Plus que ses pr�d�cesseurs, ce pape-l�, le premier d'origine slave dans l'Eglise catholique, aura marqu� son pontificat. A cheval sur deux si�cles — nomm� en octobre 1978, mort en mars 2005 — Jean-Paul II, de son vrai nom Karol Wojtyla, a fait de son pontificat un exercice tant politique que religieux. Superstar plan�taire, homme de terrain, Jean- Paul II aura exerc� le plus long pontificat (26 ans) depuis le pape Pie IX au XIXe si�cle. L'hommage unanime qui lui est rendu par la communaut� internationale emp�che cependant toute critique d'un bilan contestable sur de nombreux aspects. Cet homme a �t� �lu pape dans un contexte d'affrontement entre l'Ouest capitaliste et l'Est communiste, et dans un contexte de reflux des id�aux progressistes. Personnalit� aux multiples facettes, il poursuivait obstin�ment un seul but : le triomphe de l'Eglise et de ses valeurs conservatrices. Il incarnait le retour du b�ton religieux par� de vertus humanistes et morales dans un monde o� depuis l'effondrement du mur de Berlin, les soci�t�s d�sillusionn�es par l'�chec du �socialisme r�el�, en manque de rep�res, se raccrochent aux figures paternelles. Le d�funt pape donnait ainsi de l'Eglise l'image d'une institution d�nonciatrice des m�faits du n�o-lib�ralisme, sensible � l'injustice sociale et aux souffrances des peuples du Tiers-Monde, jusqu'� conc�der que la conception marxiste du capitalisme contenait �un germe de v�rit� �, l'image d'une institution oppos�e � la guerre en Irak, favorable � la paix entre Isra�liens et Palestiniens et ouverte au dialogue inter-religions. Mais aussi l'image d'une institution fonci�rement r�actionnaire oppos�e aux droits de la femme, au divorce, � l'avortement, � l'utilisation des pr�servatifs, au mariage des pr�tres. Pour r�sumer, il �tait moderne dans son style et dans l'image qu'il a voulu donner de l'Eglise mais profond�ment conservateur et r�actionnaire. Ses laudateurs le pr�sentent volontiers comme �Saint- Michel terrassant le dragon communiste�. C'est en partie vrai. Au d�but des ann�es 1980, le pape a conclu une �alliance secr�te � avec le pr�sident Ronald Reagan, pour abattre �l'empire du mal communiste�, � savoir l'URSS. De ce fait, l'attentat perp�tr� contre lui par le Turc Ali Agsa en 1983 tombe � point nomm�. Le KGB est accus� d'�tre derri�re avant que ne soit �voqu�e �la piste bulgare�... S'ensuit alors une campagne anti-sovi�tique � peine voil�e. Ne s'arr�tant pas en si bon chemin, il sonne la charge en 1983 contre le r�gime sandiniste au Nicaragua, rencontre Pinochet en 1989 au Chili, alors que par ailleurs, il s'abstient de condamner la dictature argentine pourtant coupable de dizaines de milliers de disparus. Quant � l'Eglise latino-am�ricaine, qui pr�nait la th�ologie de la lib�ration, il affirme �d�s lors que le marxisme est mort�, que cette th�ologie de la lib�ration pr�n�e par les �v�ques Leonardo Boff au Br�sil ou Gustavo Gutierez au P�rou n'avait pas sa place dans l'Eglise. Nourri au combat contre le �communisme ath�e�, Jean-Paul II n'h�site pas � qualifier ces hommes d'�glise de �faux proph�tes� (voyage au P�rou en 1985), alli�s aux �marxistes�, c'est-�-dire � la gauche latino-am�ricaine, pers�cut�e alors par les r�gimes en place et qui se r�clamait des id�aux de Che Guevara. Aussi donnera-t-il le signal-pressions financi�res � l'appui- d'une reprise en main de l'Eglise sud-am�ricaine. Toutefois, malgr� son activisme, ce globe-trotter religieux laisse une �glise en crise, barricad�e dans un credo moral r�trograde. Son successeur aura la lourde t�che d'en r�parer les erreurs afin que l'Eglise accompagne son si�cle.