La création de l'organe national de prévention et de lutte contre la corruption remonte à quatre années, mais ce n'est que le mois dernier que le décret portant nomination de son président et de ses membres a été publié sur le Journal officiel. Un décalage qui a suscité moult interrogations et spéculations sur les raisons à son origine. En tout cas, la lenteur mise à permettre à cet organisme à devenir opérationnel a indubitablement rendu moins crédible pendant cette période le discours officiel concernant la volonté et la détermination des pouvoirs publics à faire une lutte sans merci contre la corruption. Il n'est pas pour autant certain que le coup d'accélérateur donné à l'installation de l'organe de prévention et de lutte contre la corruption va lever les doutes sur la détermination en la matière des autorités. Car les doutes pour ne pas dire plus sur celle-ci sont solidement ancrés dans l'esprit des citoyens. Ils subsisteront tant que les citoyens verront dans les mises au jour d'affaires de corruption la conséquence soit de règlement de compte, soit d'intimidation en rapport avec des luttes de pouvoir. Et c'est bien par cette lecture que l'opinion publique a accueilli les révélations des scandales financiers ayant éclaboussé récemment des institutions névralgiques de la République. Pour les citoyens, l'éclatement de ces scandales ne doit rien en effet à une volonté d'assainissement, mais à des opérations à objectif neutralisant d'un clan du pouvoir contre un autre. A tort ou à raison, le citoyen lambda est convaincu que les scandales financiers dévoilés ne l'auraient pas été sans ce contexte de lutte de pouvoir souterraine en action dans le pays. Les protagonistes dans cette lutte de pouvoir ne sont pas sans savoir ce que pensent les citoyens de ces «opérations mains propres» lancées dans le pays à chaque fois que l'écho de frictions politiques au sommet leur parvient et capte leur attention. Il est possible que cette fois pour leur donner le change, ils ont opté pour le renforcement de la fiction du déclenchement d'une véritable lutte contre la corruption dont la réelle motivation ne se limite pas à des enjeux claniques mais vise à l'éradication du phénomène. Ils ont peut-être pensé que la réactivation de l'organe national de prévention et de lutte contre la corruption constitue le message en mesure d'entretenir cette fiction. En soi, la création de cet organisme est une initiative que l'on ne peut qu'approuver. Au moins théoriquement l'Algérie démontre ce faisant qu'elle est respectueuse du contenu et des clauses de la convention des Nations unies pour la lutte contre la corruption. Il reste à savoir si cet organe ne va pas se réduire à n'être que de la «poudre de perlimpinpin». Ce que fut la destinée d'autres organes et observatoires créés eux aussi pour censément contribuer à la lutte contre d'autres fléaux gangrenant le pays et ses institutions. Le décret l'ayant institué prévoit certes qu'il a, entre autres, autorité à rassembler des preuves et faire procéder à des enquêtes sur les faits de corruption. Lui donnera-t-on toutefois latitude de traquer ces faits de corruption à tous les niveaux de la pyramide étatique et sociétale? Ou le confinera-t-on à ne lever que des «lièvres» en se limitant aux «lampistes» comme le veut la règle qui préside aux «opérations anti-corruption» dont l'Algérie est récurremment le théâtre? L'exemple d'indépendance et de libre arbitre que cet organe peut donner serait qu'il reprenne et approfondisse les affaires scandaleuses qui ont éclaboussé Sonatrach, l'autoroute Est-Ouest et le secteur de la pêche.