Pour le commun des citoyens, les opérations visant la neutralisation de quelques pontes dans l'administration et le secteur économique sont fréquemment prétexte à de sordides règlements de compte entre puissants. Leur sporadicité et l'identité de leurs cibles — souvent des lampistes — rendent ces opérations peu crédibles. Le sort infligé par le passé à des cols blancs sans reproches présage la pérennité de telles pratiques et conforte le scepticisme ambiant quant aux véritables objectifs de la campagne d'assainissement menée, actuellement, par les pouvoirs publics. Depuis quelques jours, les journaux se font régulièrement l'écho de coups de filet spectaculaires. Commis de l'Etat, élus du peuple, responsables d'entreprise et d'institutions publiques, hommes d'affaires… la justice quelque temps “mollassonne” se ragaillardit et frappe sans distinction. Anticipant la suspicion populaire, les pouvoirs publics s'attellent à justifier le bien-fondé de leur action. “L'opération mains propres n'est pas une campagne, mais le début de l'application de l'état de droit”, a martelé, hier, Tayeb Bélaïz. Le ministre de la justice s'exprimait au siège de la cour de Batna où il s'est rendu en visite d'inspection. Sa déclaration se voulait une réplique aux plus dubitatifs. N'étant ni de la poudre aux yeux ni l'expression d'une guerre entre clans au pouvoir, le recours assidu à la justice, selon lui, est dicté par l'unique impératif de soustraire des pratiques aussi éhontées que la corruption et le clientélisme du fonctionnement des services publics et de l'acquisition des richesses. Le président de la république a donné le la de cette vaste offensive, il y a quelques mois, dans son discours à la nation en novembre dernier puis en mars, devant les magistrats du pays conviés à la conférence nationale sur la réforme de la justice. Affichant sa détermination à lutter contre la corruption comme l'un des axes importants de son second mandat, il a promis de “faire tomber des têtes”, y compris parmi les juges véreux. En sa qualité de président du Conseil supérieur de la magistrature, il est passé à l'action en cautionnant la radiation de plusieurs d'entre eux. Une quarantaine d'autres faisant l'objet d'une enquête sont actuellement suspendus. Leur sort sera examiné lors de la réunion de la prochaine session du CSM. Au plan économique, la prise en charge par la justice des affaires Khalifa et du détournement du foncier agricole est un gage de transparence et d'opiniâtreté des pouvoirs publics. Cependant, comme pour les protagonistes principaux du dossier Khalifa, les grands propriétaires de domaines mal acquis ne sont guère inquiétés. Les arrestations ciblent pour le moment des fonctionnaires, des élus locaux et des promoteurs immobiliers sans scrupules. Au chapitre du détournement des deniers publics, les péripéties du wali de Blida et de son entourage immédiat demeurent la partie visible de l'iceberg… en attendant d'autres révélations. Samia Lokmane