Depuis l'ind�pendance en 1962, les autorit�s alg�riennes lancent leur �ni�me campagne officielle contre la corruption. Les Alg�riens ne sont pas dupes : c'est de la poudre aux yeux et ce sera de nouveau vouer � l'�chec. L'impasse est garantie et ce n'est pas le sacrifice de dizaines de lampistes qui fera changer les choses. Cette campagne va dans tous les sens — sur fond de luttes de clans et de r�glements de comptes. Un pouvoir qui r�prime les citoyens et les journalistes et pi�tinent les libert�s n'a aucune cr�dibilit� dans toute action de ce genre. La lutte contre la corruption est une affaire d'objectifs clairs, de programme bien d�fini et de strat�gie d'ensemble sur la dur�e s'appuyant sur la soci�t� et des contre-pouvoirs ind�pendants, une affaire d�mocratique et de citoyennet�. Il n'est pas concevable, plus particuli�rement pour le sujet qui nous int�resse — la lutte contre la corruption —, d'imaginer quelque succ�s s'il n'y a pas de la part du pouvoir politique une volont� effective, affich�e et mise concr�tement en chantier. Tr�s souvent, notamment en Afrique, les discours des gouvernants sont tr�s riches en promesses de lutte contre la corruption, mais leur traduction sur le terrain est inexistante ou se r�sume � un d�bat de campagne fortement amplifi� par les m�dias gouvernementaux, mais qui reste sans lendemain et qui ne trompe plus l'opinion publique. Cette volont� politique ne se d�cr�te pas. Elle est la r�sultante de contre-pouvoirs ancr�s dans la soci�t� et s'inscrit dans une d�marche globale d'ouverture d�mocratique et de transparence dans la vie publique. Les approches participatives pour combattre la corruption, et en particulier l'importance d'une implication active de la soci�t� civile et des m�dias, sont g�n�ralement reconnues comme des facteurs essentiels de r�ussite de tout programme de r�formes de lutte contre la corruption. Cependant, la volont� politique fait souvent d�faut. Par cons�quent, en tant que b�n�ficiaires des r�formes, les citoyens ne devraient pas simplement se contenter d'attendre passivement l'aboutissement desdites r�formes, mais devraient en �tre les partisans actifs et les gardiens du processus. Les exigences de r�formes ne pourront �maner que de citoyens dot�s d'une conscience politique et qui comprennent leurs droits et les responsabilit�s de leurs repr�sentants. Il est n�cessaire � cet effet d'entreprendre une sensibilisation durable de l'opinion publique. Il est important de ne pas r�duire la volont� politique � la "volont� des politiques" et de ceux qui sont le plus en vue dans la vie politique d'une nation. Il faudrait plut�t pr�ter attention aux principaux acteurs de la vie publique : associations, entreprises, syndicats, et autres acteurs de la soci�t� civile, pour n'en citer que quelques-uns, qu'il s'agit de mobiliser en faveur de la lutte contre la corruption et de la promotion de l'int�grit�. LES CITOYENS, GARDIENS DU PROCESSUS DE TRANSPARENCE M�me s'il n'est pas n�cessaire de commencer au plus haut niveau du pouvoir, il faut que des signaux de soutien clairs et sans ambigu�t� �manent du sommet, faute de quoi les responsables de la gestion et de la mise en application des aspects essentiels du syst�me national d'int�grit� risquent de se sentir inhib�s. Il est certain que le processus d'�laboration de la volont� politique doit parvenir � mobiliser les personnages- cl�s de la vie politique. L'absence de cette volont� ne devrait pas �tonner dans un pays o� le mandat politique est consid�r� comme un moyen rapide de se constituer une fortune personnelle, de se servir soi-m�me et non la collectivit�, de privil�gier sa famille et son clan au d�triment de la nation dans son ensemble. Les raisons qui poussent les gens � s'engager dans la politique constituent d'ailleurs une question importante qui m�rite de faire l'objet d'un d�bat public. Un d�fi majeur dans l'�valuation de l'engagement politique est de faire la distinction entre les approches superficielles de r�forme, uniquement con�ues pour soigner l'image de marque des dirigeants politiques et les efforts importants destin�s � r�aliser des changements r�els et durables. Certains r�gimes bien intentionn�s ont caus� leur propre perte en appliquant des strat�gies inappropri�es ou inefficaces, alors que des dirigeants malhonn�tes ont pu r�ussir � cacher leur jeu derri�re une fa�ade de mesures cosm�tiques. Le risque politique est sans aucun doute une contrainte r�elle. Parce que la corruption est souvent un probl�me de syst�me (par opposition � l'exploitation ponctuelle par des fonctionnaires de certaines opportunit�s), seules des r�formes globales peuvent la r�duire efficacement. Un plan global contient toutefois, pour les dirigeants politiques, une part d'incertitudes et de risques, qui p�se certainement lourd dans leur esprit. La politique est en effet "l'art du possible" et l'�chec de dirigeants parfois bien intentionn�s, li� � l'exc�s d'ambition, peut faciliter le retour en fonction d'hommes politiques moins d�vou�s. Il arrive aussi bien trop souvent que ceux qui parviennent en haut de l'�chelle politique se soient compromis de diverses mani�res, notamment dans le domaine du financement des campagnes �lectorales. Ce n'est pas seulement dans les pays en d�veloppement que cette question repr�sente le point faible des syst�mes nationaux d'int�grit�. D'un autre c�t�, l'id�e selon laquelle rien ne peut �tre fait en l'absence de volont� politique au sommet de l'Etat peut se r�v�ler tr�s �loign�e de la v�rit�. La volont� de lutte contre la corruption peut �tre pr�sente � plusieurs niveaux comme par exemple dans les administrations, l'opposition politique, les agences officielles de lutte contre la corruption, la soci�t� civile, les organisations internationales et les organismes des secteurs public et priv�. Ensemble, ils peuvent former une base puissante en mesure d'assurer le leadership. Sensibiliser la population est un autre axe d'action possible. Le travail de formulation de la volont� politique ne se termine pas lorsque l'Etat se lance dans un processus de r�formes. Il doit se poursuivre pendant la p�riode, souvent difficile, de leur r�alisation. Il s'agit alors de g�rer les attentes de la population avec r�alisme. La corruption g�n�ralis�e, qui empoisonne la vie des gens dans bien des pays, ne dispara�tra pas du jour au lendemain. Les comportements �tant longs � changer, il y aura encore des scandales impliquant des personnes haut plac�es. Lorsque le gouvernement a la volont� de lutter contre la corruption, la soci�t� civile peut l'y aider activement en exigeant des r�formes ayant des objectifs clairs et mesurables, en surveillant le processus de r�formes et en lui demandant des comptes. Elle peut renforcer la volont� politique en œuvrant en faveur des r�sultats vis�s et en d�veloppant la confiance de l'opinion publique dans le processus, encourageant ainsi les dirigeants politiques � tenir le cap. Dans une situation d'Etat d'urgence et d'atteintes r�guli�res contre les libert�s, sans contre-pouvoirs et sans une presse libre, les campagnes gouvernementales anti-corruption pourront se multiplier � l'infini : elles ne serviront � rien, si ce n'est qu'� davantage discr�diter le pouvoir en place et d�mobiliser encore plus tous ceux qui sont r�ellement attach�s � la lutte sans merci contre la corruption.