Quelles sont donc, succinctement, ces logiques contradictoires qui entretiennent des ambigu�t�s juridiques et des �quivoques qui se sont sold�es par une instabilit� minist�rielle et de surcro�t, une h�catombe de chefs de gouvernement ? Suivant en cela sa devanci�re, la Constitution de 1996 amorce une logique parlementaire en filigrane, tout en laissant subsister les �l�ments d�une logique pr�sidentialiste, h�rit�s de la Constitution de 1976. 1� - En ce qui concerne l�amorce d�une logique parlementaire Elle est, essentiellement, lisible � travers un bic�phalisme beaucoup plus formel que r�el et un bin�me responsabilit� gouvernementale- dissolution parlementaire. Le flou qui entoure ces dispositions (1) s�int�gre, sciemment, dans un impressionnisme juridique qui pourrait fournir, au gr� des circonstances (plut�t des luttes d�influence) tant�t une lecture parlementaire, tant�t une lecture pr�sidentialiste (� qui revient la paternit� du programme gouvernemental, � qui incombe la fonction gouvernementale ?). 2� - En ce qui concerne la reconduction d�une logique pr�sidentialiste A ce propos, l�article 87 de la Constitution de 1996 tombe � point nomm� pour lever toute �quivoque quant � une �ventuelle investiture parlementaire, assurant ainsi, au pr�sident de la R�publique un pouvoir de nomination discr�tionnaire sur le gouvernement (aussi bien membres qu�inter pares primus compris). Si cet article reconduit, en grande partie, les dispositions de l�article 83 de la Constitution de 1989, il ne peut, toutefois, se lire et s�interpr�ter que par rapport � la Constitution de 1976, via les articles 111 (point 15) et 116. A cet effet, si l�article 111, point 15, attribuait au Pr�sident de la R�publique, facult� de d�l�guer une partie de ses pouvoirs au Premier ministre et au vice-pr�sident il �tait, cependant, assorti d�une r�serve (article 116) qui excluait de toute d�l�gation, non seulement, le pouvoir de nommer et de relever de leurs fonctions, le vice-pr�sident, le Premier ministre, les membres du gouvernement, mais aussi, d�autres pouvoirs propres et importants exerc�s intitue-personae par le Pr�sident. D�s lors, si en 1989, cet article 83 relevait du �bricolage constitutionnel�, il remplissait, n�anmoins, une double fonction : � d�une part, il constituait un v�ritable rempart contre toute tentative de d�membrement de la �citadelle pr�sidentielle�. � d�autre part, il verrouillait toute vell�it� d�un processus d�autonomisation d�une structure parlementaire candidate � la dyarchie. Toutefois, devenu article 87 sous la Constitution de 1996, il s�est, subrepticement, effiloch�. En effet, d�sormais, il est admis, implicitement, que le pouvoir de r�vocation du gouvernement soit partag� avec l�APN, par le biais de la censure parlementaire (motion de confiance-motion de censure) puisque dispara�t de sa r�daction, la mise de fin de fonction du gouvernement comme pouvoir ind�l�gable. Le r��quilibrage des pouvoirs n�est pas � l�ordre du jour de cette r�vision. Lorsqu�il s�agit de rechercher le r�gime pr�sidentiel, la doctrine �rige l�exemple am�ricain en type exclusif, laissant entendre, par l�, que nulle part ailleurs, la greffe n�a r�ussi � prendre. Effectivement, tous les pays (l�Am�rique latine, puis Tiers-Monde) qui l�ont pris pour mod�le, l�ont finalement d�form� et donn� naissance � un r�gime hybride, sorte d�alt�ration qualifi�e p�jorativement �pr�sidentialisme� et identifi�e par son aire g�ographique ou culturelle : ainsi, le pr�sidentialisme est, selon les cas, latino-am�ricain, n�gro-africain, arabe, asiatique et m�me fran�ais. D�s lors, il est n�cessaire, de prime abord, d�isoler le caract�re significatif qui permet d�identifier le r�gime pr�sidentiel et d�en comprendre le fonctionnement, c�est-�-dire l��quilibre des pouvoirs qui en est le fondement. Puis voir qu�en Alg�rie, m�me si des m�canismes juridiques identiques existent, ils donnent des r�sultats diff�rents, voire oppos�s, et ce, au regard des sp�cificit�s alg�riennes. Il s�ensuit que si l�assimilation risque de fausser l�analyse, la comparaison sera instructive. 1� - L��quilibre des pouvoirs : fondement du r�gime pr�sidentiel Si parfois, il est dit que l�organe important est le pr�sident de la R�publique, il n�en demeure pas moins que le Congr�s n�est en aucune sorte rabaiss�. Bien au contraire, la Constitution de Philadelphie �nonce que le pouvoir l�gislatif est exerc� par le Congr�s (compos� de deux Assembl�es, la chambre des repr�sentants et le S�nat), tandis que le pouvoir ex�cutif, l�est par le pr�sident. Partant de l�, la plupart des auteurs caract�risent le r�gime pr�sidentiel par la s�paration rigide des pouvoirs, mais, s�empressent, aussit�t, de d�noncer de nombreuses exceptions � ce principe. Or, le principe de s�paration des pouvoirs comporte deux �l�ments : l�ind�pendance entre les trois organes que sont le l�gislatif, l�ex�cutif et le judiciaire, et la sp�cialisation fonctionnelle, c�est-�-dire que chaque organe est sp�cialis� dans une fonction (corr�lation entre organe l�gislatif et fonction l�gislative � organe ex�cutif et fonction ex�cutive � organe judiciaire et fonction judiciaire). Et si, en ce qui concerne l�ind�pendance organique, celle-ci est effectivement garantie dans la mesure o� le pr�sident et le Congr�s disposent chacun d�une l�gitimit� �lective propre puisque tous deux investis par le suffrage universel (donc ne d�pendent pas l�un de l�autre quant � leur naissance). De m�me, le pr�sident de la R�publique ne peut achever pr�matur�ment le mandat du Congr�s en usant du droit de dissolution. La r�ciproque existe pour le Congr�s qui ne peut en aucune mani�re destituer le pr�sident en mettant en jeu sa responsabilit� politique (sauf cas de responsabilit� p�nale dit �impeachment�). En revanche, en ce qui concerne la sp�cialisation fonctionnelle, de nombreuses interf�rences existent. A cet �gard, le Congr�s participe � la fonction ex�cutive par le biais de l�approbation de la nomination des ministres et des hauts fonctionnaires, l�approbation des trait�s et le vote du budget (ce qui lui permet ais�ment de faire pression sur le pr�sident, par exemple, en serrant les �cordons de la bourse�). Il en va de m�me pour le pr�sident, qui, disposant du droit de veto, participe par le biais de fa�on d�terminante � la fonction l�gislative. Ces moyens d�action r�ciproques sont d�ailleurs, parfaitement exprim�s par la formule �Checks and balances�, chaque partenaire peut freiner l�autre (checks) et lui faire �quilibre (balances). Seulement, l��l�ment de r�f�rence n�est pas rest� immuable mais, au contraire, a �volu� vers d�autres formes d��quilibre. Si, � l�origine, le point d��quilibre entre pr�sident et Congr�s se trouvait dans la menace veto contre impeachment, � l�heure actuelle d�autres moyens d�actions r�ciproques leur ont permis de se mod�rer mutuellement. Or, le droit de veto, vecteur des principaux conflits de l�histoire des USA, a largement contribu� � fa�onner la sp�cificit� de l�architecture du r�gime am�ricain. Voyons alors comment derri�re la fa�ade constitutionnelle, les r�alit�s du pouvoir se sont consid�rablement modifi�es : Lorsque, pour la premi�re fois, le pr�sident Jackson agita la menace du veto, il se justifia par sa responsabilit� �lective. Il revenait, d�s lors, au peuple de d�savouer son �lu par les urnes, s�il n��tait pas satisfait de la fa�on dont il usait de son droit de veto. Cet usage fut vertement d�cri� comme une d�rive vers une monarchie �lective, qui permettait au pr�sident de recourir � l�arbitrage informel de l�opinion. De surcro�t, sous la pr�sidence Jackson (1830) l�usage massif du patronage et surtout de la discipline de vote au niveau du jeune parti d�mocrate, vont permettre au pr�sident de contr�ler plus du tiers des congressmen et, par cons�quent, constituer le tier bloquant le Congr�s. Ce qui va donner une dimension politique au droit de veto, qui faute d��tre renvers� devient absolu de facto et s�analyse comme une sanction � l��gard du Congr�s. Dans ces conditions, faute de pouvoir contrer le veto du pr�sident, le Congr�s va tenter de renverser le pr�sident luim�me, par la proc�dure d�impeachment (3) par cons�quent, l�impossibilit� d�outrepasser un veto pr�sidentiel a men� � une mise en cause directe du pr�sident devant le congr�s. Et cette menace qui planait gr�ce au couple �veto contre impeachment� fut consid�r� comme le moment crucial du r�gime am�ricain qui aurait pu d�vier vers le r�gime parlementaire (4). Toutefois, cette crise am�ricaine a connu son d�nouement lorsque s�est instaur� un v�ritable �quilibre entre pr�sident et Congr�s gr�ce � deux moyens, qui vont r�guler le rapport de forces entre eux : - le premier, lorsque le tiers bloquant pr�sidentiel s�est �vapor�, permettant par-l� au congr�s d�outrepasser un veto pr�sidentiel pour la premi�re fois (en 1845). En effet, le veto a fini par �tre surmont� par un vote � la majorit� des 2/3 dans chacune des chambres. Il est devenu r�versible et a perdu son caract�re absolu pour devenir simplement suspensif ; - le second moyen est une arme qui va donner au Congr�s un pouvoir sym�trique au pr�sident gr�ce � la technique dite des riders (sorte de cavaliers budg�taires) qui va prendre tout son essor d�s cette �poque. Si les congressmen anticipent un veto sur un texte auquel ils tiennent particuli�rement et bien, ils ne le voteront pas tel quel, mais le grefferont de pr�f�rence sur un texte � caract�re financier qui est n�cessaire au pr�sident. Ce dernier se trouvera alors, face � un dilemme : - soit rejeter un texte n�cessaire � sa politique ; - soit l�accepter avec ses riders ; donc accepter les deux � la fois. Il faut rappeler que le pr�sident ne dispose pas de la possibilit� d�un Item veto (5), c�est-�-dire d�un veto s�lectif, qui lui permet de rejeter les dispositions ind�sirables. Or, cette arme est particuli�rement efficace puisque chaque texte est accompagn� de ce que l�on d�nomme �appropriation bill�, c�est-�-dire une loi financi�re sp�cifique, seule en mesure de permettre l�engagement des cr�dits. Par la technique des riders, les congressmen disposent d�un pouvoir de contrainte sym�trique et �quivalent au droit de veto pr�sidentiel. Donc le couple vetoriders est en mesure de r�guler le rapport de forces entre les deux principaux antagonistes que sont le pr�sident et le Congr�s. Aussi, chaque acteur politique apprend � faire preuve d�autolimitation, car il sait qu�� tout moment la menace qu�il fait planer peut se retourner contre lui, et il �vitera le rapport de forces. Ainsi, un arsenal de moyens d�actions r�ciproques existent dans le r�gime am�ricain et qui permet d�aboutir � une v�ritable r�gulation des comportements politiques des principaux acteurs politiques. Et c�est la condition de r�ciprocit� qui fait le r�gime d��quilibre, un �quilibre satisfaisant pour tous. B. K. F. (1) Les analyses en ont �t� faites longuement � ce propos. Aussi, nous renvoyons � notre th�se de doctorat d�Etat intitul�e �Les rapports entre le Pr�sident de la R�publique et l�APN dans la Constitution de 1996�. Page 332 et suivantes. (3) Il y eut deux tentatives avort�es de mise en cause du pr�sident devant le Congr�s, par le biais de l�impeachment qui est une responsabilit� p�nale (pour motif criminel ou � tout le moins parap�nal), - la premi�re en 1834 contre le pr�sident Jackson ; - la deuxi�me en 1843 contre le pr�sident Tyler. En revanche, l�impeachment contre Andrew Johnson, en 1868, �choua de justesse. (4) Rappelons que la responsabilit� politique du r�gime parlementaire est n�e du d�voiement de l�impeachment britannique, (c.a.d. que la responsabilit� p�nale a d�riv� en responsabilit� politique au cours du XVIIIe si�cle). (5) Un �Line item veto�, qui permettait au pr�sident d�opposer son veto � l�une des dispositions, d�une loi seulement, a �t� propos� en 1996, mais la Cour supr�me am�ricaine a estim�, dans une d�cision du 26 juin 1998, que cette loi �tait contraire � la Constitution.