Etre arabe,c�est sous ce titre que para�t un livre d�entretiens entre Christophe Kantchef, journaliste � Politis, et deux intellectuels, le Syrien Farouk Mardam- Bey et le Palestinien Elias Sanbar (1). L�ouvrage montre, selon Kantchef, qu�il y a �plusieurs fa�ons d��tre arabe� et plusieurs mani�res �de vivre cette identit�, selon le lieu et les �poques. Aujourd�hui, malheureusement, dans le discours occidental, arabe est un mot p�jorativement connot� : il est synonyme de �terroriste�, �d�islamiste� quand plus g�n�ralement il ne renvoie pas au plan politique aux r�gimes despotiques et autoritaires du Moyen- Orient et du Maghreb ou quand ce m�me discours entretient volontairement l�amalgame entre Arabe et musulman. Sur ce plan, les deux auteurs, qui d�cryptent l�histoire du monde arabe, de la fin de la domination ottomane � nos jours, tentent de r�pondre sans d�tour aux interrogations que se pose un public occidental abreuv� de clich�s et d�id�es re�ues, sans faire l�impasse sur les d�rives autoritaires et despotiques des r�gimes arabes et sur les d�rives communautaristes et confessionnelles induites par l�intervention am�ricaine en Irak. La Palestine occupe bien �videmment une large place dans ce livre, surtout, comme le souligne Elias Sanbar, depuis que les Palestiniens sont devenus �visibles� et �audibles�. Si les deux intellectuels paraissent reprocher, � juste titre, le rejet de l�arabit�, int�rioris� par de nombreux intellectuels arabes au profit d�un repli identitaire et confessionnel, on peut leur objecter que cette appellation globalisante (��tre arabe�) s�appliquant de fa�on indiff�renci�e aux peuples du Proche-Orient et du Maghreb, nie de fait, par exemple, l�identit� plurielle des Alg�riens. Une identit� qui s�est construite dans une douleur sans commune mesure dans le monde arabe et musulman. Quant au sentiment national alg�rien, c�est � peine s�il est �voqu�. Par exemple, si les auteurs font r�f�rence au mouvement �Jeunes Tunisiens� par r�f�rence aux �Jeunes Turcs�, ils semblent ignorer l�existence au tout d�but du XXe si�cle du mouvement �Jeunes Alg�riens�, allant jusqu�� affirmer qu�en Alg�rie, �les premi�res manifestations d�un sentiment national s�culier sont extr�mement timor�es� ! Mieux, affirment-ils, ce qui inqui�tait la France coloniale au Maghreb, c��taient �les r�percussions que pourrait y avoir l��tablissement en Orient d�un Etat arabe ind�pendant�. Passons sur le fait qu�ils ignorent l�existence de l�Etoile nord-africaine n�e en 1924 au sein de l�immigration alg�rienne. Mais sous-estimer la dimension et le retentissement de la guerre de Lib�ration nationale alg�rienne dans le monde arabe et au-del� dans le Tiers-Monde pour ne se focaliser que sur l�impact du nationalisme nass�rien, laisse quelque peu le lecteur dubitatif. Or, la vraie question, non abord�e dans ce livre centr� en grande partie sur la crise isra�lo-arabe de 1948 � aujourd�hui, est de savoir pourquoi le Mouvement national alg�rien, qui s�est d�velopp� en parall�le avec le Mouvement de lib�ration arabe, n�a eu avec ce dernier que peu ou pas de rapports avant que Nasser n�acc�de au pouvoir. Et pourquoi, dans les documents fondamentaux du FLN ( Appel du 1er Novembre, congr�s de la Soummam et Charte de Tripoli), la lutte de Lib�ration nationale n��tait pas d�finie par r�f�rence � la nation arabe, terme peu ou pas cit� dans ces m�mes textes, mais par r�f�rence � la nation alg�rienne ! Cela �tant, on ne peut qu��tre d�accord avec Kantchef pour qui l�int�r�t de ce livre est de �sugg�rer quelques pistes� mettant �l�accent sur les d�mocrates arabes, plus nombreux qu�on ne le croit, aux prises dans leurs pays aussi bien avec les despotismes qu�avec les int�grismes, mais que l�Occident ne prend pas suffisamment au s�rieux�.