Pour la c�l�bration du d�barquement en Provence � l'�t� 1944 en France, le pr�sident Chirac avait d�cern� une m�daille � quelques survivants venus de pays de l'ancien empire colonial fran�ais. Les gouvernants fran�ais disent se souvenir soudain que la France et l'Europe doivent leur libert� � ces hommes. Mais quelques malheureuses m�dailles n'effaceront pas l'ingratitude et le cynisme de l'Etat fran�ais � leur �gard. C'est ainsi qu'ils furent "punis" en 1959 — sous pr�texte d'ind�pendance des anciennes colonies — par la cristallisation (le gel d�finitif) des pensions des anciens combattants �trangers de l'arm�e fran�aise. Ces soldats — on les appelait goumiers, spahis ou tirailleurs s�n�galais — qui venaient de toutes les colonies de l'�poque formaient plus de la moiti� des troupes fran�aises qui ont d�barqu� en M�diterran�e : 120 000 sur un total de 230 000. Mais ces "indig�nes" m�pris�s et opprim�s n'�taient soudain hiss�s au rang de Fran�ais que pour �tre envoy�s en premi�re ligne, se faire trouer la peau. Ils avaient �t� recrut�s dans les r�gions les plus pauvres, comme les montagnes de l'Atlas au Maroc ou dans les Aur�s en Alg�rie. Pr�sent�s comme des engag�s volontaires, ils �taient bien souvent enr�l�s de force, tel cet ancien combattant marocain qui raconte que le recruteur lui a dit : "Soit tu viens avec nous, soit tu vas en prison" ! Les officiers qui les encadraient �taient souvent d'anciens vichyssois, que la d�faite certaine de l'Allemagne avait convertis en r�sistants de la derni�re heure. Les gouvernements passent, mais les arm�es et les polices restent ! Des dizaines de milliers de soldats africains, antillais, maghr�bins, ont �t� envoy�s au casse-pipe, tout cela pour quoi ? Cette "lib�ration" sous la houlette d'un De Gaulle n'a pourtant pas �t� la leur — et pas davantage celle des travailleurs en France. Les colonies, l'exploitation de leurs populations et de leurs richesses ont continu� d'�tre un enjeu de taille pour l'imp�rialisme fran�ais. Et d�s la fin de la guerre, l'Etat fran�ais s'est employ� � rappeler � tous les peuples qu'il opprimait que rien n'avait chang� : on s'�tait servi d'eux comme chair � canon, mais ils pouvaient d�gager ! La colonisation continuait comme avant ! L'ind�pendance que la France avait retrouv�e avec la fin de l'occupation allemande n'�tait pas pour eux. Chez eux, au contraire, continuait l'occupation fran�aise. Brutale. D�s le 8 mai 1945, en pleine c�l�bration de la "victoire contre le fascisme", alors que les Alg�riens de S�tif manifestaient pour leur part de libert�, l'arm�e fran�aise et les milices de colons massacraient plus de 40 000 personnes... Avec la peau des peuples ! Quand r�voltes et r�volutions ont finalement arrach� � l'Etat fran�ais les ind�pendances, les pensions et les retraites des �trangers ayant servi dans l'arm�e fran�aise ont tout simplement �t� gel�es � leur montant � cette date. C'�tait la loi dite de "cristallisation", vot�e en 1959 sous De Gaulle. Une sc�l�ratesse qui fait qu'� la fin 2002, tandis qu'un ancien combattant fran�ais percevait 690 euros mensuels, un S�n�galais en touchait 230 et un Marocain 61 ! Pas de droit � la retraite non plus ni a fortiori rien, � leur mort, vers� � leur veuve. Aujourd'hui, si l'Etat a d�cid� de revaloriser ces pensions, c'est parce que des anciens combattants survivants ont entam� des actions en justice. Et tout ce qu'on leur conc�de, c'est une augmentation de 20% ! D�risoire, �tant donn� la faiblesse initiale des pensions, dont l'arri�r� ne pourra �tre per�u qu'� compter de l'an 2000. Voil� des ann�es de pensions et de retraites balay�es du revers de la main ! La France pr�tend que cela lui co�terait trop cher, m�me maintenant, alors que bien peu de ces v�t�rans d'une guerre d'il y a 60 ans sont encore en vie ! Cela lui co�te �videmment moins cher de donner la L�gion d'honneur � la ville d'Alger, promue "capitale de la France libre en 1944"... mais ville quadrill�e de 1954 � 1962 par l'arm�e fran�aise et capitale alors de la torture ! Cela dit, le fait d'avoir envoy� sur les champs de bataille d'Europe la jeunesse des colonies n'a pas �t� sans cons�quences. Ce sont souvent les jeunes rescap�s qui, de retour dans leur pays de mis�re, se sont soulev�s, les armes � la main, pour conqu�rir leur propre lib�ration. Et � d�faut d'une v�ritable �mancipation du joug �conomique, arracher l'ind�pendance politique. Juste retour de flamme. LSR Pour rappel, l'arr�t du Conseil d'Etat fran�ais du 30 novembre 2000 Le Conseil d'Etat fran�ais a d�cid�, par un arr�t du 30 novembre 2000, qu'un ancien combattant d'un pays de l'ex-Union fran�aise avait les m�mes droits qu'un Fran�ais en mati�re de pension militaire. Jusqu'� pr�sent, la retraite militaire valait 2.800 FF (426,86 euros) pour un ancien combattant fran�ais, 673 FF (102,60 euros) pour un Guin�en ou 400 FF (60,98 euros) pour un Marocain. Selon le secr�tariat � la D�fense charg� des anciens combattants, 85.000 ressortissants d'anciens territoires fran�ais devenus ind�pendants pourraient �tre concern�s par cet arr�t. Sur ce total, 25 000 sont titulaires de la pension militaire d'invalidit� (PMI) et 60.000 de la carte du combattant. Cet arr�t du Conseil d'Etat devait mettre fin au "gel" des indemnit�s appliqu� depuis 1959 aux b�n�ficiaires des anciennes colonies. La mesure pourrait co�ter 10 milliards de FF (1,52 milliard d'euros) � l'Etat fran�ais. Mais ce dernier en a d�cid� autrement.