Coinc�e entre le central t�l�phonique et une caserne, la station urbaine A�ssat-Idir est pratiquement vide en cette fin de matin�e du 31 ao�t. �Bachdjarrah rahou rayeh, Bab-Ezzouar mazal pla�a�, les receveurs ne se permettent aucun r�pit. Les places sont vendues � la cri�e. Midi, le chauffeur d�un bus � destination de Bachdjarrah accorde encore quelques minutes � une jeune mendiante enti�rement voil�e qui esp�re r�colter quelques pi�ces. �Aya dimarri�, lance le jeune receveur au chauffeur tout en refermant � la main une porti�re automatique. Le bus, un Sonacome de 10 ans d��ge, s��branle et prend la direction de la Moutonni�re. Toutes les places assises sont occup�es mais trois jeunes filles sont oblig�es de se tenir debout dans le couloir. La courtoisie est quasiment inexistante dans les transports en commun alg�rois. Lafarge, Cit� Amirouche, Brossette, H�pital Parnet, Cit� Maya, Lotissement Michel et enfin Bachdjarrah : le trajet dure pr�s d�une demi-heure. Compter cependant le double durant les heures de pointe. Bien que r�cente, la station de bus de Bachdjarrah ne donne vraiment pas envie de trop s�y attarder. L�aire de stationnement est jonch�e de d�tritus en tous genres et de flaques d�huiles de vidange sont visibles � certains endroits. C�est que les autorit�s de cette commune ont toujours eu des difficult�s � g�rer le secteur du transport urbain. L�ancienne station, qui �tait install�e au beau milieu d�une cit�, en plein �centre-ville� de Bachdjarrah, a caus� de multiples d�sagr�ments aux riverains. �Les v�hicules d�butaient leurs activit�s tr�s t�t le matin et nous emp�chaient de dormir. Le pire est que des ann�es durant, nous avons �t� oblig�s de supporter bagarres et injures � proximit� de nos domiciles�, se rappelle l�un d�eux. Il aura fallu une v�ritable �Intifadha� pour que cette station soit �d�localis�e� � la sortie de l�agglom�ration. �Avanci l�arri�le!� Si le trajet de la place du 1er-Mai s�est d�roul� dans des conditions acceptables, il en sera tout autre pour les quelque kilom�tres qui s�parent Bachdjarrah d�El Harrach. Il a d�abord fallu jouer des coudes pour entrer et trouver une place assise dans le minibus. Cens� �tre con�u pour une trentaine de places, celui-ci en contenait le double. �Avanci l�arri�le!�, peste le receveur contre un homme �g�. �O� veux-tu que je me mette, khlass, ya plus de place. Ou bien veux-tu que je me colle � cette dame !�, lui r�pond l�homme en se jetant contre une femme corpulente. �Bon l�hadj, c�est simple, avanci l�arri�re ou alors barra !�, poursuit le receveur en faisant cliqueter nerveusement des pi�ces de monnaie dans la main. Vex�, le vieil homme saute du bus et va s�adosser contre un mur. Le receveur fait mine de ne pas le voir puis donne l�ordre au chauffeur de d�marrer. Un conseil � ceux qui prennent un minibus alg�rois pour la premi�re fois : l�insolence et le m�pris sont des marques de professionnalisme que s�imposent nombre de receveurs ! Touchant presque le sol, notre bus prend la direction d�El- Harrach. Le v�hicule bond� passe sans encombres un barrage de la police. En fait, la r�glementation n�est respect�e que lorsque des gendarmes ou des motards de la police sont signal�s dans les parages, ce qui n�est g�n�ralement pas le cas de ce tron�on. Entass� dans l��troit couloir, les passagers prennent leur mal en patience. On s�agrippe o� l�on peut pour �viter de tomber � la moindre acc�l�ration ou � un �ventuel coup de frein. Les gens sont silencieux, comme sur leur garde pour �viter les mains baladeuses d�un pickpocket. Soudain, un t�l�phone sonne. �Oui khouya, �a va� OK comme d�habitude, j�ai le dossier jaune avec moi. Rendez-vous devant le port� Aya saha��, dit � haute voix un passager aux faux airs d�homme d�affaires. Il descend au premier arr�t, celui du march� de Bachdjarrah. D�ailleurs le bus se vide presque � ce niveau. L�air devient enfin respirable. Djenane-Mabrouk, Lingri (l�engrais ?), puis la gare ferroviaire d�El Harrach. Terminus tout le monde descend. Pas de station urbaine dans cette partie du mythique quartier d�El Harrach, les bus sont stationn�s dans d��troites ruelles. Peut-�tre que les riverains n�ont pas encore d�cid� de d�clencher une intifadha? Notre p�riple se poursuit. Semmar Direction Gu�-de-Constantine, Djasr Kassentina pour l�administration ou Semar pour les intimes. Le bus, de construction indienne, est neuf et propre. Le receveur sympathique, (l�exception qui confirme la r�gle). Apr�s une petite dizaine de minutes d�attente, le v�hicule s��branle et prend le pont qui enjambe la voie ferr�e. V�ritable coupe-gorge durant les ann�es de terrorisme, la route qui m�ne � Baraki passe par les quartiers de la Prised�eau et de Boubsila. Il faut reconna�tre que durant cette p�riode, les transports priv�s, avec leur fameux J5 et J9, �taient les seuls � s�aventurer dans ces lieux dangereux. Un bidonville, ras� en 2002, a aujourd�hui laiss� place � une �cit� de cabines sahariennes occup�es par des sinistr�s du s�isme du 21 mai 2003. En l�espace de quelques centaines de m�tres, le paysage change totalement. Sur la droite, la Sonelgaz occupe une immense colline. La soci�t� nationale d��lectricit� a m�me install� une station-service pour les v�hicules roulant au gaz naturel carburant (GNC). Pr�cision : tr�s peu de v�hicules dans la capitale, 150 tout au plus, utilisent cette �nergie �conomique et non polluante. Notre bus marque un arr�t avant la station principale. Une correspondance par la cit� Hayet et A�n Na�dja est obligatoire pour rejoindre Birkhadem, notre prochaine �tape. �Le Fleuriste�, passage oblig� pour notre p�riple, est un arr�t de bus qui doit son nom � un vendeur de fleurs. On y attend le bus en regardant l�artisan d�corer la grosse berline d�une mari�e. Trois v�hicules archipleins passent sans m�me s�arr�ter. Rallier Birkhadem risque d��tre une v�ritable aventure. Un bus totalement vide s�arr�te soudain. Une aubaine. Le chauffeur, un petit malin, a �zapp� la station pour �viter d�attendre son tour. Il est oblig� de conduire � la �Mad Max� pour �viter de se faire prendre par ses confr�res. Les propri�taires de v�hicules de transport en commun, acquis dans la majorit� des cas dans le cadre de l�Ansej, font face � de s�rieux probl�mes financiers. Toutes les ruses sont bonnes pour doubler les copains et amasser ainsi le maximum d�argent. �Il faut savoir que 80% des transporteurs n�ont pas encore rembours� leur pr�t. Ce secteur d�activit� n�est pas aussi rentable qu�on peut le croire. En tout cas, il ne l�est plus depuis que les lignes sont surcharg�es. Tr�s peu de transporteurs peuvent se targuer de faire des b�n�fices nets de 3000 DA par jour�, pr�cise � ce titre un professionnel du transport en commun. La quinzaine de kilom�tres qui nous s�pare de Birkhadem est consomm�e � vitesse grand V. Ben Aknoun sera notre avant-derni�re avant de redescendre vers le 1er-Mai. L�autoroute est toute proche, mais il faut faire un interminable d�tour � travers des quartiers r�sidentiels avant de rejoindre la voie rapide. Une situation incompr�hensible ! Pourtant un semblant d�organisation est visible au niveau de la station de Ben Aknoun. Etusa : le retour Mais comme partout ailleurs, les places sont l� aussi vendues � la cri�e et les bus ne d�marrent que surcharg�s. Les bus de l�Etusa, l�ex-RSTA sont �galement l�. C�est � bord de l�un d�entre eux que ce termine cette tourn�e dans la capitale. Dans un souci de red�ploiement, la soci�t� publique a acquis de nouveaux v�hicules aupr�s d�un constructeur belge. Dans un proche avenir, l�Etusa devrait retrouver sa place d�antan. Il est en effet inconcevable que le secteur du transport en commun soit totalement d�sorganis�. Mais qu�adviendra-t- il des milliers de chauffeurs et de receveurs qui travaillent dans le priv�? �Pr�s de 32 000 personnes activent dans ce secteur. Il faudra pr�voir une reconversion, sinon des milliers de familles se retrouveront sans ressources du jour au lendemain�, pr�cise un membre du syndicat des transporteurs priv�s. L�Etat n�a pas encore tranch� ce lourd dossier. Les minibus ont donc de beaux jours devant eux. Et les usagers dans tout cela. Eh bien rien, ils devront attendre encore longtemps pour esp�rer �tre transport�s dans des conditions d�centes. T. H. TRANSPORT EN COMMUN Oran, un exemple � suivre Dans la capitale de l�Ouest, les transporteurs et les pouvoirs publics semblent avoir pris conscience de l�importance de l�organisation du secteur des transports en commun. Oran est une ville o� l�on se d�place tr�s facilement d�un endroit � un autre sans avoir � subir de d�sagr�ments. En fait, Oran est la premi�re, pour ne pas dire la seule ville du pays � avoir appliqu� la circulaire 035 du minist�re des Transports datant de 2001. Cette circulaire d�termine les types de v�hicules pouvant circuler en zones urbaines et sub-urbaines. Dans le cas d�Oran, aucun autobus de moins de 35 places ne circule en ville�, pr�cise Mohamed Yousfi, repr�sentant des transporteurs oranais au sein de la SNTP. L�application de cette circulaire a �galement permis de mettre en place un syst�me de tranche horaire que chaque transporteur se doit de respecter. �Les bus ont tous un num�ro qui correspond � un ordre chronologique. Le bus num�ro 1 ne peut �tre d�pass� par le 2 et ainsi de suite. Cela nous a permis d��viter les courses-poursuites pour arriver le premier � la station urbaine�, poursuit notre interlocuteur. Pour arriver � cette situation, les transporteurs oranais ont d� organiser leur profession tout en instaurant un dialogue permanent avec les autorit�s locales. �On ne peut pas dire que tout marche � merveille, il existe encore des failles. Mais nous devons tout faire pour nous am�liorer. Il y va de l�avenir de notre profession et du bien-�tre des usagers�, note Mohamed Yousfi.