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Macron et Messaoud Benagoune
Publié dans Le Soir d'Algérie le 05 - 06 - 2017


Par Nour-Eddine Boukrouh
[email protected]
noureddineboukrouh.facebook
Cette quatrième contribution en un peu plus d'un mois où il est question de la France (voir Le Soir d'Algérie des 27 avril et 2 et 7 mai dernier) participe de l'intérêt porté dans le monde à l'élection présidentielle qui vient de s'y dérouler, dont de larges segments de l'opinion algérienne que n'indiffère pas ce qu'il se passe dans ce pays, sachant que d'une manière ou d'une autre, tôt ou tard, il les impactera.
Outre le poids et les questions pendantes du passé, la présence de plusieurs millions d'Algériens en France, et le fait qu'elle soit l'un de nos principaux partenaires politiques, économiques et culturels, M. Macron a tenu à visiter notre pays quelques semaines avant d'être élu, ce qui dénote l'importance de la relation entre les deux Etats. D'ailleurs son ministre des AE sera bientôt à Alger où l'on n'ignore pas que la clé d'une solution diplomatique au problème du Sahara occidental se trouve à l'Elysée, ce problème étant l'une des plus grandes entraves à une relation définitivement apaisée.
En dehors des articles d'information et commentaires rédigés ponctuellement par des journalistes nationaux en rapport avec des évènements mettant en scène l'Algérie ou des Algériens, il n'est pas coutumier qu'un Algérien écrive sur la France pour s'exprimer sur ses enjeux domestiques ; c'est à l'inverse qu'on est habitué de part et d'autre de la Méditerranée. Je dois avouer qu'en ces temps d'écœurement indicible, j'essaie à chaque réveil matinal de regarder ailleurs, là où les choses ont un sens, pour échapper momentanément à l'insupportable spectacle de ce à quoi est soumis notre pays depuis le début du quatrième mandat et qui, chaque jour, nous éloigne un peu plus du monde et des temps modernes, nous rapprochant du coup de l'âge de pierre dans le temps et de la ceinture d'astéroïdes dans l'espace.
A s'en tenir à la plus récente actualité, Français et Algériens ont été pris au dépourvu par l'arrivée fulgurante de convives inattendus dans leur vie institutionnelle : Macron à la tête de l'Etat français, Messaoud Benagoune dans le gouvernement algérien. Tout le monde à peu près en Algérie sait qui est Macron. Personne en France n'entendra jamais parler de Messaoud Benagoune, ce ministre du Tourisme et de l'Artisanat de trente-sept ans qui a été bouté du gouvernement quarante-huit heures après y avoir été nommé, sans aucune explication. C'est à croire qu'il ne manquait que cette perle au palmarès très riche en singularités de M. Bouteflika pour ajouter l'absurdité à l'insignifiance. Une sorte de «cerise sur le gâteau» en plein Ramadhan.
Qu'ont en commun les deux personnages qu'il serait incongru de comparer mais instructif de confronter à la réalité dont ils sont issus ? Rien, sinon d'être des prototypes de ce que les deux pays engendrent naturellement et méritent le mieux. Le premier en vertu de la méritocratie ambiante chez lui, le second en vertu de la médiocratie régnante chez nous.
En France, les critères pour accéder aux hautes charges de l'Etat et aux assemblées élues sont la transparence, la compétence et la décence. En Algérie, ce sont, après le régionalisme, la sénilité, la servilité et la corruptibilité. Les premières sont des qualités qui font la puissance qui conduit parfois à la colonisation d'autres pays, les secondes des tares qui condamnent à la faiblesse et conduisent fatalement à la «colonisabilité». C'est ce qu'ont connu par le passé les deux pays, en toute logique.
Il est bon, comme disait Jean de la Fontaine, d'apprendre de plus petit que soi, mais c'est encore mieux d'apprendre de plus grand que soi quand celui-ci possède une expérience enviable comme dans l'art d'édifier une société, une conscience citoyenne, un Etat... Cela étant, que pourrions-nous apprendre de l'arrivée de M. Macron à la tête de l'Etat français, et que pourraient apprendre les Français de l'arrivée de M. Messaoud Benagoune dans le gouvernement algérien ? Enormément pour nous, sidéralement rien pour eux.
Pourrions-nous un jour rêver d'un équivalent algérien de Macron à la tête de notre pays ? Se pourrait-il que la France se réveille un matin avec l'équivalent français de Bouteflika à sa tête ? Dans les deux cas, la réponse est : absolument jamais ! Pourquoi ? Eu égard au parcours historique des deux peuples, au contenu de leurs cultures sociales respectives, au niveau de conscience citoyenne élevé chez l'un et inexistant chez l'autre, à la qualité des élites intellectuelles, médiatiques et politiques d'un côté et de l'autre, parce que Macron a pour aïeul Montesquieu et Messaoud Benagoune pour ancêtre Djouha, parce que eux ont pour symbole le coq et nous la «chèvre qui vole» («maâza wa law taret»), etc, etc. C'est un regard d'admiration que porte le monde sur la France qui a su sortir de ses flancs, comme un prestidigitateur de son chapeau, un jeune président de trente-neuf ans qui a montré, dès ses premiers pas, qu'il était fait de l'étoffe des leaders après les éprouvants mandats de Sarkozy et de Hollande — le premier trop agité, le second trop terne — qui auront fait la fortune des amuseurs publics plus que celle de la France. Il est significatif que le dernier livre paru sur François Hollande il y a quelques jours ait eu pour titre «Le président du temps perdu». Cinq ans. Nous, c'est dix-huit rien qu'avec Bouteflika ! Qu'aurait dit la pensée algérienne, si elle avait existé, de n'importe lequel des personnages qui ont usurpé les fonctions de chef d'Etat chez nous ? Il faut leur concéder la «modestie» de ne s'être prévalu que d'une qualité, douteuse chez plusieurs, celle de «moudjahid». Quoi qu'il en soit, ils sont comptables devant l'histoire de la faillite morale et matérielle du pays.
Comme si, avec la disparition de la génération du général de Gaulle (Pompidou, Giscard, Mitterrand et Chirac), la France avait épuisé ses capacités d'engendrer des dirigeants ayant la stature et le style concordant avec l'image qu'on se fait d'un chef d'Etat, les Français ont désespéré de leur classe politique au point qu'à l'apparition du premier candidat sortable et présentable — François Fillon avant les «affaires», puis le chanceux Macron — ils l'ont préempté ! En quelques jours celui-ci les a comblés d'aise avec rien, avec sa seule prestance, sa marche à la façon légionnaire, sa poignée de main vigoureuse, son regard direct et son parler franc. Ce n'est pas lui, mais Trump et Poutine qui faisaient figure de novices aux rencontres du G7 et de Versailles. Qu'il est facile de séduire quand on a la tête de l'emploi...
Ceci pour la forme, l'esthétique, le cosmétique, comme on dirait, mais ce sont ces petites choses qui ont diablement manqué à l'orgueil français durant les derniers lustres. Pour le reste, le fond, ce pourquoi il a été élu, il est prématuré de s'avancer sur ce qu'il fera là où ses prédécesseurs n'ont rien pu depuis le début des années 1970 et la fin des «trente glorieuses», époque où ont commencé à s'inverser les courbes de l'emploi, du solde commercial extérieur et des comptes publics (budget et sécurité sociale), tandis que celle de la dette publique prenait la direction de la stratosphère. On en reparlera après le second tour des élections législatives, et plus sûrement dans un an. Au pays de la formule de «On reconnaît le maçon au pied du mur», le mur attend de Macron qu'il démontre qu'il est bon maçon. A rebours, ce n'est pas un regard d'admiration ou même de commisération que jetterait sur nous le monde s'il avait une raison de s'intéresser à nous comme durant la «décennie noire» où on a envisagé sérieusement à l'ONU de mettre notre pays sous tutelle pour cause d'incapacité de son Etat à protéger la population des massacres collectifs. Ce serait un regard plein de mépris car nous n'avons pas encore rencontré le fond qui stopperait notre chute dans l'immonde, la honte, l'échec et le satanisme. Ce qui nous aurait peut-être permis de nous propulser vers le haut dans une ultime tentative d'échapper à la mort programmée de notre rêve national parce que nous sommes passés d'une colonisation étrangère extensive à un avilissement national intensif.
Les Français ont élu un jeune président avec l'espoir de passer du mauvais au meilleur. Nous, nous ne savons que dégringoler du mauvais au pire, notre unique horizon depuis toujours au bout duquel nous attend un autre Djouha ayant pour nom Sellal, Ouyahia, Saâdani, Chakib Khelil, Messaoud Benagoune-junior ou celui de quelque maréchal-ferrant galonné... Que nous soyons petits aux yeux des autres ou incommensurablement grands aux nôtres, personne au monde n'a envie d'apprendre quoi que ce soit de nous, de notre «génie», de nos mœurs politiques, sauf nous-mêmes, et c'est ce qu'a fait Messaoud Benagoune en fidèle militant de la cause nationale tantôt avec les uns, tantôt avec les autres, au gré de l'agitation du marigot politique. C'est peut-être la découverte tardive qu'il a faite durant ses transhumances, un passage chez Benflis, avant de planter sa «kheïma» chez Benyounès qui a dû provoquer, si près de l'apothéose, sa brusque descente aux enfers car on n'a pas l'habitude, sous Bouteflika, de sanctionner l'absence de diplômes, de compétences ou de probité. On les récompense, au contraire, car ce sont des garanties de fidélité animale et perpétuelle. Il a manqué à Messaoud Benagoune de savoir quelque chose : qu'une halte chez Benflis est un crime impardonnable aux yeux de Bouteflika ; c'est l'équivalent du «chirk» sur notre bonne terre furieusement religieuse.
Je compatis au sort de M. Messaoud Benagoune, un authentique Algérien de souche élevé selon les usages courants et dans le parfait respect des traditions étatiques en vigueur depuis l'indépendance, et plus particulièrement depuis le retour de M. Bouteflika au pouvoir en 1999 après y avoir été sans relâche de 1957 à 1983. Je compatis à ce qu'il lui arrive, réprouve le régime du «deux poids, deux mesures» qui lui a été appliqué, et souhaite même contribuer à sa défense. Dont acte :
1) On lui reproche de n'avoir pas travaillé avant d'être nommé au gouvernement ? Plusieurs ministres ayant appartenu aux gouvernements de M. Bouteflika ou de ses prédécesseurs n'avaient pas travaillé auparavant ou n'avaient occupé dans la vie que des fonctions subalternes.
2) On doute de ses diplômes ? D'abord, on ne fait pas de meilleurs patriotes avec des diplômes puisque ce n'est pas ce qui a manqué à ceux dont les noms ont été cités dans les scandales qui ont émaillé les quatre mandats de Bouteflika. Ensuite, en quoi Messaoud Benagoune serait-il plus blâmable que Saâdani en matière d'études, d'authenticité des diplômes ou de références professionnelles (sans parler des accusations de détournement de fonds publics), toutes choses qui ne l'ont pas empêché de devenir tour à tour président des comités de soutien à l'élection de M. Bouteflika, président de l'Assemblée nationale et patron du «prestigieux» FLN ?
3) Il aurait un casier judiciaire chargé ? Que dire du grand nombre de ministres ayant appartenu ou appartenant encore au gouvernement de M. Bouteflika qui ont fait l'objet de révélations et de citations à comparaître devant des tribunaux nationaux et étrangers sans entraîner leur révocation ? Au contraire, ils ont été absous et promus...
4) En quoi ce jeune homme prometteur qui marchait respectueusement dans les pas de ses aînés en se conformant aux standards serait-il plus à incriminer que Chakib Khelil à cause de qui le DRS a été démantelé, ou ceux qui se préparent dans l'ombre à succéder à Bouteflika pour faire pire que lui ? Il serait tout à fait dans son droit de s'adresser à eux en ces termes : «Chaftouni ghir ana, ya djoubana ? Djitkoum sahal, ya haggarine ? Chkoun fikoum li ma klach, ya hassadine ?...»
Croyez en mon expérience et en ce que j'ai vu de l'engeance dont il est question : Messaoud Benagoune n'aurait pas été plus mauvais que beaucoup de hauts responsables civils ou militaires en exercice, à la retraite ou au carré des martyrs de Dar-el-Beïda. Il est représentatif de millions d'Algériens qui se voient, si cette chienne de vie n'avait été «gheddara» (traîtresse) avec eux, députés, ministres, Premier ministre ou chef d'Etat. Surtout quand ils font défiler dans leur mémoire le film des chefs d'Etat, premiers et derniers ministres qui nous ont gouvernés. A leur intime conviction qu'ils sont meilleurs qu'eux, s'ajoute la frustration devant les obstacles que la nature a mis sur le chemin de leur «normale» ambition : la longévité du «système», la gérontocratie, l'immortalité...
Que manque-t-il à Messaoud Benagoune pour être calife à la place du calife en dehors de la qualité de «moudjahid», une catégorie dont le nombre s'élevait à quelque trente mille au moment de l'indépendance et qui s'élève à quelque deux millions qui émargent aujourd'hui au budget du ministère concerné? Les diplômes ? On en a déjà traité. L'âge ? Boumediene était moins âgé que lui de plusieurs années quand il a réalisé son coup d'Etat, et Bouteflika avait onze ans de moins que lui quand il a été nommé ministre. Un CV fourni ? Pour l'un comme pour l'autre, c'était le premier, l'unique et le dernier boulot de leur vie.
Et puis un Messaoud Benagoune de plus ou de moins, qu'est-ce que cela aurait changé dans le gouvernement ou le destin de l'Algérie ? Avec ses quatre mandats et les prochains, Bouteflika aura vécu, comme les chats de la légende, sept vies et ravi celle de plusieurs présidents putatifs correspondant au profil de Messaoud Benagoune... Ce n'est pas la «morale publique» qui est à l'origine de la frappe contre le malchanceux Messaoud, c'est une diablerie sur laquelle il devrait enquêter s'il veut se présenter à la présidentielle algérienne quand il en aura atteint l'âge légal ; bientôt. Dans l'attente, je réclame justice pour tous les Messaoud Benagoune en vie et à naître, ce meilleur «khalaf» du meilleur «salaf» algérien...


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