Une ann�e d�j� ! Je n'ai plus la notion du temps… C‘est complexe, les douze mois semblent �tre vite pass�s… Pourtant !…. Parfois, il y a des jours qui me paraissent �tre une �ternit�…. C'est tous ces jours o� je me demande comment Mohamed vit sa d�tention… Il lui reste une ann�e ? Qu'est-ce que 24 mois dans la vie d'un homme !� C'est par ces mots, qui refl�tent ses sentiments quant � la d�tention de son fils, que la m�re de Mohamed Benchicou nous m�ne vers le salon de son modeste appartement situ� au 10�me �tage d'un des immeubles de la place du 1er-Mai. Quelques minutes auparavant, au seuil de la porte, nous venions de lui expliquer, presque timidement, la raison pour laquelle, en cette fin de matin�e de dimanche 12 juin, nous sommes venus interrompre la sieste de cette femme �g�e et malade. Nos excuses balbuti�es font esquisser un large sourire sur le visage de cette femme de 71 ans au regard fatigu� mais p�tillant, que la vie ne semble pas avoir �pargn�e et qui nous invite � prendre place dans cette pi�ce du domicile parental de Mohamed Benchicou o� les policiers ont un jour d�barqu� pour le fouiller de fond en comble dans l'espoir d'y trouver �quelque chose� qui pourrait mettre le journaliste � l'ombre, et pour longtemps. Un souvenir que la m�re du directeur du journal Le Matin garde intact. �Ils �taient une dizaine, l'un d'entre eux, un officier, �tait assis l�, au m�me endroit o� vous �tes, il tentait de m'occuper, pendant que ses coll�gues qui accompagnaient Mohamed retournaient la maison… Ils n'ont rien trouv�…� Ses petits yeux d'un bleu limpide se voilent, elle d�tourne son regard pour fixer la porte d'entr�e du salon, grande ouverte. Son regard se fige sur un calendrier 2005 accroch� au mur du couloir. Il est illustr� par un portrait de Mohamed Benchicou arborant un sourire triomphant. Le journaliste a h�rit� de sa m�re le bleu des yeux. Un bleu que fait ressortir un peu plus la robe de la m�me couleur qu'elle porte avec une rare �l�gance en ce d�but d'apr�s-midi de juin. La vieille femme semble puiser son courage dans le regard de son fils. Elle revient impassible. Elle force le respect, en aucun cas la compassion. �Qu'ont-ils fait? Mohamed est en prison ! Et apr�s ! Ce n'est pas un criminel, un assassin ou un voleur, il n'a pas trahi son pays !� Un pays qu'elle aime par-dessus tout et qu'elle nous raconte � sa fa�on. A la fa�on de ces mamans qui briment leur instinct maternel pour encourager leur enfant dans le combat qu'il a choisi, et ce, quoi qu'il leur en co�te. Elle en est convaincue, son fils est en prison pour ses �crits et non pour une histoire de bons de caisse et cela lui suffit pour survivre � la d�tention arbitraire de son fils. �Eux-m�mes ont fini par l'admettre� dit-elle l'air victorieux avant de nous raconter l'intervention en direct de ce ministre de la R�publique qui, interrog� sur le cas de Benchicou, a reconnu que le journaliste est en prison �pour ce qu'il a �crit� Un aveu pour la m�re de Mohamed Benchicou. Elle interrompt son r�cit en s'excusant d'avoir �trop parl� de Mohamed� et de ne pas avoir demand� des nouvelles de ses confr�res. �Comment vont Hakim La�lam, Dilem, le directeur du Soir, Omar... ils ne donnent pas de nouvelles... et les autres ; ceux qui ont �t� condamn�s � la prison.� Elle ne nous donne pas le temps de r�pondre. Elle se met � implorer de tous ses vœux la volont� divine pour prot�ger les journalistes qui sont �dehors� et qui continuent � faire leur m�tier avec la m�me abn�gation. �Vous savez, m�me s'ils ne le manifestent pas, les gens vous respectent pour ce que vous faites. J'en ai pris conscience � chacune de mes visites � la prison. Personne ne rate l'occasion de me dire combien on respecte Mohamed. Tous disent que son emprisonnement est une injustice, et qu'il est en prison pour son livre.� Un ouvrage qu'elle nous raconte � sa mani�re, avec des mots simples. Comme elle nous racontera ses visites au parloir de la prison, les longues heures d'attente, avant d'entendre �dans le haut-parleur � les nom et pr�nom de son fils, avant de franchir �le long couloir�, avant de pouvoir �lui parler cinq minutes � travers une vitre�. Une �preuve que ses autres fils tentent de lui �pargner, mais que la vieille femme tenace �ent�t�e�, pour reprendre son fils Abdelkrim, surmonte. �Pour Mohamed.� �Vous savez, il m'arrive de me r�veiller la nuit, pour oublier que Mohamed qui n'a rien fait est en prison, je prie, je prie , je prie et j'invoque Dieu pour qu'il fasse justice. � Cela l'am�ne � nous conseiller de ne pas d�sesp�rer, de ne jamais baisser les bras parce que �quoi qu'ils fassent, ils ne sont pas �ternels et surtout parce qu'il y a une justice divine�. La m�re de Mohamed Benchicou commence � se sentir lasse, elle fait un effort pour qu'on ne s'en rende pas compte. On se retire pour laisser se reposer cette femme �g�e qui souffre de l'absence de son fils et qui puise dans sa foi en Dieu la force pour la supporter. Encore une ann�e ! Douze, c'est peut-�tre rien dans la vie d'un homme, mais c'est toute une vie dans celle de sa m�re. S. A.
ABDELLAH BENARBIA, SON AVOCAT "Mohamed a un moral d'acier" Entretien r�alis� par Sa�da Azzouz Le journaliste et directeur du journal Le Matin boucle en ce 14 juin une ann�e de d�tention. Douze mois sur les vingt-quatre auxquels il a �t� condamn� il y a un an par le tribunal d'El-Harrach viennent de s'�couler. Comment le prisonnier le plus c�l�bre de la maison d'arr�t d'El-Harrach les a-t-il v�cus ? La question nous l'avons pos�e � son avocat et ami, Me Abdellah Benarbia, qui, depuis son incarc�ration, lui rend visite presque chaque jour. Il ressort de ce petit entretien, que l'avocat a bien voulu nous accorder, que Mohamed Benchicou vit sa d�tention avec beaucoup de philosophie. Le Soir d'Alg�rie : Vous rendez r�guli�rement visite � Mohamed Benchicou. De vos diff�rents entretiens comment pensez-vous qu'il a g�r� ses 366 jours de d�tention, alors qu'il lui en reste autant � passer ? Abdellah Benarbia : Je peux vous assurer que M. Benchicou dispose actuellement d'un tr�s bon moral, pour ne pas dire d'un moral d'acier qui r�siste � toutes les �preuves, � l'exception de ses probl�mes de sant�. L. S. : Justement, comment arrive-t-il � vivre et � supporter sa maladie ? A. B. : Il faut savoir qu'avant son incarc�ration, il se soignait pour une arthrose cervicale, pour laquelle il �tait suivi par des sp�cialistes. Depuis son incarc�ration, les soins appropri�s ne lui sont plus administr�s. Cela, bien �videmment, se r�percute sur son �tat de sant�. Sa maladie se d�t�riore et menace s�rieusement de paralysie son bras droit. L. S. : Arrive-t-il � g�rer moralement cette menace ? A. B. : Malgr� son �tat de sant� d�ficient, faisant un travail sur lui-m�me et convaincu de son innocence, il arrive � se forger une raison qui lui permet de supporter les privations des libert�s. L. S. : Et comment vit-il son �loignement de sa famille ? A. B. : Il est �vident que pour tout d�tenu, l'absence de la famille p�se lourdement sur ses responsabilit�s familiales. Il lui arrive de les voir lors des visites � la prison, mais sans pour autant leur manifester un quelconque signe de d�couragement. L. S. : Et vis-�-vis de son m�tier ? Le fait de ne pas �crire ne lui manque-t-il pas ? A. B. : Vous �tes de la presse, vous �tes journalistes, vous connaissez bien Mohamed Benchicou, il ne sait rien faire d'autre que d'�tre un journaliste talentueux et parfois pol�miste. On en parle parfois, il avoue avoir travaill� sans haine, sans m�pris � l'�gard de quiconque. Son seul souci c'�tait de mettre son quotidien au service du citoyen et de la soci�t�. L. S. : Quand il n'est pas au tribunal que fait-il de ses journ�es et comment vit-il quotidiennement son incarc�ration ? A. B. : De par sa personnalit�, Mohamed Benchicou, pour nous, �ami Mohamed� pour ses cod�tenus, jouit de l'estime de tout le monde y compris les prisonniers. Cette entente entre co-pr�venus et le respect qu'il a lui-m�me du r�glement int�rieur de la prison font que sa d�tention se trouve quelque peu acceptable. J'avoue que la situation �tait tr�s difficile pour lui les tout premiers jours de son incarc�ration. Depuis, il s'est fait une raison et subit sa peine avec une certaine philosophie. Sinon, il passe �norm�ment de temps dans la biblioth�que de la prison, la lecture lui permet aussi de tenir le coup. L. S. : A-t-il une id�e sur la mobilisation que suscite son incarc�ration et les actions entreprises pour sa lib�ration ? Quel commentaire en fait-il ? A. B. : A travers ses avocats, sa famille, la presse quand il arrive � en avoir, il est au courant de la tournure qu'a pris sa situation pour �tre �minemment politique. Pour le reste, il ne fait aucun commentaire, il a purg� la moiti� de sa peine et dans douze mois il sera libre… L. S. : Pour reprendre son travail de journaliste ? Comme je vous l'ai dit, � part �crire Mohamed Benchicou ne sait rien faire d'autre, ceci par conviction politique et en conformit� avec son statut personnel. S.A.
KHALED BOURAYOU "On condamne le journaliste pas son �crit !" Ma�tre Khaled Bourayou est l'avocat de plusieurs titres de la presse ind�pendante. A ce titre, il a plaid� plusieurs affaires dites de diffamation et conna�t donc parfaitement la nature de l'acharnement contre la presse et les journalistes… Le Soir d'Alg�rie : Vous �tes l'avocat attitr� de la presse ind�pendante et, � ce titre, vous pouvez nous dresser un bref constat quant � la situation de la presse et de la libert� d'expression, aujourd'hui. Khaled Bourayou : La premi�re ann�e du deuxi�me mandat pr�sidentiel aura �t� une ann�e extr�mement dure pour la presse. Apr�s l'�t� chaud de 2003 et les derniers six mois pr�c�dant l'�lection pr�sidentielle, rappelez-vous de la vague d'arrestations des journalistes par la police judiciaire. L'ann�e en cours aura �t� l'aboutissement des proc�dures de m�me qu'elle voit la vague de sanctions et de proc�s des journalistes. Cela a commenc� avec le proc�s de Hafnaoui Ghoul. Rappelez-vous d'ailleurs les conditions de d�roulement de ce proc�s. Un correspondant qui se retrouve avec une dizaine de plaintes ! Certes, il est aujourd'hui en libert� et c'est une bonne chose. Pour lui comme pour nous. S'en est suivi le proc�s de Benchicou puis les derni�res condamnations � l'encontre du collectif r�dactionnel du Soir d'Alg�rie, notamment Fouad Boughanem, Hakim La�lam et Kamel Amarni. L. S : Parlons du cas Benchicou, justement. Outre l'emprisonnement, le pouvoir et ses relais tentent de l'humilier en maintenant qu'il ne se trouve pas en prison pour ses �crits, mais pour une sordide histoire de bons de caisse. K. B : Le cas Benchicou ? Il faut dire le proc�s Benchicou car il s'agit bien du proc�s d'un homme avant d'�tre celui d'une infraction. Une infraction du reste mont�e de toutes pi�ces. Cet homme qui est un journaliste a exprim�, comme tout autre journaliste, ses opinions et ses id�es. Le tort de ses id�es est le fait qu'il a critiqu� et combattu une forme de gouvernance. Certains ont trouv� cela de l'exc�s ; d'autres en ont profit� pour r�gler des comptes avec lui. Ceci dit, si Benchicou avait soutenu la ligne du pr�sident avec exc�s, il ne serait pas dans la situation qui est la sienne aujourd'hui. Il aurait fait entrer mille bons de caisse que personne n'aurait trouv� � redire. Il ne faut donc pas se leurrer. En Benchicou, c'est le journaliste qu'on a condamn� ; c'est le directeur d'un journal qu'on a mis en prison. Pour l'anecdote, il faut savoir que lors du proc�s de Ghoul, l'avocat de la wilaya avait soutenu, tenez-vous bien, que le correspondant n'est pas un journaliste. D'ailleurs cette tendance qui consiste � faire du journaliste un d�linquant de droit commun est consacr�e par la l�gislation actuelle. Le code p�nal et ses amendements de 2001 consid�rent que le d�lit de presse rel�ve du droit commun, attentatoire � l'ordre public et qu'il faut, par cons�quent, le sanctionner en tant que tel. C'est vous dire que c'est beaucoup plus la qualit� de journaliste qu'on sanctionne que la personne poursuivie. Il suffit d'�tre journaliste pour �tre sanctionn�. L. S. : Pourquoi � votre avis ? K. B. : De nos jours, le journaliste constitue un trouble � l'ordre public. Certains magistrats ont peur des pesanteurs politiques que comporte le d�lit de presse. M�me lorsqu'il apporte la preuve du fait diffamatoire, il est quand m�me sanctionn� ! Donc, on juge beaucoup plus le journaliste que son �crit. Autrefois, on connaissait le d�lit de faci�s, aujourd'hui on d�couvre celui d'�tre journaliste ! C'est un propos excessif peut-�tre mais c'est, h�las, la v�rit�. Les journalistes ont pay� un lourd tribut durant la p�riode du terrorisme, aujourd'hui ils continuent � payer pour leurs opinions. Ceci m'am�ne � dire que l'Alg�rie a r�gress�, je dirai � la fois d'une mani�re affligeante et dangereuse. Le Maroc conna�t aujourd'hui une ouverture vers la libert� d'expression au moment o� celle de l'Alg�rie se referme. Le pouvoir ne peut plus se pr�valoir de cet alibi de libert� d'expression en Alg�rie qui n'est malheureusement qu'une fa�ade. Comme il ne peut pas se faire une l�gitimit� sans les libert�s. Il est vrai que la l�gitimit� sort des urnes tous les cinq ans. Mais pour qu'elle soit entretenue, il importe fort de la concilier avec l'�coute, le respect de l'autre ainsi que d'admettre la critique. C'est � ces valeurs primordiales de l'homme, combien instructive pour nos gouvernants, qu'il faille d�sormais s'atteler. L .S : En la mati�re, l'Alg�rie a d�finitivement perdu toute cr�dibilit� et les pressions internationales sont l�. Apr�s les Am�ricains � deux reprises, c'est au tour du Parlement europ�en d'interpeller le pouvoir alg�rien � propos de la libert� de la presse et de l'emprisonnement des journalistes. K. B. : La mobilisation de la communaut� internationale contredit s�rieusement toute la volont� du pouvoir d'am�liorer l'image de l'Alg�rie � l'�tranger. Il n'y a pas meilleure vitrine � offrir que celle des libert�s et du droit. Mais encore, il ne peut pas y avoir un d�veloppement juste �quitable et �galitaire sans le respect de la libert� et des droits. C'est � ces conditions que nous pourrons esp�rer avoir, demain, une justice ind�pendante. Qui doit pr�server les libert�s et les droits. Or, telle qu'elle fonctionne aujourd'hui, notre justice reste en retrait. L. S. : Cela est-il possible pour une justice dont le premier magistrat, le chef de l'Etat en l'occurrence, avait publiquement trait� les journalistes de terroristes, de "tayabate el hammam", etc. ? K. B. : Je vous renvoie � la r�solution du dixi�me sommet de la francophonie sur la libert� de la presse. Bouteflika l'avait ratifi�e. Et en tant que chef d'Etat, il a engag� l'Alg�rie dans cette r�solution. Les dispositions de cette m�me r�solution sont-elles, pour autant, prises en charge en Alg�rie ? Je r�pondrai que non ! Non car le pays dispose d'un outil normatif qui sanctionne le journaliste au lieu de le prot�ger. Par exemple, le journaliste ne peut pas b�n�ficier de l'exception de v�rit�. Car il ne peut pas se pr�valoir de la bonne foi. Ces notions sont d'ailleurs �trang�res � la l�gislation alg�rienne. A cela s'ajoute un discours qui n'est pas de nature � pr�server la libert� d'expression. En conclusion, je peux dire que l'Alg�rie qui a toujours �t� une terre de libert� et d'hommes libres est un pays qui a pay� un lourd tribut � la libert�. Que nos gouvernants sachent qu'il n'y a pas d'avenir pour cette Alg�rie ni pour d'ailleurs ceux qui la gouvernent sans libert� et droit. Les d�fis de ce nouveau si�cle sont ceux des vertus de l'homme, de sa dignit� et de sa libert�. Entretien r�alis� par Kamel Amarni ROBERT MENARD (REPORTERS SANS FRONTIERES) "Une nouvelle campagne pour Benchicou" Le Soir d'Alg�rie: De quelle mani�re votre organisation compte-t-elle poursuivre la mobilisation pour la lib�ration de Benchicou qui, ce 14 juin, aura purg� une ann�e de prison? Robert M�nard : Nous lan�ons aujourd'hui m�me une nouvelle campagne pour sensibiliser le public fran�ais et �tranger � la situation de la libert� de la presse. Nous esp�rons qu'elle permettra de remettre l'Alg�rie sur le devant de l'actualit�. Nous avons �galement demand� des visas pour nous rendre en Alg�rie et nous attendons avec impatience la r�ponse du gouvernement. L. S. : Le Parlement europ�en vient de voter une r�solution pour la d�p�nalisation du d�lit de presse en Alg�rie. Quelle appr�ciation en portez-vous ? R. M. : C'est une tr�s bonne chose. C'est � notre connaissance la premi�re fois que le Parlement europ�en se prononce avec autant de force sur la situation de la presse en Alg�rie. Cela va obliger tous les diplomates europ�ens qui vont rencontrer des repr�sentants des autorit�s alg�riennes � aborder cette question. L'Union europ�enne doit renforcer sa pression sur Alger. Le gouvernement alg�rien a sign� un accord d'association avec Bruxelles qui impose un respect de la libert� d'expression. L. S. : De quelle fa�on votre organisation compte-t-elle accompagner cette r�solution? R. M. : Nous allons la diffuser massivement et en parler avec tous les diplomates que nous rencontrons. Nous allons �galement demander aux autorit�s des Etats membres de faire une d�marche similaire en direct avec l'Alg�rie, notamment au gouvernement fran�ais. S. A. I. BACHIR CHERIF HASSAN, DIRECTEUR DE "LA TRIBUNE" "Beaucoup de douleur � voir un journaliste en prison" Le Soir d'Alg�rie : Le directeur du Matin aura purg� le mardi 14 juin 2005 une ann�e d'emprisonnement. Une demande de mise en libert� provisoire introduite auparavant par ses avocats a �t� rejet�e, alors que son �tat de sant� serait pr�occupant… Bachir Cherif Hassan : On �prouve beaucoup de douleur � voir un journaliste en prison, davantage lorsqu'il est doubl� d'un intellectuel. Nous avons esp�r�, en relation avec la loi, qu'apr�s 12 mois de prison, la justice dans son ind�pendance puisse faire jouer tous les actes de recours. Il ne faut pas que le cas de notre confr�re Benchicou reste un acte de fixation politique. Et m�me les plaies ne sont pas toutes ferm�es, � la veille de la f�te de l'ind�pendance nationale et au moment o� les autorit�s �voquent la r�conciliation nationale, nous sommes persuad�s que le premier magistrat du pays, dans un acte de mansu�tude, puisse faire r�f�rence au cas Benchicou. L. S. : Le Parlement europ�en vient d'adopter une r�solution � travers laquelle il appelle � la d�p�nalisation du d�lit de presse en Alg�rie. Quelle appr�ciation en faites-vous ? B. C. H. : Je n'ai pas tous les �l�ments quant � l'esprit qui a pr�sid� au vote de cette r�solution, mais concernant son contenu, il va de soi qu'on ne peut qu'y souscrire. D'autant que la d�p�nalisation du d�lit de presse fait partie du combat de la profession, et ce, depuis la cr�ation de la presse ind�pendante. La revendication a �t� exprim�e en direction de tous les ex�cutifs qui se sont succ�d� depuis. Il est bien entendu que, journalistes que nous sommes, nous sommes toujours dispos�s � r�pondre aux convocations de la justice. Le journaliste est justiciable autant que n'importe quel autre citoyen. Evidemment, conform�ment aux lois de la R�publique, quand des actes de diffamation sont prouv�s, les pr�judices moraux caus�s doivent �tres r�par�s. Cela dit, le respect ultraformaliste des r�gles de d�ontologie et d'�thique professionnelles r�futeront de fait l'acte de p�nalisation du d�lit de presse. S. A. I.
Chronologie d'une incarc�ration • Interpellation de Benchicou � l'a�roport Mohamed Benchicou est arriv� en ao�t 2003 � Alger en provenance de Paris. Quand il se pr�sente au guichet de la police des fronti�res, le policier quitte son guichet et va pr�venir ses chefs. (Il le confirmera lui-m�me lors du proc�s). Des policiers en civil ordonnent � M. Benchicou de les suivre pour proc�der � une fouille au corps et de son porte-documents. Dans son porte-documents, ils trouvent des bons de caisse. Les policiers font des photocopies de ces bons et les rendent � M. Benchicou qu'ils laissent partir sans �tablir de proc�s-verbal, "avec sans doute le secret espoir de ne pas laisser de traces de ce qui s'apparente � une bavure". Le lendemain, M. Benchicou apprend par le quotidien EL Moudjahid qu'une plainte est d�pos�e contre lui par le minist�re des Finances pour transfert de capitaux. • D�menti de la Direction g�n�rale des douanes La Direction des douanes r�agit imm�diatement en adressant une lettre qu'elle a rendue publique au chef du gouvernement et aux services de s�curit� concern�s dans laquelle elle d�clare sans ambages qu'il n'y a pas de d�lit, selon la loi en vigueur en Alg�rie et selon le code des douanes. Mieux, l'institution douani�re d�clare que la police des fronti�res a outrepass� ses pr�rogatives en contr�lant M. Benchicou avant son arriv�e � la douane et que m�me dans le cas d'un d�lit, c'est � la douane de dresser un P-V et au Tr�sor de porter plainte. Malgr� cela, M. Benchicou est convoqu� au commissariat o� l'on tente en vain de lui faire signer un proc�s-verbal (P-V) � titre r�troactif (sanctionnant la fouille � l'a�roport quelques jours plus t�t). Son domicile et celui de sa m�re sont perquisitionn�s. Il est �galement convoqu� par le juge d'instruction qui le place sous contr�le judiciaire avec retrait du passeport et obligation de se pr�senter une fois par semaine au tribunal pour signer un registre de pr�sence, en vue de prouver qu'il n'a pas quitt� le territoire national. • Bataille de proc�dures et mobilisation des avocats Le proc�s est programm� pour le 14 juin 2004 apr�s avoir �t� pr�vu une premi�re fois pour le 31 mai de la m�me ann�e. Les avocats de la d�fense engagent une v�ritable bataille de proc�dures. Cette derni�re engag�e entre le collectif de la d�fense et la partie civile est soutenue, selon des observateurs, "par un parti-pris flagrant de la pr�sidente de la cour et du procureur g�n�ral". Les avis divergeaient, en effet, sur la constitution du minist�re des Finances comme partie civile. Se basant sur le code de proc�dure p�nale, la d�fense a affirm� que "l'institution concern�e ne peut pas prendre part au proc�s pour la simple raison que l'amende pr�vue par les textes de loi rev�t un caract�re p�nal qui va alimenter le Tr�sor public". Chose qui a pouss� Me Benarbia � relever que "le minist�re des Finances est automatiquement disqualifi� puisqu'il ne peut pas demander plus que ne pr�voit la r�glementation en la mati�re". Concernant l'arrestation de M. Benchicou � l'a�roport Houari-Boumediene, les policiers, au nombre de quatre, convoqu�s pour apporter la version des faits, ont tous signal� qu'ils avaient agi dans un cadre de contr�le routinier et non pas sur instruction du ministre de l'Int�rieur. Ces policiers ont ni� m�me le fait de "conna�tre physiquement M. Benchicou". • Arr�t� en pleine audience L'instruction du dossier a �t� d�clar�e achev�e en octobre 2003 mais le proc�s n'est fix� qu'au 31 mai 2004 puis renvoy� au 14 juin. Date � laquelle M. Benchicou a �t� condamn� � deux ann�es de prison ferme et 200 000 euros d'amende avec mandat de d�p�t � l'audience lors d'un simulacre de proc�s. Le procureur de la R�publique avait requis une peine de 5 ann�es de prison ferme accompagn�e de mandat de d�p�t. Les observateurs sont unanimes : "C'est le couronnement de la cabale juridico-polici�re foment�e par le ministre de l'Int�rieur. L'annonce du verdict avait �galement choqu� toutes les personnes pr�sentes � l'audience, � savoir les citoyens, journalistes, familles, victimes du terrorisme et avocats ont r�pliqu� par des slogans hostiles au pouvoir : "Pouvoir assassin!", "Etat terroriste!", "Justice aux ordres!", "Madani Mezrag honor�, Benchicou en prison!". Face � la col�re des pr�sents qui devenait ing�rable, la pr�sidente de la cour quitte les lieux, alors que le pr�venu encercl� par les policiers adresse un dernier regard � l'assistance, levant la main et les doigts en V de la victoire. L'image est bouleversante. Troubl�e, Mme Zouani, la m�re d'Amel, assassin�e � Sidi-Moussa par les acolytes de Antar Zouabri, "�mir" du GIA, s'�vanouit. Les fr�res du directeur du Matin n'arrivent pas � contenir leur col�re s'en prenant aux magistrats. • Les avocats constern�s, le d�but de la mobilisation Me Za�di, un des avocats du collectif de la d�fense de Mohamed Benchicou, ne m�che pas ses mots pour signaler que "le verdict est dict� par le pr�sident Bouteflika et son ministre de l'Int�rieur, Zerhouni". Le fait �tait pr�visible : quelques minutes avant le retour de la pr�sidente de la cour des d�lib�rations, les policiers en civil ont �t� instruits d'occuper les travers de la salle d'audience afin d'�viter tout d�bordement lorsque le verdict sera prononc�. Les pr�sents ne doutent point : "Benchicou va �tre emprisonn�." Le pressentiment ne tardera pas � se confirmer. Le pr�texte id�al, pour reprendre les d�clarations du collectif de la d�fense, est trouv� par les instigateurs du cercle pr�sidentiel pour �crouer le journaliste. Pourtant, l'accusation "de port de bons d'�pargne lors des d�placements de personnes � l'�tranger ne constitue nullement une infraction � la r�glementation des changes", ont expliqu� les avocats du pr�venu. A rappeler que pas moins de huit robes noires se sont succ�d� � la barre pour affirmer, documents, dispositions l�gales et notes du r�glement int�rieur de la Banque d'Alg�rie � l'appui, que les faits reproch�s � M. Benchicou "sont tous frapp�s de nullit�". La raison �voqu�e : les bons d'�pargne ne sont pas n�gociables � l'�tranger puisque l'argent dont il est fait mention se trouve en Alg�rie. Me Benarbia indiquera � ce propos "qu'un tel d�lit peut �tre constat� si l'argent transf�r� � l'ext�rieur du pays servait � financer une activit� commerciale ou �conomique. Chose qui est loin de ressembler au cas de M. Benchicou". • Mise sous scell�s du journal "Le Matin" Une semaine apr�s l'incarc�ration de Mohamed Benchicou, un huissier de justice se pr�sente au si�ge du journal pour demander l'�vacuation des lieux et les mettre sous scell�s. L'huissier de justice entame sa proc�dure suite � une ordonnance du 15 juin par le pr�sident du tribunal sur requ�te de la Direction des imp�ts de Sidi-M'hamed. Face � ce harc�lement, l'avocat charg� de cette affaire, Me Messaoud, dira : "Nous ferons tout ce qui est en notre pouvoir pour �viter la vente aux ench�res de l'immeuble." Une vente pr�vue le 26 juin, alors que les trois tentatives pr�c�dentes (3 avril, 8 mai et 29 mai) de la vente du local de Hussein-Dey ont �chou�, faute d'acheteurs. La chambre administrative statuera sur cette affaire le 30 juin, soit quatre jours apr�s la mise en vente aux ench�res. Par ailleurs, dans la m�me journ�e d'hier, il a �t� notifi� � l'entreprise le refus des imp�ts d'�tablir un �ch�ancier pour le paiement des 50 % restants de la somme exig�e dans le cadre du redressement fiscal. • La soci�t� civile s'implique A l'initiative du collectif du journal Le Matin un premier rassemblement s'est tenu le lundi 5 juillet 2004 � la place de la Libert�-de-la-Presse � la rue Hassiba-Ben-Bouali � Alger. Un appel auquel ont r�pondu des journalistes de la presse priv�e et publique, des �diteurs, des avocats, des organisations de femmes, des associations de jeunes, les repr�sentants des syndicats autonomes, des partis politiques, d'anciens ministres et aussi beaucoup d'anciens moudjahidine. Tous ont tenu � l'occasion de la f�te de l'Ind�pendance � manifester leur attachement � la libert� d'expression, un droit constitutionnel. Le m�me rassemblement, ayant eu lieu lundi � Paris, a eu un succ�s qui d�passait les pr�visions les plus optimistes des organisateurs. Politiquement, cela a �t� un succ�s. Le maire de Paris, Bertrand Delano�, a non seulement autoris� le rassemblement sur la place de l'H�tel de ville, mis � la disposition des organisateurs une tribune et une sono, mais a manifest� sans ambigu�t� son soutien et sa solidarit� avec la presse et les journalistes alg�riens. Parall�lement, le Comit� pour la lib�ration de Benchicou voit le jour. Plusieurs actions et autres protestations de mobilisation sont entreprises pour exiger la lib�ration du journaliste et directeur du journal Le Matin. Abder Bettache AIDAN WHITE (FEDERATION INTERNATIONALE DES JOURNALISTES) "Les autorit�s alg�riennes devront s'expliquer" Le Soir d'Alg�rie : La mobilisation internationale pour la lib�ration de la consoeur Florence Aubenas et de son guide Hussein a port� ses fruits. Ils viennent d'�tre lib�r�s, apr�s de longs mois de captivit�. En revanche, cette mobilisation semble inefficace face � l'attitude de gouvernements liberticides qui poursuivent de maintenir des journalistes en prison. Le journaliste alg�rien Mohamed Benchicou aura boucl� ce 14 juin 2005 une ann�e d'emprisonnement ferme. Aidan White : La lib�ration de Florence Aubenas t�moigne de l'impact d'une mobilisation internationale et d'une prise de conscience de chacun sur l'importance du travail des journalistes. Le cas de Mohamed Benchicou a sans doute �t� moins visible, les circonstances li�es � sa d�tention �tant diff�rentes. D'une part, l'Irak a capt� l'attention d'une grande partie de la communaut� internationale, et Florence Aubenas et son guide sont devenus des symboles pour l'ensemble des journalistes emprisonn�s dans des conditions iniques et d�testables. Nous avons appris qu'il fallait prot�ger les journalistes, pas seulement des kidnappings, mais aussi des pressions insidieuses et indirectes dont certains gouvernements �taient capables. Mohamed Benchicou est la victime d'un syst�me judiciaire d�voy�, alors que le gouvernement d�tourne la loi pour mieux censurer des professionnels de la presse. Il est clair que la mobilisation ne fera que grandir apr�s le premier anniversaire de sa d�tention, que l'ensemble de la communaut� internationale va condamner ce 14 juin 2005. L. S. : De quelle mani�re votre organisation compte poursuivre la mobilisation pour la lib�ration de Benchicou? Aidan White : La mobilisation pour Mohamed Benchicou s'amplifie et nous comptons nous engager de fa�on ferme et d�cisive pour transformer l'affaire Benchicou en un symbole pour tous les journalistes injustement emprisonn�s, menac�s ou harcel�s par des gouvernements qui ont perdu la notion d'int�r�t public et d�voy� les fondements du syst�me d�mocratique. La FIJ va appeler l'ensemble des syndicats et associations professionnels de journalistes dans le monde � �crire au gouvernement alg�rien pour demander la lib�ration de Mohamed Benchicou. Ils alerteront �galement leurs autorit�s nationales. Nous continuerons �galement de travailler avec les institutions europ�ennes, notamment pour que ces questions fondamentales de la libert� d'expression et des droits de l'Homme soient au cœur du partenariat euro-m�diterran�en. Le Conseil europ�en devra notamment donner suite � la r�solution du Parlement europ�en adopt�e le 8 juin dernier. L. S. : Le Parlement europ�en vient de voter une r�solution pour la d�p�nalisation du d�lit de presse en Alg�rie. Quelle appr�ciation en portez-vous? Aidan White : La r�solution du Parlement europ�en apporte un soutien essentiel � la campagne internationale men�e par une pluralit� d'acteurs politiques, syndicaux et associatifs, qui demandent la lib�ration imm�diate de Mohamed Benchicou. Le Parlement europ�en apporte une cr�dibilit� et un poids suppl�mentaires � ces appels, qui vont s'amplifier. Les autorit�s alg�riennes devront s'expliquer. L. S. : De quelle fa�on votre organisation compte-t-elle accompagner cette r�solution? Aidan White : La F�d�ration internationale des journalistes organisera demain, 14 juin, une conf�rence de presse pour d�noncer la d�tention de Mohamed Benchicou. Mme H�l�ne Flautre, pr�sidente de la sous-commission du Parlement europ�en pour les droits de l'Homme, assistera d'ailleurs � l'�v�nement. Nous allons r�solument soutenir les conclusions de cette r�solution et demander � la Commission europ�enne et au Conseil europ�en de prendre position. Encore une fois, les autorit�s alg�riennes devront s'expliquer, ne serait-ce que dans le cadre de la mise en œuvre de l'accord d'association avec l'Union europ�enne. S. A. I. ALI DJERRI, P-DG D' "EL KHABAR" "Chacun assumera ses responsabilit�s devant l'histoire" Le Soir d'Alg�rie : Le directeur du Matin aura purg� le mardi 14 juin 2005 une ann�e d'emprisonnement. Une demande de mise en libert� provisoire introduite auparavant par ses avocats a �t� rejet�e, alors que son �tat de sant� serait pr�occupant… Ali Djerri : On est pein� par le fait que notre confr�re Mohamed Benchicou soit toujours maintenu en prison. On n'en serait pas � la comm�moration, ce 14 juin, d'une ann�e de prison si le pouvoir n'avait pas choisi de recourir � la coercition � l'encontre de notre confr�re. S'il me rassure que Benchicou tienne le coup et poursuive d'assumer son engagement, je dois en revanche faire remarquer que la solidarit� � son endroit n'a pas �t� ce qu'elle devrait �tre. A mon sens, on n'a pas fait ce qu'il fallait faire. A la riposte organis�e au lendemain de son incarc�ration a manqu� le cadre solidaire � m�me de la structurer efficacement et durablement. Cependant, je ne condamne personne. Chacun appr�ciait la situation � sa mani�re. Il restera que chacun assumera ses responsabilit�s devant l'histoire. Pour continuer � croire que Benchicou a �t� jug� et condamn� pour ses �crits, je r�it�re ma demande pour sa lib�ration. L. S. : Le Parlement europ�en vient d'adopter une r�solution � travers laquelle il appelle � la d�p�nalisation du d�lit de presse en Alg�rie. Quelle appr�ciation en faites-vous ? A. D. : L'on ne peut que s'en r�jouir. Depuis le temps que l'on tire la sonnette d'alarme sur la situation de la presse alg�rienne, sur les dangers encourus par les m�dias et les journalistes alg�riens, il �tait temps que pareille r�solution intervienne. La d�p�nalisation du d�lit de presse est une exigence. Le journaliste ne doit pas aller en prison pour ses �crits, quelles que soient son appartenance et sa conviction politiques. Benchicou en prison, c'est une honte pour l'Alg�rie de 2005. Le prix Benchicou pour la plume libre est une excellente initiative. Cette derni�re s'appr�cie comme l'expression d'une position, d'un engagement… Par ailleurs, je m'entends d�j� r�torquer sur la responsabilit� des journalistes, eh bien je dirais simplement que la notion n'aura de sens que dans un environnement de r�elle libert� de d�mocratie. La r�solution du Parlement europ�en, qui se justifie par les clauses contractuelles de l'accord d'association avec l'Union europ�enne, participera � coup s�r au renforcement de la libert� de la presse… des libert�s en g�n�ral. S. A. I. ABDERRAHMANE MAHMOUDI, DIRECTEUR DU "JOUR D'ALGERIE" "C'est le moment id�al pour envisager une lib�ration" Le Soir d'Alg�rie : Le directeur du Matin aura purg� le mardi 14 juin 2005 une ann�e d'emprisonnement. Une demande de mise en libert� provisoire introduite auparavant par ses avocats a �t� rejet�e, alors que son �tat de sant� serait pr�occupant… Abderrahmane Mahmoudi : Je pense qu'une ann�e d'emprisonnement est le moment psychologique id�al pour envisager la lib�ration d'un journaliste qui n'a pas commis de d�lit imprescriptible. L'on sait, dans le cas de Mohamed Benchicou, l'amalgame entretenu autour du motif de l'incarc�ration, et, � propos, le doute peut b�n�ficier � sa lib�ration. Cela dit, pour un journaliste, un directeur d'un journal, une ann�e de prison est excessive. Une meilleure appr�ciation de sa situation pourrait permettre aujourd'hui de pr�tendre � d�tendre l'atmosph�re. On a beaucoup de peine de voir un confr�re, un ami en prison. On souhaite sa lib�ration. On n'en a pas cess� d'appeler, au demeurant. Une incarc�ration qui d�passerait cette p�riode est inacceptable. L. S. : Le Parlement europ�en vient d'adopter une r�solution � travers laquelle il appelle � la d�p�nalisation du d�lit de presse en Alg�rie. Quelle appr�ciation en faites-vous ? A. M. : Il est �vident qu'on ne peut qu'applaudir � cette r�solution. D'autant qu'il n'est pas exclu que la p�nalisation du d�lit de presse en Alg�rie ait ob�i � une crainte que proc�d� d'une volont� de l�gif�rer. Les autorit�s ont pens� � mettre en place des garde-fous ; mais cela a �rig� une barri�re d'incompr�hension entre des segments de la soci�t� qui doivent normalement se compl�ter. Les journalistes ne sont tout de m�me pas des gens qui se transforment en criminels. C'est seulement le m�tier qui veut que l'on soit amen� � d�noncer des situations peu orthodoxes. Cela peut causer des probl�mes, entra�ner des dommages collat�raux. Mais toujours est-il ce n'est pas en mettant les journalistes en prison qu'on r�glerait le probl�me. On ne gu�rit pas un mal par un mal plus grand. Il aurait �t� plus intelligent pour les autorit�s alg�riennes d'envisager un code de l'information plus convivial, et ce, dans l'int�r�t de tout le monde, la profession, les institutions et la soci�t� en g�n�ral. Ce qui est dramatique, cependant, est qu'on se retrouve � �noncer des lapalissades, un journaliste, un directeur de journal en libert� plut�t qu'en prison, un code de l'information plut�t qu'un code p�nal. Cela d�montre l'�tendue du d�calage, l'immensit� du retard que l'on accuse par rapport � d'autres soci�t�s. S.A.I.
Mme HADDA HAZZAM, DIRECTRICE D' "AL FEDJR" "Cela n'honore pas l'Alg�rie" Le Soir d'Alg�rie : Le directeur du Matinaura purg� le mardi 14 juin 2005 une ann�e d'emprisonnement. Une demande de mise en libert� provisoire introduite auparavant par ses avocats a �t� rejet�e, alors que son �tat de sant� serait pr�occupant… Hadda Hazzam : On s'attendait � ce qu'il soit lib�r� avant qu'il n'ait pass� 12 mois en prison. Nous pensions alors que le pouvoir allait faire preuve d'intelligence et agisse dans le sens de l'apaisement de sa relation avec la presse. H�las, on est forc� de constater tout le contraire. Cela n'honore pas l'Alg�rie qui, en maintenant Benchicou en prison, se retrouve � subir les pressions de l'�tranger, de la communaut� europ�enne, notamment. L'�tat de sant� de Benchicou est pr�occupant. Une raison suppl�mentaire pour le remettre en libert�. L'emprisonnement de Benchicou et la fermeture de son journal Le matin sont une perte pour la pluralit� m�diatique. C'�tait important d'avoir Benchicou, que l'on aime ou n'aime pas ce qu'il �crivait. Le pouvoir a-t-il r�solu les probl�mes de l'Alg�rie en mettant Benchicou en prison ? Evidemment que non. L. S. : Le Parlement europ�en vient d'adopter une r�solution � travers laquelle il appelle � la d�p�nalisation du d�lit de presse en Alg�rie. Quelle appr�ciation en faites-vous ? H. H. : On est pour la d�p�nalisation du d�lit de presse. �a a toujours �t� notre revendication. La r�solution du Parlement europ�en nous renvoie � cette r�alit� qui veut que le monde nous observe. Cela dit, il convient d'appuyer cette r�solution. Ceci m�me si franchement je la trouve r�ductrice dans son �num�ration des titres de la presse alg�rienne harcel�s par le pouvoir, en faisant l'impasse sur la presse d'expression arabophone. Faut-il dire que la presse arabophone, du moins certains titres � l'exemple d' El Fedjr et El Khabar, subit autant le harc�lement. La r�solution du Parlement europ�en signifie pour nous, par ailleurs, que le combat men� pour la lib�ration de Benchicou et la d�p�nalisation du d�lit de presse n'est pas rest� vain.