Le pouvoir use. Voil� un axiome politique rarement v�rifi� chez nous, jusqu�� r�cemment. Depuis son retour aux affaires, apr�s la parenth�se de son hospitalisation, Bouteflika semble donner des signes de lassitude. Avec moins d�allant que lors de ses pr�c�dentes ann�es et une �conomie �vidente dans les apparitions publiques, il met implicitement un b�mol � sa �boulimie� du culte m�diatique. Lui, qui par style, ne concevait son leadership qu�� travers l�exclusivit� de sa parole, renoncerait-il, apr�s 2500 jours de pouvoir, � cultiver sa propre geste h�ro�que et en laisser le soin aux griots de son entourage ? Il est vrai qu�un septennat (avril 99-avril 2006) laisse des stigmates durables chez celui qui a la charge, m�me celle d�une tribu paisible et sans histoires. Au bout d�une aussi longue travers�e, c�est le doute qui est au rendez-vous, lorsque les choses ne sont pas au mieux et que les promesses que l�on a faites tournent � la gal�jade aupr�s des administr�s. Le chef de l�Etat n�en est certes pas encore l�, cependant le temps lui est d�sormais scrupuleusement compt�. A peine ce qu�il faut � 36 mois � pour honorer quelques engagements de campagne afin de ne pas tout compromettre. L�immobilisme politique que l�on a voulu au d�part pr�senter comme une n�cessit� imp�rative pour comprendre l��tat de la nation s�est vite transform� en culture du pouvoir. Il y eut parmi les thurif�raires certains qui le justifi�rent par le besoin de �vacciner� le pays contre la r�currence du d�sordre. L�on conviendra que c��tait, l�, la moins recommandable des th�rapies d�mocratiques, sauf pour des gu�risseurs de soci�t�s qui auraient rem�des � tout. En somme, la potion magique du despotisme. Il suffit aujourd�hui de regarder autour de soi pour comprendre que la tourmente de ce pays est d�un tout autre ordre que celui du pass�. Les audits des sp�cialistes et les �clairages sur ces maux fournis par nos meilleurs universitaires abondent dans le m�me sens que le sentiment commun. Le pays va donc toujours mal et les fractures sociales se sont m�me compliqu�es, � la fois, par les effets psychologiques pervers d�une amnistie douteuse, tout autant que la persistance d�une pauvret� qui massifie durablement l�exclusion de millions d�Alg�riens. Telle est l��quation du malheur actuel de cette soci�t�. Deux ann�es apr�s une r�investiture (8 avril 2004) frapp�e du sceau tapageur de pl�biscite � Ah ! les 85% de voix �, Bouteflika n�est toujours pas parvenu � donner l��lan n�cessaire � ce grand �uvre salvateur, dont il se faisait fort d�accomplir. Il en est m�me rest� dans l�opacit� totale. C'est-�-dire que sa d�marche demeure fonci�rement inexplicable et ses options par trop h�sitantes. D�ficit de clart� dans l�expos� des motifs et recours � des artifices inavouables n�ont-ils pas constitu� les seuls commerces politiques qu�il laisse se d�velopper avec l�opinion ? Conclure, par cons�quent, que sa longue magistrature est d�j� un demi-�chec n�est pas excessif. R�trospectivement, l�on peut presque comprendre qu�il ait tergivers� et t�tonn� au cours de son premier mandat, mais il est difficile, depuis, de le suivre dans sa pr�sente posture, d�s l�instant o� il avait exig� en 2004 de pouvoirs moins brid�s pour gouverner. C�est quand m�me lui qui engagea son second mandat sur la base du plus �trange d�fi qu�aucun de ses pr�d�cesseurs n�eut � le faire vis-�-vis de sa propre charge. Celui de tenir parole sur tout, de faire ce qu�il dit et de dire ce qu�il a fait. Passant de �trois quarts� de pr�sident � un �pr�sident et demi�, il ne pouvait, au nom de cette pl�nitude des pr�rogatives, recourir aux subterfuges pour se d�fausser dans la difficult�. Reconduit, moins sur son bilan, dont lui-m�me s�accordait � dire qu�il ne fut pas � la hauteur de ses ambitions, le revoil�, deux ans plus tard, en butte avec les m�mes contradictions du pass�, sans possibilit� cette fois-ci de se d�douaner. Celles-l� m�mes qui ont estampill� le mandat initial et qui, aujourd�hui, polluent le second. Il s�agissait, au lendemain de sa victoire, de d�finir clairement l�orientation g�n�rale de sa pr�sidence au sens o� elle devait, cette fois-l�, �tre lisible jusqu�� l�engager sur un calendrier pr�cis de son quinquennat. D�positaire sans partage de la conduite de l�Etat, il �tait tenu de concr�tiser ce �pourquoi� il fut d�sign�. Souvenons-nous qu�il d�clina en campagne son cahier des charges, m�me s�il savait qu�il �tait irr�alisable dans sa totalit�. Un million de logements et deux millions d�emplois furent les deux mamelles de sa �tourn�e des popotes� dans les 48 wilayas, c'est-�- dire les deux piliers d�une d�magogie toujours � l��uvre. Tenu par cons�quent � la satisfaction de trop de promesses, il courait indiscutablement le risque de perdre, m�me l�estime imaginaire de la population, sans pouvoir invoquer les habituels �cueils. En 24 mois, ce sont pr�cis�ment les revendications sociales qui prirent les relais de �l�ancien d�sordre� et se multipli�rent. Les col�res citoyennes �galement font toujours parler d�elles ponctuellement sans qu�il sache comment y rem�dier, sauf par r�pression directe ou les tribunaux. Oubliant qu�il est dor�navant attendu sur ses actes apr�s qu�on lui eut accord� tous les quitus sur ses discours, Bouteflika II est pouss� vers la marge �troite, au fur et � mesure que l��ch�ance de 2009 se rapproche. A son tour, il doit se poser la question capitale que se sont pos�e avant lui bien des chefs d�Etat en panne : que faire d�un pouvoir apr�s l�avoir conquis ? Car, jusque-l�, la v�rit� sur sa magistrature n�est gu�re exaltante, si tant est qu�en politique, la �v�rit� � n�est pas un exorcisme de tribune mais ce qui est v�rifiable � travers les bilans d�abord, les bilans ensuite, les bilans enfin ! Tout le reste n��tant que fumeuse rh�torique. Si sur le plan de la relance �conomique toutes les expertises insistent sur les imprudences et les caract�res dispendieux et mal cibl�s des ressources du pays ; alors que dans le domaine politique, il est de notori�t� partisane que la r�gression de la libert� politique a hypoth�qu� pour longtemps les anciens acquis d�mocratiques. La photographie politique du pays est effectivement d�sastreuse : institutions �lues totalement inf�od�es aux strat�gies du pouvoir, appareil judiciaire � l�ind�pendance toute relative et libert�s politiques sous haute surveillance. La censure est omnipr�sente dans les strates de la vie politique. Et celle-ci est r�duite � un dr�le de concubinage � trois qui feint de se d�chirer publiquement alors qu�il pousse solidairement vers le verrouillage total. Ainsi donc, au bout de sept ann�es, ce pr�sident, initialement descendu du char de l�arm�e pour ensuite s�en affranchir, a-t-on dit apr�s 2004, coltine toujours un d�ficit de culture d�mocratique. Bien �videmment d�aucuns crieront au proc�s d�intention chaque fois que cette impatience est mise en exergue, mais ils oublient que ce sont ses tonitruants engagements lors des �lections de 2004 qui en sont la raison. Le pr�sident sortant d�alors n�avait pas plaid� sa cause au nom de la continuit� d�une politique, qu�il avouait qu�elle fut imparfaite et cafouilleuse, mais avait sollicit� une reconduction afin de solder les archa�smes et les tares ayant oblit�r� son accession en 1999. M�me s�il r�fute le vocable de cooptation ne laisse-t-il pas entendre que le second Bouteflika souhaitait rompre avec les pesants parrainages ? Avec une l�gitimit� d�un autre genre et une autonomie de d�cision sur mesure, il n�a finalement fait que ce qu�il eut l�habitude de faire. C'est-�- dire la politique de gribouille avec la na�vet� en moins et la ruse en plus. Pour Bouteflika II, le temps du funambulisme politique est r�volu, quand bien m�me il persisterait � traverser sur le fil tendu le reste de son mandat. Le pays va mal m�me si l�on continue � lui chanter des berceuses. Au fait, � partir de quel grade dans la hi�rarchie politique l�on a le droit de mentir impun�ment au peuple ?