�C�est d�j� un record�, indiquait la veille de ce sommet, Kofi Annan, le secr�taire g�n�ral de l�organisation onusienne, organisatrice de cette manifestation plan�taire. Quelques instants apr�s, Yoshio Utsumi, le S-G de l�Union internationale des t�l�communications, r�v�lait que ce SMSI avait �d�pass� toutes les pr�visions�. Proc�d� on ne peut plus diplomatique pour se faire excuser et par les participants et par les quelque 2000 journalistes qui ne cessent pas � ce premier jour du sommet d�affluer au Badying Center dont les guichets sont totalement pris d�assaut, chacun voulant rejoindre le palais d�exposition du Kram, lieu du sommet, o� les activit�s ont d�but� depuis lundi dernier. Cependant ni la fiert�, ni les formules charg�es de chiffres et de superlatifs, ni encore moins les satisfecit annonc�s par tel ou tel leader, ou enfin les critiques r�currentes de telle ONG (ou pseudo ONG) ne constituent des signes de r�ussite. Ce sont plut�t les d�cisions politiques prises, en vue de r�duire la fracture en mati�re de technologies nouvelles qui existe entre les pays industrialis�s et le reste du monde. Il est aussi exact que la pr�sence de plus de 25000 participants (les organisateurs s�attendaient � 17 000 participants) repr�sentant les soci�t�s civiles et le secteur priv� (entreprises �trang�res, ...) est en elle-m�me un gage de r�ussite puisque des dizaines de rencontres-d�bats, des centaines de conventions et des milliers d�entretiens traitant de la formation, de l�information et de l��ducation seront conclus par des contrats aussi divers que multiples. Dans cette perspective, plusieurs ateliers et conf�rences sur divers sujets touchant � la soci�t� de l�information et aux usages des nouvelles technologies ont eu lieu depuis lundi dernier (309 manifestations) au niveau de 29 salles toutes pleines � craquer. Visiblement d�j� tr�s satisfait, M. Utsumi, SG de l�UIT, pr�cise, lors d�une conf�rence de presse, que �le sommet de Tunis vise � renforcer la prise de conscience � l��chelle internationale quant � l�importance des technologies de l�information et de la communication et � d�gager un engagement mondial afin d��tablir une soci�t� plus �quitable en termes des technologies de l�information (...), cette phase du sommet est extr�mement importante notamment en ce qui concerne les solutions appropri�es aux questions de la gouvernance de l�internet et la r�duction de la fracture num�rique. Un accord pourrait bien avoir lieu aujourd�hui ou au plus tard demain�. Un engagement mondial, le mot est lanc� par M. Utsumi qui sait bien de quoi il parle car il s�agit l� du principal d�fi et de l�enjeu essentiel de ce sommet qui ne sera consid�r� comme une v�ritable r�ussite que si des d�cisions politiques seront prises en ce qui concerne la gouvernance de l�Internet, la formation des formateurs dans le domaine des ressources humaines, et surtout le financement pour r�duire la fracture num�rique et la mise en place de m�canismes de suivi de ces d�cisions. Cependant, il y a des situations fort r�v�latrices du retard consomm� par les gouvernements des pays du Sud. M�me s�ils sont conscients de l�importance fondamentale des technologies de l�information et de la communication (TIC), ils demeurent fig�s lorsque la question du financement est abord�e. Ainsi, lors des deux r�unions consacr�es au financement de la faille num�rique et la coop�ration Sud-Sud � le sujet �tant une des pi�ces ma�tresses du d�bat plan�taire sur le num�rique � les repr�sentants des pays en d�veloppement �taient compl�tement d�pass�s. Aucune pr�paration pr�alable, absence de coordination entre eux qui poursuivent pourtant les m�mes buts. Ni proposition de lobbying, ni initiative ambitieuse de ces gouvernements. Evidemment, cela faisait l�affaire tant des �donateurs� que de la Banque mondiale qui se suffisait � rappeler les outils classiques de soutien � la coop�ration Sud-Sud sans rien de plus. M. Francis Dubois, coordinateur des Nations unies � Tunis, se fera plus offensif que les gouvernements des pays du Sud en estimant que �la r�duction de la fracture num�rique est la grande question de ce sommet. Le partage des comp�tences, l��change des meilleures pratiques seront discut�s pour r�duire le foss� num�rique s�parant les pays riches et pauvres. Nous vivons dans un monde o� plus de la moiti� de la population mondiale poss�de des �quipements n�cessaires de communication � distance et notamment les ordinateurs et un nombre important de citoyens d�munis. Quand on sait qu�il y a 5 milliards de gens qui n�ont pas acc�s aux ordinateurs, il y a de quoi se poser des questions, ils sont sur ce plan handicap�s. Cette fracture num�rique ne peut �tre r�duite que par le r�le de chacun dans la soci�t�. C�est une responsabilit� collective...� Un sommet tripartite L�originalit� de ce sommet de Tunis repose sur un fonctionnement associant �troitement, pour la premi�re fois, Etat, secteur priv� et soci�t� civile dans son processus. Ce qui co�ncide parfaitement avec la notion m�me de la bonne gouvernance. En effet, cette derni�re comprend l�Etat, mais le transcende en englobant le secteur priv� et la soci�t� civile. Ces trois composantes sont essentielles pour un d�veloppement humain durable. L�Etat cr�e un environnement politique et juridique favorable. Le secteur priv� cr�e des emplois et produit des revenus. Enfin, la soci�t� civile facilite l�interaction politique et sociale incitant les groupes � participer aux activit�s �conomiques, sociales et politiques. La bonne gouvernance est l�exercice de l�autorit� publique au nom de la population de mani�re � respecter l�int�grit�, les droits et les besoins de tous au sein d�un Etat. Les relations de bonne gouvernance sont bas�es sur 2 valeurs universelles : l�inclusivit� et la responsabilisation. Si la premi�re est en relation avec la notion d��galit�, la deuxi�me est bas�e sur le savoir et l�information et donc sur la transparence des m�canismes de gouvernance. Il est admis mondialement qu�une presse libre, pluraliste, ind�pendante ne peut que conforter le savoir et l�information, et elle ne peut qu�agir dans le sens de la r�duction de la fracture num�rique. Le droit � la libert� d�opinion et d�expression est l�une des composantes du sommet de Tunis qui se fixe comme objectif de rendre la soci�t� de l�information accessible � tous et bas�e surtout sur le partage de la connaissance. L�int�r�t de ce sommet mondial est qu�il constitue un des lieux idoines o� m�rit la mondialisation et o� on peut politiquement rectifier les dysfonctionnements structurels. On parle beaucoup de �Internet citoyens�, mais de quels citoyens parle-t-on ? Quels acc�s y auront ceux qui ne savent ni lire ni �crire ? Comment y faire acc�der des soci�t�s humaines o� il n�existe pas l�infrastructure ad�quate ? Plusieurs pays mettent en place des �cartables �lectroniques� mais qu�est-ce que cela signifie pour la personne, pour celui qui survit dans des bidonvilles ? Qu�est-ce que ce projet signifie quand l��lectricit� est coup�e ? Que veut dire soci�t� de l�information pour ces villages du Tiers-Monde qui ne connaissent pas la lampe � p�trole ? Des ONG affirment que les pays du Sud peuvent faire un saut de g�ant en acc�dant en toute libert� � l�informatique, tout en oubliant de se pr�occuper de l�inexistence d�infrastructures et le poids de l�analphab�tisme. C�est � ce niveau qu�il est n�cessaire de faire jouer la carte de la solidarit� et qu�il faut situer le combat contre la fracture num�rique. Face � une pauvret� qui ne cesse de s�accro�tre dans plusieurs r�gions du monde, il est indispensable de communiquer. Et de pouvoir le faire volontairement et politiquement. A ce sommet de Tunis, il importe que les parties participantes et la soci�t� civile expriment le refus de voir des soci�t�s humaines rester les laiss�s-pour-compte d�une soci�t� en construction. Les milliers de sites qui se cr�ent constituent une gigantesque base de connaissances dans tous les domaines. Celle-ci s�impose de plus en plus, en particulier � l��cole et � l�universit�. C�est une question de d�mocratie comme de citoyennet� que les soci�t�s les plus pauvres soient pr�sentes au m�me titre que d�autres et soient sources de connaissance utile � tous. Le mouvement de production �conomique ne cesse de montrer qu�il n�est pas possible de b�tir une soci�t� sans le savoir et le savoir-faire d�une partie de la population qui revendique, � juste titre, d��tre prise en compte. De m�me, il n�est pas possible de b�tir une soci�t� plus juste sans les savoirs et savoir-faire de ceux qui connaissent ou ont connu la pauvret�. Faire en sorte que la soci�t� de l�information ne soit pas seulement l�apanage des riches mais un v�ritable outil au service de tous, permettant de partager, de croiser des savoirs et des savoir-faire � l��chelle plan�taire, de faire de ce croisement un outil du d�veloppement et de la lutte contre l�extr�me pauvret� parce que ceux qui la vivent sont pr�sents � une place qui respecte leur exp�rience, voil� l� le v�ritable d�fi qui se pose au sommet de Tunis. L�, on est au c�ur de ce que l�on peut entendre par d�mocratie et par droit de l�homme � l�information : le fait que des citoyens de tous horizons, au-del� de tous les clivages existants, mettent en commun en toute libert� leurs savoirs et leur savoir-faire pour affronter une question r�currente : comment en finir avec l�exclusion, la fracture num�rique et la mis�re intellectuelle � l��chelle des soci�t�s des nations ? Mais cette question ne semble point pr�occuper certaines organisations �accr�dit�es en tant qu�ONG� au sommet de Tunis et qui font une fixation extr�me sur le �r�gime tunisien�. D�tourner le d�bat, l��viter m�me, appara�t comme �tant leur credo. Pourquoi ? Pour qui roulent-elles ? Hier matin, lors de la s�ance inaugurale, le pr�sident tunisien Ben Ali a estim� qu�il fallait d�abord traiter �de la fracture du d�veloppement avant d��voquer la fracture num�rique�. C�est la quintessence du sommet de Tunis.