Par Hassane Zerrouky Le Jordanien Abou Mossab al-Zarkaoui, chef de la branche irakienne de la Qa�da, qui n'est plus � pr�senter, figure dans la liste des cent personnes les plus influentes du monde pour 2005, liste dress�e chaque ann�e par le magazine am�ricain Time. Il est class� en dixi�me position dans la cat�gorie "dirigeants et r�volutionnaires", soit � neuf places du premier, le pr�sident George Bush, avant le pr�sident sud-africain Thabo M'beki (class� 14�me) ou Mahmoud Abbas (class� 16�me) voire avant le pr�sident v�n�zu�lien Hugo Chavez qui occupe la 22�me place. Ainsi donc l'islamiste radical jordanien fait partie, selon Timede la liste des "femmes et des hommes disposant d'influence et de pouvoir pouvant changer notre monde " ! Bien que qualifi� de "terroriste" par Time, le fait de figurer dans cette liste va ravir Abou Moussab Zarkaoui et va donner � celui qui est consid�r� par Washington comme "l'ennemi public num�ro un" une certaine aura. Le Antar Zouabri irakien n'en demandait sans doute pas tant. En revanche, le pr�sident Bush n'est certainement pas ravi de voir son nom figurer aux c�t�s de celui de Zarkaoui. Mais tr�ve de plaisanteries. Zarkaoui est-il le fer de lance de la r�sistance irakienne ? Evidemment non. Ce sont ses ex�cutions spectaculaires, film�es en vid�o, m�diatis�es comme il se doit par les m�dias occidentaux, singuli�rement par les m�dias am�ricains, qui ont fait sa c�l�brit�. Oussama Ben Laden �tant pass� de mode, il fallait fabriquer un ennemi pour justifier la "guerre contre le terrorisme" en Irak et, partant, disqualifier la vraie r�sistance irakienne, celle qui ne prend pas les civils irakiens pour cible, qui n'enl�ve pas les �trangers pour les ex�cuter en direct sous l'œil d'une cam�ra vid�o, celle �galement qui lutte pacifiquement pour un Irak d�mocratique et ind�pendant. Le profil de Zarkaoui r�pondait ainsi aux attentes des faucons du Pentagone. En effet, il existe 21 groupes se r�clamant de la r�sistance � l'occupation dont celui de Zarkaoui. Lors de la bataille de Faloudja, en octobre-novembre 2004, ce sont les groupes se r�clamant du Bath irakien qui se sont oppos�s � l'arm�e am�ricaine. Zarkaoui, lui, a pr�f�r� quitter la ville avant que les Marines ne la prennent, publiant a posteriori des d�clarations vengeresses contre les Am�ricains, bien �videmment largement reprises par les m�dias internationaux. Ses exploits guerriers se r�sument aux attentats au v�hicule pi�g� qui font plus de victimes parmi les civils irakiens que parmi les soldats am�ricains. Mais, comme tous les islamistes radicaux de la plan�te, � commencer par Ben Laden, il est pass� ma�tre dans l'art de la communication et de l'Internet. De l� � en faire une des personnes influentes du monde, c'est de l'escroquerie intellectuelle. En m�diatisant � l'extr�me Zarkaoui, Washington veut faire oublier son �chec — si �chec il y a — dans sa traque de Ben Laden que le pr�sident am�ricain dans une c�l�bre formule digne d'un "western spaghettis" voulait "dead or alive" (mort ou vif). Or, Ben Laden court toujours. Non pas qu'il soit introuvable mais on ne sait jamais. Vivant, il peut encore servir la cause de Washington pour pr�server ses int�r�ts g�ostrat�giques. Viendra peut-�tre le jour, si Zarkaoui est tu� entre-temps, o� l'on verra ressurgir comme par enchantement Oussama Ben Laden. Moralit� : ces islamistes tant m�diatis�s servent non seulement les pouvoirs des pays arabes et musulmans � ne pas d�mocratiser leurs soci�t�s comme ils servent � merveille cet Occident, pour qui cette d�mocratisation qu'ils souhaitent du bout des l�vres est finalement plus g�nante pour leurs int�r�ts propres que l'islam politique.