autant plus que pour plusieurs d'entre eux, cela constituait la seule source de revenus. Mais la sélection en équipe nationale représentait un objectif rêvé, un honneur et une plus-value intéressante pour la carrière.
Aussi, les internationaux de cette époque n'exigeaient pas de chèques préalables, bien que les dirigeants aient toujours pensé à des récompenses, parfois symboliques (exemple du téléviseur couleur remis à l'athlète Boualem Rahoui par le président Houari Boumediène en récompense à la médaille d'or obtenue aux Jeux méditerranéens 1975). Le sens du sacrifice a poussé certains grands joueurs à refuser des propositions de carrières professionnelles matériellement très confortables pour répondre au devoir national souhaité par le pouvoir politique de l'époque.
J'ai personnellement été témoin par la suite, en qualité de médecin de l'équipe nationale de football, lors des années 1970-1980, de comportements très dignes de la part de certains footballeurs professionnels, pourtant largement titulaires dans leurs clubs respectifs. Mustapha Dahleb, capitaine du PSG, avait répondu à une convocation de l'équipe nationale contre le souhait de son président du club, auquel il avait dit : «M. le Président, je suis venu vous informer et non vous demander l'autorisation de rejoindre mon EN qui a besoin de mes services.»
Il faut rappeler que ce grand joueur avait auparavant pris la décision de suspendre sa carrière en France pour accomplir son service militaire en Algérie, fait unique dans les annales de notre sport, ce qui aurait dû lui faire bénéficier de la plus haute distinction du mouvement sportif national.
L'autre cas qui m'avait marqué était celui de Abdel Djadaoui, capitaine de l'équipe de Sochaux, devant jouer une rencontre qualificative en coupe d'Europe et qui nous avait rejoint à Khartoum pour un match international contre le Soudan, malgré l'opposition de ses dirigeants. Cette «rébellion sportive» lui avait valu une sanction financière qu'il avait payée, sans en exiger le remboursement par la FAF, qui ne l'avait pourtant pas pris par la suite en Espagne, pour motif de blessure ayant entraîné un retard de préparation physique.
Ces deux cas, ajoutés à celui du comportement désintéressé de l'ensemble des internationaux de l'époque (à quelques exceptions près) auraient dû constituer un exemple pour les générations suivantes, car la sélection en équipe nationale est à la fois un devoir, un honneur et une plus-value. L'évolution de la mentalité de nos joueurs, émigrés et locaux, a fait du volet matériel une exigence et un objectif qui se sont substitués au devoir de sacrifice et à l'honneur de défendre les couleurs nationales. Il est vrai que cette transformation des mentalités n'est pas propre aux Algériens, depuis que l'argent a scandaleusement infesté le sport, au point d'en devenir le premier produit dopant.
La course au gain financier a fait du dinar algérien et de la devise étrangère la médaille sportive la plus convoitée, quitte à recourir aux moyens et méthodes les plus dangereuses pour la santé (dopage) et les moins morales pour le sport.
La corruption, qui a gangrené le monde sportif et offert une image peu honorable de ce dernier, notamment au niveau international (cas de la Fifa récemment), devrait interpeller et mobiliser tous les dirigeants honnêtes et engagés afin de contrôler l'argent mis à la disposition du mouvement sportif.
Dans le cas contraire, il serait inutile d'espérer que le sport puisse jouer son rôle d'éducation et de canalisation saine de la jeunesse, comme il serait utopique d'attendre une quelconque maîtrise du dopage dans le milieu sportif, en dépit de tous les moyens de contrôle programmés et qui ne sanctionnent malheureusement que l'athlète qui en est assez souvent une victime innocente.
R. H.
* Ex-médecin des équipes nationales de football, ex-président du Comité olympique algérien.


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