En r�ussissant l'un de ses plus beaux matches depuis l'Euro2000, la France s'est offert mardi soir une seconde jeunesse et a ranim� des espoirs que l'on croyait enfouis sous des ann�es de d�ception. Non seulement les Fran�ais ont humili� (3-1) les Espagnols, une nouvelle fois donn�s favoris apr�s le premier tour et une nouvelle fois d�cevants, mais ils ont d�montr� qu'ils n'�taient pas l'�quipe vieillissante qu'une lecture aride des chiffres pouvait laisser supposer. �On est vieux, mais on reste intelligents�, a lanc� le s�lectionneur Raymond Domenech, se fendant d'une formule maligne et un rien revancharde apr�s les critiques dont il a �t� l'objet depuis le d�but de la comp�tition. Cela r�sumait pourtant assez bien la performance de ses prot�g�s qui ont mouch� les vell�it�s d'Espagnols, incapables d'�clairer leur lanterne d'une occasion franche pendant 90 minutes. Pourtant, les hommes de Luis Aragones �taient invaincus depuis l'Euro 2004, pourtant ils avaient �trill� l'Ukraine 4-0, inscrit huit buts en trois matches lors du premier tour, et ils avaient promis de mettre Zin�dine Zidane � la retraite. Mais ob�issant � une esp�ce de magie propre � la Coupe du monde, les Bleus, transcend�s par l'enjeu, se sont mis � jouer comme leurs supporteurs auraient aim� qu'ils le fassent depuis le 13 juin. Pour la premi�re fois, les Fran�ais sont apparus sous les traits d'une v�ritable �quipe, patiente, s�re d'ellem�me et accomplissant un travail collectif couronn� par deux actions d'�clat de Franck Rib�ry et Zidane. �C'est un vrai bonheur�, a ajout� Domenech, se laissant aller � un bref instant de satisfaction. �On ne joue pas que pour nous. Cette �quipe a envie de montrer ce dont elle est capable, pour que les Fran�ais soient fiers d'elle.� Cette qualification pour les quarts de finale a �t� accueillie par des concerts de klaxons et des rassemblements spontan�s sur les Champs-Elys�es. Ces manifestations ne sont pas encore celles qui ont jalonn� le sacre de 1998 mais elles en portent l'espoir �vident, sinon le germe. �C'est une soir�e r�ussie mais on n'a pas fini la comp�tition�, s'est empress� de faire remarquer Jean-Pierre Escalettes, pr�sident de la FFF. �Je ne vous dirai qu'� la fin si c'est un Mondial r�ussi. L'app�tit vient en mangeant. Les joueurs n'ont pas encore perdu contre le Br�sil, loin de l��, a-t-il ajout� dans l'euphorie de la victoire. De la revanche en l�air Car le combat qui se profile au-del� de la ligne bleue des Vosges est celui d'une revanche de la finale perdue de mani�re piteuse par les quintuples champions du monde en 1998. Le Br�sil �tait le grandissime favori avant que soit donn� le premier coup de sifflet du Mondial 2006 et il le reste, � l'�vidence, apr�s avoir �limin� sans ambages (3-0) le Ghana, r�v�lation africaine du tournoi. La sixi�me �toile est depuis longtemps promise � une �quipe qui peut compter sur Ronaldo, Ronaldinho, Kaka et Adriano. Le match de samedi devrait ranimer �galement quelques souvenirs et restaurer quelques symboles, vieux d'exactement 20 ans. C'�tait en quart de finale que la France de Michel Platini avait r�ussi l'exploit de sortir le Br�sil de Socrates aux tirs au but � Guadalajara. Platini s'appr�tait � prendre sa retraite internationale, tout comme Zidane se pr�pare � tirer sa r�v�rence lorsque le rideau tombera sur le parcours de Bleus. Les Br�siliens se souviendront qu'ils restent sur deux �checs face aux Fran�ais en Coupe du monde et que leur derni�re victoire remonte � 1958 � Solna, lors du Mondial su�dois o� ils triomph�rent. Forte d'une victoire qu'elle avait pr�par�e avec soin et d�termination, la France ne doute plus de ses capacit�s, si tant est que ce ne fut jamais le cas. �Si on prend les joueurs du Br�sil individuellement et les joueurs fran�ais individuellement c'est kif-kif�, a estim� Patrick Vieira, auteur du deuxi�me but mardi. �C'est sur le terrain que cela va se jouer. Mais apr�s le match que l'on a fait ce soir, on peut �tre sereins�, a-t-il ajout�. Cette confiance toute neuve n'est pas la garante d'une victoire � Francfort et la question est de savoir si la France n'a pas livr� mardi un match d'exception, impossible � renouveler, comme en 1986. �Face au Br�sil, il faudra �tre encore au-dessus pour avoir une chance�, a admis Domenech. �Cette �quipe de France a une capacit� � �voluer, � s'adapter et � progresser, � se hisser au niveau de l'adversaire.� �Il faut garder les pieds sur terre. On n'a pas encore atteint l'objectif�, a ajout� Vieira. Au moins, le p�ch� ne sera pas celui de l'orgueil. Zidane : �Des adieux, non merci !� La retraite de Zin�dine Zidane ne sera donc pas pour tout de suite, apr�s la qualification de la France pour les quarts de finale du Mondial-2006 de football, et le capitaine des Bleus s'est charg� lui m�me de le clamer en inscrivant le 3e but des Bleus contre l'Espagne mardi. Zidane, non content de donner la le�on aux jeunes Espagnols en tenant le rythme 90 minutes, s'est offert le luxe de marquer son premier but du tournoi dans le temps additionnel. Un but qui lui a visiblement fait tr�s plaisir, et qu'il a pris le temps de c�l�brer devant un public fran�ais aux anges. C'est peu dire que Zizou a d� davantage appr�cier cette sortie, mardi au milieu d'une �quipe en d�lire, que celle qu'il avait connue contre la Cor�e du Sud, remplac� dans le temps additionnel et suspendu pour le dernier match de poules contre le Togo. Match d�cisif qu'il avait suivi dans le vestiaire avec une boule au ventre. Pour sa 105e s�lection, mardi contre l'Espagne, Zin�dine Zidane avait envie. Et cela s'est vu tout de suite. Le N.10 se positionnait tr�s haut, quasiment � c�t� de Thierry Henry, en deuxi�me attaquant. A la 13e minute, il �tait hors-jeu d'un rien, comme il le montrait, en souriant, au juge assistant d'un signe de main. Trois minutes plus tard, il obtenait un corner qu'il s'en allait tirer sans trembler sous le virage espagnol du stade. Les supporteurs espagnols l'accueillaient avec des grands �au revoir� pas sympathiques. Mais Zidane n'allait pas leur faire ce plaisir. Peut-�tre moins pr�sent que parfois dans le jeu, �ZZ� a revanche beaucoup parl�, � ses partenaires, mais aussi � en italien on suppose � � l'arbitre M. Rosetti, pour contester en vain le penalty espagnol. Zidane a d� respirer un grand coup quand il a vu Franck Rib�ry, celui qui sera appel� � lui succ�der aux manettes des Bleus � partir du mois d'ao�t, �galiser comme un grand. Zidane, en seconde p�riode, retrouvait des couleurs en m�me temps qu'il allait tirer les corners cette fois pr�s des supporteurs fran�ais, qui lui envoyaient des �Zizou, Zizou !� r�confortants. Plus en verve que jamais malgr� ses 34 ans, Zidane terminait le match en trombe. Il tirait d'abord le coup franc qui permettait � Vieira d'offrir la victoire aux Bleus (83�). Et puis, comme pour signifier que l'heure de la retraite n'�tait pas pour tout de suite, il partait � grandes foul�es inscrire un troisi�me but fran�ais, le �Madril�ne� s'offrant un joli dribble au passage sur le �Barcelonais� Puyol (90�+2�). Seul le carton jaune re�u quelques secondes auparavant aura mis un petit b�mol � une soir�e qui n'�tait donc pas la derni�re de Zidane. �J'ai envie de dire aux Espagnols, parce qu'ils nous ont assez chambr� l�dessus, j'ai envie de leur dire que c'est pas ce match-l� (ma retraite). L'aventure continue et on est contents�, a d�clar� ZZ � la fin du match, au micro de TF1.
Rib�ry, le moteur � �motions Franck Rib�ry, auteur de son premier but en �quipe de France de football mardi contre l'Espagne (3-1) en 8e de finale du Mondial-2006, continue de gravir les montagnes au pas de course, v�ritable moteur � �motions d'une �quipe qui aura besoin de lui pour l'apr�s-Zidane. Le � toujours � Marseillais a fait taire les sifflets espagnols qui avaient couvert la Marseillaise. Franck Rib�ry, 23 ans, ne pouvait choisir meilleur moment pour marquer son premier but en s�lection, permettant aux Bleus d'�galiser juste avant la pause apr�s l'ouverture du score de l'Espagne. Et voil� l'ex-banni du centre de formation de Lille, qui �voluait encore en National (3e division) il y a deux ans, propuls� en sauveur de la nation. Rib�ry, bras d�ploy�s, s'en est all� f�ter ce but comme il se doit, cr�ant une douce m�l�e devant un banc de touche fran�ais o� il pensait sans doute passer le plus clair de son temps en Allemagne. Pour la premi�re grande image de bonheur collectif de cette �quipe de France. �Il respire la joie de vivre et la communique aux autres�, avait assur� Zin�dine Zidane au sujet de son jeune partenaire, avant de l'adouber � la veille de France-Suisse, premi�re titularisation de Rib�ry : �C'est quelqu'un qui marquera les esprits � chaque fois qu'il sera sur le terrain. Il deviendra quelqu'un d'important dans le football.� Rib�ry (7 s�lections) se contente pour le moment de savourer son premier but: �C'est �norme pour moi, pour toute ma famille. J'ai connu des moments difficiles, mais j'ai toujours cru en moi, j'ai toujours eu l'aide de ma famille. Je suis quelqu'un qui a toujours travaill�, jamais baiss� les bras.� Celui que la Turquie avait surnomm� �Scarface� a encore grandi mardi. Non content de montrer la voie sur le terrain, c'est aussi lui qui a entra�n� les Bleus spontan�ment vers leurs supporteurs � la fin du match pour une communion bien r�jouissante apr�s les crispations des premiers matches. Au point que le N.22, un mois apr�s sa premi�re apparition sous le maillot bleu, contre le Mexique (1-0) en amical, semble d�sormais le vrai moteur � �motions de cette �quipe. Un joueur sans complexes qui parant aujourd'hui capable de devenir le d�positaire du jeu fran�ais apr�s la retraite de Zidane, m�me si, comme le rappelait Thierry Henry apr�s le match en demi-teinte de Rib�ry contre la Suisse, �il ne faut pas tout lui mettre sur les �paules�. Et si ce Mondial permettait une passation des pouvoirs entre �Zizou� et Rib�ry, comme une transmission du maillot N.10 entre deux joueurs qui semblent s'entendre �galement tr�s bien en dehors des terrains, eux que l'on voit souvent c�te � c�te � l'entra�nement ? L'id�e est s�duisante, tant Rib�ry semble d�sormais s'�tre d�barrass� de son �tiquette de simple �joker� pour devenir titulaire lors des deux derniers matches et qui semble encore devoir l'�tre pour le prochain. M�me pour un quart de finale de Coupe du monde, et m�me contre le Br�sil champion du monde.
LILIAN THURAM �Je savoure de fa�on incroyable�
Lilian Thuram, qui vit lors du Mondial-2006 de football sa derni�re grande comp�tition avec l'�quipe de France, reconna�t �savourer de fa�on incroyable� la qualification pour les quarts de finale contre le Br�sil, acquise mardi soir contre l'Espagne (3-1) � Hanovre. Que ressentez-vous apr�s cette belle soir�e ? C'est une sensation difficile � d�crire. Quand Zidane marque ce troisi�me but, cette lib�ration... Je savoure ce moment de fa�on incroyable. C'est sans doute l'�ge. Je me dis que c'est ma derni�re comp�tition � ce niveau-l�, c'est vraiment beau de vivre �a. Je ressens m�me plus d'�motion que pendant la Coupe du monde en France (en 1998). C'est peut-�tre le fait de gagner les matches � l'ext�rieur. Les gens sont descendus sur les Champs-Elys�es ? Je trouve que le football a cette capacit� de r�unir les gens, c'est magnifique. Il est simplement dommage qu'il faille attendre la Coupe du monde pour vivre ces moments-l�. Cela m�rite r�flexion : pourquoi ne pas vivre plus souvent des moments de bonheur avec les gens ? O� la France a-t-elle trouv� les ressources pour battre l'Espagne ? Quand on arrive au stade, on voit les supporteurs espagnols qui nous font des signes. Apr�s, ils sifflent l'hymne national. Ils n'ont pas compris que �a nous motivait encore plus. Les joueurs espagnols avaient aussi fait des d�clarations sur l'�ge de l'�quipe de France. Tout �a a �t� motivant. Moi, � titre personnel, je me suis dit : �Mince, c'est pas possible que �a se termine comme �a, je ne vais quand m�me pas finir sur un penalty (Thuram a commis la faute sur le penalty transform� par l'Espagne)�. Je me suis dit qu'on allait gagner. Maintenant, c'est le Br�sil. Qu'est-ce que �a vous inspire? Beaucoup de souvenirs... Moi, petit, j'�tais br�silien. Ils �taient les plus forts, donc j'�tais br�silien comme tout le monde. Toutes les �quipes r�vent de jouer le Br�sil pendant la Coupe du monde, tous les pays r�vent d'une finale contre le Br�sil. Le Br�sil, �a repr�sente le football, tout simplement. Quand on regarde aujourd'hui les joueurs pr�sents sur le terrain, notamment en phase offensive, on voit que c'est une tr�s grande �quipe, avec de tr�s grands joueurs. Mais si le football est tellement aim� partout sur la plan�te, c'est parce qu'on ne sait jamais comment �a va se terminer. Le favori n'est pas s�r de gagner. Aujourd'hui, personne ne peut dire � coup s�r qui va gagner samedi.�