Le chef de l'Etat a pris part à cette cérémonie loin de tout débat passionnel, le Paris officiel voulant éviter toute connotation politico-affective. Pas moins de quinze chefs d'Etat d'Afrique et du Maghreb ont rejoint, hier, le président français, Jacques Chirac, à bord du Charles-de-Gaulle, l'imposant porte-avions nucléaire qui mouillait au large de Toulon, pour la cérémonie de commémoration du 60e anniversaire du Débarquement de l'”Armée d'Afrique”, événement connu aussi sous l'appellation de “Débarquement de Provence”. Comme annoncé tambour battant, le chef de l'Etat, Abdelaziz Bouteflika, a pris part à cette cérémonie au même titre que les autres représentants des anciennes colonies françaises d'Afrique et du Maghreb (au nombre de 23 au total), dont les combattants, 173 000 hommes, avaient volé au secours de la France un certain 15 août 1944, soit six semaines après le débarquement américain en Normandie, le 6 juin de la même année. Le programme officiel de ces cérémonies comprenait une parade militaire, un défilé aérien, une revue navale et la présentation de la Patrouille de France. La revue navale, souligne-t-on, a mobilisé 28 navires militaires dont le bâtiment de guerre algérien, Kalaât Béni-Hammad, ainsi que les bâtiments escorteurs, Mourad-Raïs et Raïs-Corso. En tout, 7 500 marins ont participé à cette revue. En outre, 6 000 personnes chargées de la sécurité ont été dépêchées pour superviser le bon déroulement des festivités. Notons que le président de la République ainsi que les autres chefs d'Etat, de gouvernements et autres ministres des Affaires étrangères, invités à cette célébration, avaient préalablement déjeuné à l'hôtel Matignon où ils étaient les hôtes du Premier ministre français, Jean-Pierre Raffarin. Le roi du Maroc Mohammed VI brillera par son absence au cours de ce déjeuner. Il s'est rendu directement à Toulon, en compagnie de son épouse, la princesse Lalla Selma. Conformément au protocole, il est arrivé le dernier à bord du Charles-de-Gaulle. À noter également que les Etats-Unis et la Grande-Bretagne étaient au nombre des convives. “La France sait la part que vos peuples ont prise à cette entreprise. La France libre n'aurait pu participer à la victoire contre le nazisme sans le sacrifice de ces soldats qui ont montré leur valeur sur tous les fronts”, devait déclarer le Premier ministre français lors d'un toast. Il a également parlé du “lien indissoluble” entre la France et les 23 pays qui avaient pris part à la fameuse “Opération Dragon”, lors du Débarquement de Provence. “L'Histoire retient que l'Armée française était riche de la diversité de ce qu'on appelait l'Empire et que le général De Gaulle avait voulu refondre en communauté (…). Des frères d'armes sont devenus des frères de sang, que la coalition formée au Sud a versé en Provence pour libérer le Nord”, ajoutera le Premier ministre français. Jetant un pont avec l'actualité internationale, Raffarin n'a pas manqué de plaider pour une “cohésion internationale”, notamment dans la lutte contre le terrorisme. Il faudrait sans doute rappeler que la perspective de la participation du chef de l'Etat, Abdelaziz Bouteflika, à ces cérémonies avait suscité une vive polémique. Une quarantaine de députés UMP, parti de la majorité chiraquienne, étaient, en effet, montés au créneau pour exprimer leur mécontentement de voir le président algérien à Toulon. Ils lui reprochaient notamment ses prises de position publiques sur la question des harkis qu'il avait comparés aux “collabos” des nazis. Mais Paris a tenu à placer ces évènements dans le seul contexte “festif”, refusant de leur donner la moindre connotation qui fâche, encore moins entrer dans des querelles politico-diplomatiques. Aujourd'hui, on compte encore 80 000 anciens combattants répartis sur 23 pays, imprégnés de désillusions, profondément déçus d'avoir été si longtemps oubliés et mal rétribués pour les services rendus à l'ancienne puissance coloniale. C'est dire le versant douloureux que représentent ces cérémonies, surtout dans une ville comme Toulon, une ville spécifiquement “pieds-noirs” (elle compte d'ailleurs une belle rue qui s'appelle la rue d'Alger). Une ville forte de 400 000 habitants, dont seul Dieu sait combien de déracinés… R. N./Agences