Notre sport-roi subit, depuis le renouvellement des instances dirigeantes de la FAF, des attaques répétées, par le biais de la presse, entretenant une polémique, dont l'expression verbale violente a été manifestée lors de la dernière conférence de presse du sélectionneur national Rabah Madjer. Ce dernier, ayant été irrité par une question d'un journaliste de la radio Chaîne III, a réagi nerveusement, qualifiant l'auteur de la question «d'ennemi de l'EN» et le sommant de se taire. Il est vrai qu'un homme public, assumant la responsabilité d'un bien national (en l'occurrence la sélection nationale de football) doit accepter, avec calme et responsabilité, les critiques des journalistes, lesquels sont censés représenter l'opinion publique. Cependant, il faut également avoir la sagesse et l'honnêteté d'analyser les raisons de cette tension entretenue entre la nouvelle équipe dirigeante (aux plans administratif et technique) de notre football et certains journalistes sportifs. Il faut rappeler que les critiques ont débuté avec l'élection du nouveau président de la FAF, auquel on a reproché d'avoir été imposé (comme si les précédents étaient librement choisis), de n'avoir pas d'expérience, d'être presque un intrus dans le football, alors que, sur ce plan, il a certainement plus d'atouts à faire valoir, par rapport à certains de ses prédécesseurs. En effet, M. Zetchi, que je ne connais que peu, l'ayant croisé quelques fois lors de mon mandat à la présidence du COA, est un universitaire, ayant acquis une solide expérience de gestionnaire, à la tête d'une entreprise économique familiale florissante, et du club sportif qu'il a créé et propulsé, en quelques années, au sommet de notre hiérarchie footballistique, avec le produit de sa formation. L'académie de football qu'il a montée au niveau du PAC est citée en exemple dans notre pays. Faut-il rappeler, qu'à l'inverse de ce qui se passe dans les autres équipes (y compris notre EN), le club de football du Paradou évolue avec des pratiquants formés essentiellement dans son académie, se permettant même d'expatrier des joueurs pour une carrière professionnelle à l'étranger. Son élection à la présidence de la FAF aurait dû par conséquent susciter un grand espoir et mérité un soutien des acteurs de notre sport-roi et des relais médiatiques, car elle ouvrait des perspectives d'une politique à long terme, basée sur la formation et la construction d'une sélection nationale réellement représentative de notre football. Dans ce cadre et avec les conséquences de la crise financière que connaît notre pays et qui appelle à des dépenses rationnelles de nos devises, la nouvelle équipe dirigeante a choisi de faire confiance à des techniciens algériens pour rebâtir une sélection composée majoritairement de joueurs locaux, renforcés par des joueurs issus de notre émigration, expérimentés et titulaires dans leurs clubs respectifs, comme c'était le cas dans les années fastes de notre football. Mon vécu, comme médecin des équipes nationales des juniors puis séniors dans les années 1970-1980, m'a permis de relever le fruit de la politique de formation, issue de la réforme sportive initiée par les responsables politiques de l'époque. Les entraîneurs étaient des Algériens (Mekhloufi, Soukhane, Maouche, Zouba, Kermali, Lemoui, Khalef, Saâdane) assistés parfois par quelques techniciens étrangers qui avaient apporté leurs compétences théoriques (Rogov) ou expériences pratiques (Rajkov). Notre sélection nationale, composée essentiellement de joueurs locaux, était renforcée par des joueurs professionnels largement titulaires dans leurs clubs et très engagés (Dahleb, Djadaoui, Korichi, Mansouri pour ne citer que les plus présents). Le choix actuel d'une équipe de techniciens algériens n'est que justice rendue par la nouvelle équipe dirigeante de la FAF. L'attitude d'une certaine presse, qui s'est acharnée sur Madjer, avant même qu'il ne soit installé, est incompréhensible et suspecte, du fait de ses relations tendues avec les précédents dirigeants. Le motif des diplômes aurait été justifiable, si le staff qui l'accompagnait n'était pas composé de techniciens diplômés et compétents (Ighil et Menad) et si la DTN n'était pas prise en main par un technicien qui a largement fait ses preuves (Saâdane). L'attitude du public, lors du dernier match contre la RCA (sifflements contre l'EN et propos agressifs contre Madjer), témoignait d'un conditionnement par une certaine presse sportive hostile, et risquait de déstabiliser les joueurs. Etait-ce le but recherché ? Les auteurs de cette cabale médiatique sont-ils prêts à sacrifier les résultats de notre sélection nationale uniquement pour satisfaire leur esprit de revanche ? Comment demander à un sélectionneur de garder son calme et sa sérénité lorsqu'il est agressé avant même le début de la rencontre contre la RCA, son équipe huée au lieu d'être encouragée, pour finir, en conférence de presse, par une question d'ordre tactique (relevant donc des prérogatives exclusive du staff technique) adressée volontairement au joueur capitaine d'équipe. Ce dernier, lors d'une interview sur une chaîne étrangère, a d'ailleurs dit comprendre la réaction du sélectionneur Madjer et qualifié notre presse sportive d'agressive. Rabah Madjer, qui était une idole pour notre jeunesse, est devenu, par le conditionnement médiatique, l'homme à abattre du public, sans même prendre le temps de le juger, avec ses collaborateurs, sur le résultat que l'on ne peut objectivement analyser sur quelques jours de travail. Il est, après tout, un être humain, avec ses limites de patience. Nous avons tous en souvenir la réaction de Zidane face aux provocations répétées du joueur italien Materazzi, lui valant une expulsion probablement fatale pour la suite du résultat de l'équipe de France en Coupe du monde 2006. Le joueur vedette français a tout de même bénéficié de la compréhension et de l'indulgence de la majorité de la presse sportive de son pays, maintenant sa cote élevée de popularité auprès des citoyens. Le geste de nervosité de Madjer ne doit pas être l'occasion d'une campagne de dénigrement systématique à venir. Le staff technique, les joueurs et l'équipe dirigeante de la FAF ont besoin de sérénité pour poursuivre leur programme de reconstruction du football national, lequel a atteint un niveau inquiétant, du fait de son quasi-abandon, depuis des années, au profit de la seule sélection nationale, composée exclusivement de joueurs formés à l'étranger (auxquels il faut tout de même rendre hommage). La politique actuelle programmée par Zetchi et son équipe se base, selon ce que j'ai compris, sur la formation (joueurs et entraîneurs) ; elle constitue, à mon sens, la seule solution pour une redynamisation durable de notre sport-roi. Cette équipe mérite d'être encouragée et non systématiquement dénigrée, de même que le staff national, pour ne pas subir un nouvel affront lors du prochain tournoi africain. Les journalistes sportifs, au nom de la liberté d'expression, ont parfaitement le droit de critiquer, sur des bases objectives, mais ils ont surtout le devoir de favoriser, par leurs interventions, un environnement serein, afin de permettre à notre sélection nationale et au staff qui la dirige d'évoluer dans une atmosphère moins stressante. R. H. * Ex-médecin de l'équipe nationale de football (années 1970-1980). Ex-président du Comité olympique algérien