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Etre Arabe
Culture et identités
Publié dans El Watan le 26 - 12 - 2005

D'abord la question : comment être arabe ? Comment l'être en effet ? Le mal-être arabe semble plus aisé à définir. Depuis les attentats du 11 septembre, le regard sur le monde, l'individu arabe a changé.
Tous les raccourcis, nécessairement réducteurs, voire criminels quand ils sont utilisés sciemment à des fins politiciennes, mettent à mal les identités. Les amalgames arabe, islamiste, terroriste ne sont plus l'œuvre des extrémistes. Le livre d'entretiens d'Elias Sanbar et Farouk Markadam-Bey avec le journaliste Christophe Kantcheff , Actes Sud, est un joyau, un grand moment d'érudition et de bonheur. « Etre arabe ? Pas de méprise. Derrière ce titre, il n'y pas la moindre tentative d'essentialiser une identité pratique redevenue malheureusement fort prisée. Bien au contraire, il faut entendre par ce verbe « être », une présence au monde, l'expérience quotidienne, individuelle et collective, d'un certain nombre de traits communs et distinctifs, constituant ce que l'on nomme arabité, mais qui, comme toute expérience, est contraire au lois écrites dans le marbre », explique Christophe Kantcheff. Le défi tient du pari. Peut-on encore être arabe en ce début du XXIe siècle ? Que signifient exactement les mots « arabité », « arabisme », « nationalisme arabe » ? Comment les Arabes ont-ils réagi, tout au long des XIXe et XXe siècles, aux défis de la modernité occidentale ? Pourquoi la question palestinienne a-t-elle joué un rôle aussi déterminant dans leur histoire contemporaine ? A quand remonte le divorce qu'on constate partout entre gouvernants et gouvernés ? Quelles sont les chances réelles de la démocratie dans des pays où le despotisme et son ennemi complémentaire, l'islamisme radical, dominent la vie politique ? Qu'en est-il enfin, ici, en France, de la montée du communautarisme, de l'antisémitisme et de l'islamophobie ? « Les deux intellectuels arabes, l'un syrien, Farouk Markadam-Bey, l'autre palestinien, Elias Sanbar, répondent sans ambages à ces questions, bousculant au passage bien des idées reçues colportées aussi bien par les Occidentaux que par les Arabes eux-mêmes », note si justement l'éditeur. Et l'on apprend que toute facilité est au mieux une erreur, voire une faute. C'est un long travail de remise en cause des préjugés. La complexité est l'unique chemin vers la vérité. Les auteurs s'appuient sur le passé pour décortiquer le présent des plus incertains. Et tout le monde en prend pour son grade. Paradoxalement, l'unique dirigeant arabe qui trouve grâce aux yeux des deux intellectuels est Nasser, le raïs égyptien, malgré son autoritarisme. « Depuis près de quarante ans, le monde arabe est en crise. Après la guerre de 1967 et la mort de Nasser, le nationalisme arabe a volé en éclats pour laisser place à des nationalismes étriqués liés à des systèmes despotiques de type syrien ou irakien. Nous avons également assisté dans la région à un repli généralisé sur des bases confessionnelles et ethniques. Ces régimes dictatoriaux ont cherché à compenser leur manque de légitimité par un ancrage local. Du nationalisme arabe, ils n'ont gardé en héritage que le pire : le populisme, l'autoritarisme, la toute-puissance des services secrets et la bureaucratisation de l'économie », constate, avec beaucoup d'amertume, Farouk Mardam-Bey Pour les deux intellectuels, la démocratie représente l'unique espoir pour sortir de cette longue crise, ce tunnel sans fin de l'autoritarisme et de l'obscurantisme.
Etre arabe, par Farouk Mardam-Bey et Elias Sanbar, Actes Sud


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