Le colloque sur Ibn Khaldoun vient relancer le d�bat sur le rapport politique - sciences sociales. Il aurait pu rester une discussion acad�mique entre sp�cialistes et universitaires sur les apports d�un homme tenu pour le fondateur des sciences sociales. Quand il �crit la Mukkadima la tradition historique ne s�int�ressait qu�� la vie des souverains et des g�n�raux. A les lire on pouvait penser que l�histoire, c�est-�-dire la politique au pass�, ne d�pendait que de la pens�e et de l�action de ses puissants. Tout tenait au g�nie ou � la malchance des uns et des autres. Ibn Khaldoun va bousculer cette tradition. Il indique que l�histoire des hommes est prise dans des s�quences ind�pendantes de leur volont�. Il vit dans le Maghreb et la soci�t� qu�il observe et �tudie est compos�e de tribus. A la base de ces s�quences, il postule que la soci�t� (tribale dans ce cas) est un ph�nom�ne naturel et que son organisation vise la reproduction de la soci�t�. Il existe entre les hommes de cette soci�t� un lien social qu�il appelle A�abya. Plus la tribu est confront�e � des conditions difficiles plus cette A�abiya est forte et lui permet de combattre pour la conqu�te de nouveaux territoires et de fonder une dynastie sur les ruines des anciennes. Avec l�acc�s � des conditions nouvelles, les richesses obtenues et une vie plus facile, cette A�abya va se distendre et affaiblir les capacit�s de combat et de r�sistance. La dynastie tombera sous les coups d�autres tribus qui suivront le m�me cycle. On peut r�sumer ce cycle en s�quence de la conqu�te, s�quence de la consolidation du pouvoir, s�quence de la jouissance du pouvoir, s�quence de la d�cadence. Ces s�quences peuvent prendre quelques g�n�rations. Pour Ibn Khaldoun, elles sont in�luctables. Exit le g�nie, les revers de fortune et des armes, le hasard. Les dirigeants n�expriment plus la phase historique � laquelle ils appartiennent et les int�r�ts de la tribu ou de ses clans. La conscience du moment ne fait plus que traduire ces int�r�ts ou les cacher. A moins qu�on organise un enterrement de grande classe � Ibn Khaldoun, le minimum reste d�interroger notre pr�sent � la lumi�re de ses d�couvertes, de nous questionner sur l��tat r�el de la soci�t� et du rapport entre les discours et la r�alit�. Mais pour cela, il faut d�abord se mettre � son niveau.
