Par Kamel Bouchama Abderrahmane Etha'alibi, un marabout d'après la métonymie des autorités coloniales de l'époque ? Un éponyme, un saint homme, selon les traditions populaires et la croyance honnête et sincère des gens d'Alger et des environs ? Un docte, un érudit, un savant, selon ce qui nous reste de l'Histoire, des siècles après sa mort... Cette Histoire qui le couvre de distinction et de grandeur ? Sidi Abderrahmane fut tout cela en réalité. Il fut le prédicateur, l'enseignant, le chercheur, le voyageur, le théologien, le philosophe, le poète, l'écrivain, en somme le savant distingué qui avait le souci de concilier le çoufisme et la loi, de présenter des œuvres tout en beauté dont une remarquablement réussie, le commentaire du Livre Saint : Les merveilleux joyaux de l'exégèse du Coran, suivie d'une compilation sur les fins dernières. Il fut également cet homme plein de zèle qui n'avait cessé d'éduquer les jeunes, d'animer des conférences et de perpétuer ce bouillonnement des idées qui représentait toute la force de l'Islam. Ainsi, pour mieux le connaître et amener les jeunes à s'intéresser davantage à notre Histoire, à ces illustres personnages qui ont laissé des trésors inestimables pour la postérité, aux événements qu'ils ont créés et aux plaisirs qu'ils ont suscités par leurs exploits, il serait utile de consulter les archives de l'époque... Voyageons donc pour eux et pour nous à travers le temps. Dzayer — Alger —, ville de Sidi Abderrahmane À l'époque des Béni Abdel Wad, Dzayer (Alger) a connu une certaine consternation lorsqu'Abou Hamou 1er s'est trouvé confronté à des problèmes avec les Mérinides à l'ouest et avec les Hafçides à l'est. C'est alors qu'elle commença à prendre du recul vis-à-vis de ses anciens protecteurs et à s'imposer en tant que ville indépendante sous l'autorité des Tha'aliba qui étaient installés, juste dans la Mitidja. C'est de ce microcosme qu'a émergé cet éminent savant, Sidi Abderrahmane Etha'alibi, dont l'heureux destin le fit protecteur ou, dans le langage populaire, le saint patron d'Alger. Nous étions au début du XVe siècle, en cette période où ce qui allait devenir la capitale et prendre beaucoup d'expansion dans le Maghreb et le Bassin méditerranéen multipliait ses relations maritimes avec de nombreuses villes européennes dont les navires accostaient fréquemment dans son port, bien avant ce siècle. Il existe pour cela des documents qui remontent au XIIe siècle et qui attestent qu'Alger avait d'importantes relations économiques avec l'Europe et notamment avec les Italiens et les Espagnols et que son port, de par sa position stratégique dans la Méditerranée, était bel et bien mentionné dans toutes leurs cartes comme un grand port maritime et un comptoir commercial. Alger a connu également, en cette période, un rayonnement culturel et scientifique des plus conséquents, à l'image des autres capitales islamiques du Moyen-Orient et du Maghreb. N'est-ce pas que Abdel Basset Ibn Khalil El Malti — XVe siècle — en entreprenant un voyage au Maghreb pour étudier la médecine a dit de notre ville : «Nous sommes rentrés à Alger, nous avons imploré les faveurs de notre vénéré cheikh, le professeur et l'éminent savant Sidi Abderrahmane Etha'alibi et nous avons écouté attentivement la morale qui découlait de son propos. Nous lui avons posé quelques questions sur des sujets délicats qui nous préoccupaient et, aussitôt, il nous a répondu avec beaucoup d'assurance, de sagesse et de clarté. En outre, nous avons étudié avec énormément d'attention quelques- unes de ses œuvres et principalement son majestueux commentaire sur la Coran. Franchement, il nous a été d'un grand apport.» C'est grâce au travail sérieux du saint Sidi Abderrahmane Etha'alibi, en fait à la semence qu'il a jetée partout, que Dzayer (Alger) a connu un peu plus tard, du temps des Béni Mezghenna, cette grande tribu des Sanhadja, une floraison d'écoles — appelées communément médersas — de cercles culturels, de mosquées, une quantités appréciables de poètes et d'hommes de lettres et d'esprit. Il était tout à fait normal, dans ce climat de culture, que la langue arabe ait pu trouver tout son épanouissement et n'ait eu l'ombre d'un doute d'être un jour rejetée, persécutée ou de subir des désagréments. Ainsi, il y avait à Alger une rue spécialement réservée pour les œuvres et les compilations de grands savants, dans les domaines scientifique et littéraire. Cette rue était fréquentée par tous les lettrés de la ville et par les étudiants dont le nombre augmentait d'année en année. Un des ministres du Maghreb, Abou El Hassan Ali Ibn Mohamed Et Tamekrouti, en visitant la ville au XVIe siècle, alors qu'il était en transit pour se rendre à Istanbul, disait : «Alger est une ville bien peuplée... Les demandeurs de savoir sont non seulement très nombreux mais aussi très instruits. Les livres existent en abondance. En tout cas, il y a plus de livres à Alger que dans toute l'Afrique. On y trouve à Alger beaucoup de livres d'Andalousie...» Qui est Sidi Abderrahmane pour les jeunes Oui, cette question mérite d'être posée car, d'aucuns, parmi les jeunes et les moins jeunes, ne connaissent pas véritablement ce grand Homme, s'il n'y avait pas son nom qui passe bien, dans Alger et ailleurs, pour désigner la «Médersa Etha'alibiya» ou pointer une «qobba» sous laquelle repose le «wali vénéré» qui se situe à la rue Bencheneb, hier la rue Marengo, en plein cœur de la capitale. Mais avant de pénétrer cette période de l'Histoire, durant laquelle a vécu ce grand savant algérien, continuons sur l'un des principaux repères ayant trait à son vénérable personnage, pour le situer dans l'ambiance algéroise, avant même de le faire connaître aux siens. Il s'agit de la Médersa – et vous l'avez bien compris — ce sanctuaire du savoir qui porte bien son nom. Ainsi, on ne peut parler de cette légendaire bâtisse sans rendre hommage, une fois de plus, à celui que le destin a désigné pour être glorifié, des siècles après sa mort, au fronton de cette première institution éducative performante, réanimant ainsi par le truchement de ce nom familier à tous les Algérois — bien plus, à tous les Algériens — tout l'esprit de savoir, de sacrifice, d'amour, de rapprochement, de progrès, d'altruisme, de tolérance et de modernité que véhiculait cet important savant. «Etha'alibiya» nous renvoie alors, inéluctablement, à lui, à Sidi Abderrahmane Etha'alibi qui, du temps de la colonisation, était le symbole pour les jeunes, longtemps brimés et marginalisés par une exclusion arbitraire pour qu'ils ne puissent bénéficier des bienfaits de la culture. C'est aussi, aujourd'hui, le symbole qui veut dire que ce grand saint est celui autour duquel nous situons notre capitale, quand nous la célébrons dans nos poésies, dans nos cantiques, dans nos panégyriques, et quand nous chantons El Behdja, Madinet El Djazaïr, «Bled Sidi Abderrahmane». Mais remontons le parcours de cet homme, depuis sa naissance, pour comprendre la majesté du mémorable et prodigieux exégète qu'a connu Dzayer des Beni Mezghenna à partir de la fin du XIVe siècle. Ainsi, le grand savant Abderrahmane Ibn Mohamed Ibn Makhlouf Etha'alibi — de son vrai nom —, celui qui a vu le jour à Oued Issers, dans la Haute-Kabylie, en 784 de l'Hégire (1383 apr. J.-C.) a connu un parcours rempli de bonnes œuvres et a consacré tous ses efforts durant cinquante ans à l'enseignement et à l'éducation des jeunes et des fidèles, des efforts qui convergeaient vers un seul but : contrecarrer la désunion et riposter aux thèses qui biaisaient l'esprit de l'Islam. Il ne faudrait pas le confondre avec Sidi Mohamed Ibn Abderrahmane El Guechtouli El Djerdjari El Azhari dit «Bouqobrine» ou «Le saint aux deux tombeaux». Ce dernier est né, suivant de rares écrits qui nous restent, notamment des officiers de la colonisation, et du colonel C. Trumelet en particulier «dans la tribu kabyle des Aït Smaïl, laquelle faisait partie de la confédération des Guedjthoula et occupe encore aujourd'hui la partie ouest du revers septentrional du Djurdjura. Sa naissance remonterait au premier quart du XVIIIe siècle de notre ère». Il y a plus de quatre siècles donc qui séparent les deux saints. Quant à Sidi Mohamed ou, dans l'idiome algérois, Sidi M'hamed Bouqobrine, le fondateur de la confrérie des Rahmaniya, la légende l'a couvert de prodiges en lui attribuant, entre autres, le pouvoir de se dédoubler, dans une parfaite bi-corporéité. Mais ce n'est qu'une légende que j'ai longuement expliquée dans mes deux ouvrages Algérie, terre de foi et de culture et Dzayer, âme captive de son Histoire. Revenons à Sidi Abderrahmane Etha'alibi. Il est parti très jeune à Béjaïa et s'est installé chez le grand imam Abderrahmane Ibn Ahmed El Ouaghlissi, de la tribu berbère des Banou Ouaghlis, venant de la vallée de la Soummam. Il raconte son voyage et ses études à Béjaïa de cette manière dans son Fihrist, son répertoire de voyages. Il écrivait : «Ma pérégrination me mena à Béjaïa où je descendis en 802 de l'Hégire. J'y rencontrai des savants qui étaient les guides en science, en religion et en piété. Ils étaient disciples du cheikh, le docte et pieux Abi Zaya Abderrahmane Ibn Ahmed El Ouaghlissi ainsi que les disciples du cheikh Abi El Abbès Ahmed Ibn Idris qui étaient alors fort nombreux, pieux et stricts dans les pratiques religieuses. Ils n'entretenaient aucune relation avec les princes qu'ils n'approchaient pas. Leurs successeurs et leurs élèves perpétuèrent leur conduite. Dieu les agrée.» Il a étudié, également, chez un autre maître, Abou El Hassen Ali Ibn Othmane El Menguellati. Ensuite, il s'est déplacé à Tunis et eut comme professeurs cheikh Abou El Mahdi Aïssa Ibn Ahmed El Ghobrini, Abou Abdallah Mohamed Ibn Khalef El Ouachetani et Abou El Qassem Ibn Ahmed El Barzali El Qaïraouani. Après Tunis où il obtint le diplôme de maître de l'enseignement pour plusieurs branches de la connaissance, ce fut l'Egypte qui l'accueillit où il reçut le diplôme de docteur auprès des maîtres cheikh El Bilali, cheikh El Bisati et cheikh Wali Eddine El Iraqi, ce dernier devait l'instruire aux sciences islamiques et surtout celles qui concernent la tradition ou la Sùnna. Il s'est déplacé également à La Mecque et eut l'occasion de côtoyer un grand nombre d'érudits du monde arabe et musulman. De retour à Tunis en passant par Le Caire, il eut une autre opportunité de rencontrer son maître Abou Abdallah Mohamed Ibn Merzouq Et-Tilimçani qui l'aida beaucoup et le conseilla pour mener à bien ses travaux d'écriture et de synthèse. Pendant ses nombreux voyages, il a eu à accompagner El Hafedh Ed-Doumyati au cours d'une croisière d'études sur le Nil et à profiter de son temps pour approfondir ses connaissances dans le domaine du hadith, ce qui a fait dire au cheikh Ibn Zekri Ibn Saïd Ibn Ahmed, le mufti malékite et professeur de la classe supérieure de la médersa Etha'alibia, au début de ce siècle, que Sidi Abderrahmane pourrait être défini comme «le plus grand voyageur de son temps pour la transmission du hadith». Une fois installé à Alger, Abderrahmane Etha'alibi s'est consacré à l'étude et à l'interprétation du Saint Coran. Il le fit tellement bien, avec amour, que son maître Abou Abdallah Ibn Merzouq en fut très fier. Il le congratula et souhaita que «ce livre ne doit pas quitter le pratiquant, celui qui aime la parole de Dieu car il peut comprendre aisément ce qu'il est dit et en si peu de temps». Abderrahmane Etha'alibi, lui-même, était satisfait de son travail et disait : «Quand les fidèles s'imprègnent de mon œuvre, ma joie est plus grande que celle que j'en tire personnellement d'avoir réalisé cette œuvre.» Il est à remarquer que des exemplaires de cette exégèse ont été envoyés à La Mecque et à Médine et que d'autres ont été envoyés à El-Qods, en plus des quantités qui ont été distribuées à Alger, Béjaïa, Tlemcen et Fès. Le cheikh Mustapha Ibn Khodja (XIXe siècle) a présenté l'exégèse de Sidi Abderrahmane Etha'alibi comme «une relique pour les savants et un trésor pour les étudiants». Le mufti d'Alger, Ibn Zekri Mohamed Ibn Saâd Ezzouaoui, lui emboîta le pas et s'exclama : «Et comment ne pas la considérer comme un trésor alors que c'est une remarquable exégèse du Livre Saint, une exégèse dénuée de toute suspicion, d'aberration et de tromperie.» C'est par cet effort continu, plein d'altruisme et de sacrifice que Sidi Abderrahmane Etha'alibi a mérité son nom, «le célèbre patron d'Alger». Ainsi, en prenant connaissance de ce travail assidu, on est heureux de constater, pour cette époque, comme le souligne l'Histoire de l'Humanité que «par le développement interne qu'elle a su atteindre, la pensée musulmane demeure présente au progrès général de la culture». Sidi Abderrahmane sur la voie de la vérité Avant de décrire l'ascète ou le çoufi qu'était notre savant, il faudrait d'abord et pour une bonne compréhension, situer son école où abondaient des règles et des pratiques, plutôt mystiques et plus connues dans la langue arabe sous le vocable de «tasawùf» ou le çoufisme. Cette école, selon les rites d'El Qùshaïri, dans son épitre célèbre et d'El Ghazali, dans sa conception d'une religion ouverte, faisait partie d'une diversité de courants islamiques dont il ne faut jamais cesser de souligner l'importance dans le cadre du renforcement de la doctrine et de la croyance islamiques. Ce foisonnement d'opinions est venu pour conforter le hadith du Prophète (QSSSL), qui stipule : «La diversité d'opinions dans ma communauté est un signe de la miséricorde de Dieu.» Cette sagesse trouve ses bons échos chez les sociétés avancées quand elles affirment – et elles ont raison – que «de la discussion jaillit la lumière» ou encore, lorsqu'elles ont opté, bien avant nous, pour l'expression du pluralisme, reconnaissant ainsi les bienfaits de l'existence de plusieurs courants et modes de pensée politiques. Cela étant, il faudrait voir, chez nous, si dans la pratique, ces nombreuses écoles, ces schismes et ces sectes politico-religieuses ont contribué à l'essor de l'Islam ou, à tout le moins, à la purification de ses pratiques. Abou Bakr Mohammad Ibn Zakariya al-Razi, appelé communément Râzi, ayant vécu aux IXe et Xe siècles, en tant que médecin, alchimiste et philosophe, disait : «Les problèmes qui les séparent et les discussions excessives conduisent à la haine. Malgré le sang répandu et la destruction des biens, le nombre des sectes ne fait que s'accroître. Si, loin de se disputer, les hommes se réunissaient pour s'entendre, s'aimer et s'entraider, ils réaliseraient les vœux de leur Prophète.» Cependant, nonobstant les grands clivages et les fréquentes divisions qu'a connus l'Islam, souvent dans des circonstances très pénibles, chez les çoufis par contre, leur école enseignait le calme et la pondération. Dans cette même école, dont faisait partie notre savant Abderrahmane Etha'alibi, l'effort était sincère et la piété incontestable. En effet, Sidi Abderrahmane s'occupait d'asseoir l'orthodoxie tout en affirmant que le progrès des études devait concourir à la plus grande gloire de la religion et que la logique devait permettre de passer du connu à l'inconnu. Avec ce concept philosophique qui ne pouvait être, en son époque, nullement en confrontation directe avec les dogmes de l'Islam, cet Homme – comme tous les autres célèbres çoufis – pensait pouvoir vraiment discerner nettement le bien et le mal. Il étayait des vérités par des arguments rationnels, que la Révélation ne mettait pas en doute. La piété des ascètes de l'Islam, faite d'amour et de relation personnelle avec le divin, est à l'origine de ce culte mystique intime. Pour cela, Ibn Khaldoun disait de leur conception : «La voie suivie par les futurs çoufis avait toujours été considérée comme celle de la vérité et de la bonne conduite, tant par les compagnons du Prophète que par leurs disciples immédiats et par leurs successeurs.» Ainsi, Sidi Abderrahmane Etha'alibi n'était pas le seul dans cette mouvance qui, depuis le XIe siècle, prenait de plus en plus d'ampleur dans les milieux spirituels pour devenir une société de pensée, avec une philosophie qui allait user d'une langue assez hermétique en apparence mais qui devait assigner à certains termes courants des significations techniques. Cette philosophie, comme disait Avicenne, «est le perfectionnement de l'âme humaine par la connaissance de l'homme». Avant et après lui, il y a eu d'éminents çoufis. Nous ne citerons que les plus importants dont Abou Hamed El Ghazali, un enfant du Khorassân et brillant élève de l'université de Nishâpur, qui fut pratiquement le plus grand des çoufis par son parcours, ses œuvres et par ses prédications pour «une religion ouverte qui est avant tout une purification des cœurs, une conquête de la connaissance et de l'amour». C'est alors, qu'après avoir parcouru le monde arabe, El Ghazali composa son fameux ouvrage «Ihya Ouloum Eddine» ou la Revivification des sciences religieuses. Hussein Mansour El Hallaj fut, lui aussi, un célèbre mystique qui a vécu bien avant El Ghazali. L'orientaliste Louis Massignon a consacré les deux gros volumes de sa thèse à ce «martyr mystique de l'Islam». Abou Nasser Es Sarraj, El Qùshaïri, Ibn El Faridh, pour ne citer que ceux-là, étaient également de cette trempe, de grands çoufis qui ont laissé de belles traces à travers des œuvres remarquables qui nous restent, comme celle de théologie ach'arite par exemple, ou celle qui représente ce magnifique diwan, célèbre dans le monde arabe, et dont les vers d'une perfection déconcertante, chantés dans les séances extatiques des «derwiches» du Caire et de Fès, expriment les thèmes de la métaphysique et de la mystique çoufie sous les symboles de l'amour et du vin. Au Maghreb, comme en Espagne, en plus de Sidi Abderrahmane Etha'alibi, les grands maîtres étaient Sidi Abou Mediène Choaieb, le saint d'Algérie, originaire d'Andalousie, Abou El Hassen El Hirali, un enfant de Marrakech qui enseigna à Béjaïa, Abou Abdallah Ibn Khamis de Tlemcen qui a eu l'aide du fils de Yaghmoracen qui le nomma secrétaire général de son cabinet. Alors, on ne peut quitter cette modeste étude sur Sidi Abderrahmane Etha'alibi et sur l'environnement culturel, scientifique et mystique dans lequel il a baigné, sans présenter quelques extraits de son imposante compilation sur les fins dernières. En effet, cette présentation de notre vénéré savant est plus que modeste au regard de l'effort sérieux qu'il a fourni pour la communauté musulmane dans le cadre de l'exégèse du Coran et du hadith ainsi que dans le cadre de sa doctrine mystique. De là, et pour nous excuser auprès de nos lecteurs, nous leur donnons quelques réflexions, rédigées dans un style d'une rare beauté et qui démontraient déjà, en son temps, la morale qu'il tenait à transmettre pour éduquer et raffermir la foi de ses disciples. Voici, donc, des extraits de Kitâb el ‘ouloum el fakhiret, édité au Caire en 1317-1899 et traduit par Laurès et cité par Emile Dermenghem, tout en précisant que la traduction ne peut restituer au texte la clarté et l'éloquence de la langue dans laquelle il a été rédigé. À chaque heure tu meurs... Les prêts que les âmes ont reçus seront réclamés par Dieu, l'un après l'autre, jusqu'à ce que nos âmes soient rétribuées pour le tout. Nos âmes, pour nous, sont des prêts reçus. La mort va bientôt s'efforcer d'en exiger le remboursement. Il nous faudra absolument rendre ce que nous avons emprunté. Tout débiteur doit s'y résigner. Les riches qui sont des sots sont inattentifs à la Magnificence et à la Majesté de Dieu. Ils n'ont aucun souci du lieu terrible où l'on s'en retourne, où l'on va faire retraite définitive. Ce qui les préoccupe uniquement, ce sont les actions humaines, qui sont dégradantes, le qu'en-dira-t-on qui est sans efficacité, les manigances et les duplicités qui multiplient les richesses. Ils ne savent pas que la fortune est une épreuve, un vrai malheur, un mauvais calcul, une expérience douloureuse, une vaine agitation.Saisissez l'occasion, ô hommes perspicaces, de la grâce que Dieu vous a faite de vous accorder un répit. Rejetez la tromperie des vains désirs, le mensonge des faux espoirs. Et tu es toi-même, à l'ivresse de tes voluptés, à l'étourdissement de tes passions, dans le coma de ton insouciance. Les ciseaux de la richesse s'activent dans le vêtement de la vie. Ils font des morceaux épars de ton existence, tout au long de tes heures. Chacun de tes souffles est un fragment détaché de l'ensemble de ta personne. Avec la disparition de ces fragments, c'est finalement le tout qui s'en sera allé. Car tu es une somme. Tu seras repris dans ton unité comme dans ta diversité et rétribué pour le tout. Voici, très modestement, comme signalé auparavant, ce qu'était Sidi Abderrahmane Etha'alibi, né aux Issers, au pied du majestueux Djurdjura, le saint patron d'Alger, qui a rendu son âme au Seigneur en 1471 et dont le mausolée se trouve sous cette Qobba qui porte son nom. À proximité de lui, sont enterrés d'autres Saints, Sidi Ouadah, Sidi Flih, Sidi Boudouma. Il y a aussi des personnalités politiques, comme le roi Salim Toumi, dernier souverain d'Alger, qui fut tué par Arroudj, le dey Mustapha Pacha (1798-1805) et son fils Brahim, mort en 1818, le dey Omar (1815-1817), le bey Ahmed de Constantine et des hommes de culture comme Mohamed Bencheneb ou Mohammed Racim, le miniaturiste...