Nous n�avons cess� de rappeler, depuis le d�but de l�escalade militaire isra�lienne qui s�est transform�e en v�ritable boucherie, que le Hezbollah porte une lourde responsabilit� dans ce drame. M�me s�il est av�r� aujourd�hui que l�op�ration �tait pr�par�e depuis au moins une ann�e du c�t� de Tel-Aviv � avec la b�n�diction des Etats- Unis �, le parti int�griste aurait d� r�fl�chir � deux fois avant d�offrir � l�ennemi les raisons d�une col�re d�moniaque. Connaissant la lucidit� du cheikh Nasrallah qui est tout sauf un aventurier, il nous avait sembl�, d�s le d�part, que l�attaque � l�origine de l�escalade �tait dict�e par des consid�rations d�passant le cadre libanais et qu�elle ob�issait aux int�r�ts communautaires chiites et r�pondait, probablement, aux injonctions de l�ayatollah Khamenei. D�ailleurs, la tournure prise par les �v�nements nous donne raison en ce sens que la crise libanaise et ses r�percussions humanitaires et diplomatiques ont rel�gu� au second plan le dossier nucl�aire iranien. Mais, c�est d�abord le c�t� inhumain de l�agression, sa barbarie, absolument inimaginable en ce d�but de vingt et uni�me si�cle, et ses vis�es d�lib�r�ment destructrices qui nous laissent penser qu�Isra�l a d�autres objectifs que ceux annonc�s dans les communiqu�s officiels : venger les soldats tu�s dans la premi�re op�ration et r�cup�rer ceux qui ont �t� faits prisonniers. Allons donc, il y avait d�autres moyens beaucoup plus simples que cette avalanche de destructions et de morts ! Donner un coup fatal au Hezbollah et ouvrir la voie au d�ploiement de l�arm�e libanaise dans la zone sud ? Pour cela, il n�y avait nul besoin de s�attaquer aux civils, de d�truire les immeubles, les routes, les ponts, les ports, les a�roports et les r�serves de carburant, etc. D�ailleurs, les capacit�s offensives du Hezbollah que toutes ces actions �taient cens�es r�duire � n�ant, sont demeur�es intactes puisque les obus et missiles continuent de pleuvoir sur les villes du Nord Isra�l. Strat�gie identique � celle des USA en Irak Alors, pourquoi cette �disproportion � relev�e par beaucoup d�observateurs et de responsables politiques ? En fait, si l�on essaye d�analyser les p�rip�ties de cette agression et d�en restituer l��volution � la lumi�re d�une grille de lecture militaire qui tient compte des exp�riences pass�es � et notamment de la toute derni�re qui a pr�c�d� l�invasion de l�Irak � on sera frapp� par les similitudes qui existent entre les deux op�rations. La pluie de bombes qui se d�verse sur toutes les infrastructures vitales n�est pas sans rappeler le tapis de feu qui s�est abattu sur Baghdad peu avant l�entr�e des troupes am�ricaines, l�objectif �tant de mettre � genoux le pays � envahir. L�arm�e libanaise n�ayant pas d�installations dignes de ce nom � d�truire comme celles de Saddam Hussein, l�aviation isra�lienne s��tait retrouv�e face � un probl�me insoluble : le Hezbollah n�est pas une arm�e classique et se comporte comme un mouvement de gu�rilla, dissimulant ses �quipements et noyant ses �l�ments dans la grande masse de la population. Il est un autre �l�ment de comparaison frappant : � la veille de la bataille terrestre en Irak, les bombardiers US s��taient mis � viser les installations des P et T afin de couper toutes les communications. Auparavant, on avait assist� au bombardement des �metteurs des t�l�visions et radios irakiennes. En proc�dant exactement de la m�me mani�re, les Isra�liens pr�paraient-ils une grande offensive terrestre ? Il est certain que c��tait l� leur objectif. Les quelques incursions visant � occuper des positions strat�giques sur les hauteurs s�parant les deux pays semblaient ob�ir � l�objectif de s�curiser l�arriv�e de troupes plus importantes. Isra�l avait-il pour objectif d�occuper � long terme le Liban et d�y nettoyer la r�sistance en mettant � prix les t�tes des dirigeants du Hezbollah et en proc�dant � une guerre d�usure contre les groupes arm�s, comme l�avait fait et le fait toujours � apparemment sans r�sultat � l�arm�e US en Irak ? Revirement am�ricain � propos du cessez-le-feu D�ailleurs, en refusant d�entendre parler de �cessez-le-feu�, Isra�l semblait maintenir l�option d�une offensive g�n�ralis�e, d�autant plus que son alli� strat�gique r�p�tait la m�me chose � Washington. Dans la vision globale partag�e par les deux pays, l�occasion �tait trop belle pour liquider le Hezbollah une fois pour toutes. Ce mouvement int�griste et qui dispose �de surcro�t � d�un �norme potentiel de frappe, est une menace permanente aux yeux des dirigeants isra�liens. Depuis le d�part de la Syrie du Liban, le Hezbollah maintient la pression et s�oppose � toute normalisation avec l�Etat h�breu. En plus, le parti de Nasrallah emp�che une normalisation � l�am�ricaine qui, sous le couvert de la paix et de la d�mocratie, vise � cr�er un ensemble g�opolitique favorable � ses id�es et sans animosit� vis-�-vis de son alli� strat�gique dans la r�gion. C��tait donc le moment propice de lui briser les reins d�finitivement. Alors, pourquoi ces changements de derni�re minute ? En effet, Isra�l vient d�accepter le principe d�une force multinationale � ses fronti�res alors que, subitement, et apr�s l�avoir consid�r�e comme �inacceptable� avec un mouvement terroriste, Washington accepte l�id�e d�un cessez-le-feu � m�me sous conditions � par la voix de sa secr�taire d�Etat en visite surprise au Liban ! Que s�est-il pass� donc ? D�abord, le plan militaire concoct� certainement par les strat�ges des deux pays � USA et Isra�l � n�a pas fonctionn� comme pr�vu. Il y a eu trop de morts isra�liens entre militaires et civils et cela est inacceptable par une opinion publique locale habitu�e aux succ�s militaires de son �Tsahal� (petit nom donn� � l�arm�e sioniste). Aller plus loin et r�colter plus de victimes, c�est foncer vers l�inconnu. Isra�l a b�ti sa r�putation sur la sup�riorit� militaire et une s�rie de d�b�cles, m�me localis�es, risquerait d�installer un malaise, voire une v�ritable crise morale, chez un peuple qui n�a v�cu uni que gr�ce � cette id�e de terreur �positive� et dont le conscient national ne peut accepter l�id�e d�une d�faite. Un observateur, intervenant sur une cha�ne satellitaire, a m�me pr�dit le d�part de tous les Isra�liens si la situation v�cue par les populations du nord devait se g�n�raliser et durer ! Point de vue excessif ? A voir� Des Libanais unis, malgr� tout Par ailleurs, et sur un plan int�rieur libanais, Isra�l avait pr�dit le creusement de la division du peuple libanais � d�autant plus que les rangs �taient assez dispers�s depuis la disparition d�El Hariri � et escomptait un retour de manivelle contre le Hezbollah. Sous la pression des �v�nements, se disait-on � Tel- Aviv, et face � toutes ces destructions et ces pertes humaines, les parties d�j� oppos�es au projet du parti int�griste vont le culpabiliser et le combattre ! Mais, miracle, et � part Walid Joumblatt dont le cas est troublant et qui doit se soigner de sa �Syriephobie�, l�ensemble de la classe politique libanaise, toutes tendances, toutes confessions et toutes communaut�s confondues, s�est distingu�e par une mobilisation sans faille, une solidarit� exemplaire et un m�me sens patriotique. Isra�l, qui conna�t pourtant tr�s bien les Libanais, aurait d� pr�voir cette situation au lieu de tabler sur un sc�nario � l�irakienne qui mettrait le feu aux poudres de l�int�rieur ! Il est vrai que rien n�est encore gagn� et, comme l�ont fait les agents am�ricains et britanniques en M�sopotamie, ceux du Mossad peuvent provoquer quelques attentats cibl�s visant des personnalit�s ou des lieux sacr�s ! Ils en ont les moyens : on les a vus � l��uvre lors de l�assassinat de Rafik Hariri qui a �t� certainement abattu par une bombe actionn�e au laser et t�l�command�e probablement � partir d�un avion. Rien n�est encore s�r et les Isra�liens pourraient recourir � ces m�thodes pour semer les germes de la division apr�s y avoir �chou� militairement. Instabilit� en Syrie : un grand danger pour Isra�l Voil� deux raisons qui ont d� pousser les strat�ges isra�liens � revoir leurs plans. Il en est une autre � caract�re strat�gique : en attaquant plus profond�ment le Liban, Isra�l risquait d�attirer la Syrie dans le conflit. Une telle issue, souhait�e peut-�tre par Washington pour r�gler une fois pour toutes ses comptes au clan El Assad, qui refuse de se courber devant les Bush comme l�ont fait tant d�autres familles royales et �r�publicaines� arabes ; une telle issue repr�sente pour l�Etat h�breu de tr�s grands dangers. L�instabilit� qui s�installerait en Syrie et au Liban, du fait d�une guerre qui serait in�luctablement longue, dure et pleine de surprises, mettrait Isra�l au bout d�un corridor de la terreur qui irait de l�Irak � v�ritable bourbier am�ricain � jusqu�en Palestine, via la Syrie et le Liban et certainement la Jordanie qui ne r�sisterait pas longtemps, elle aussi, devant les vents d�instabilit� qui souffleraient sur la r�gion. D�ailleurs, certaines sources ont fait �tat des pressions exerc�es par Sharon sur Bush afin que ce dernier n�attaque pas la Syrie, comme il voulait le faire apr�s l�envahissement de l�Irak. Et, pour cause� Quoi qu�il en soit, le revirement des Am�ricains vis-�-vis de la question du cessez-le-feu et l�acceptation, par les dirigeants isra�liens, d�une force multinationale, indiquent que les choses ne sont pas all�es dans le sens souhait� par les deux amis. Ce recul tactique n�en laisse pas moins intacte leur strat�gie : �liminer le Hezbollah ou, � tout le moins, l��loigner du Sud. Cette option reste r�alisable � moindre co�t, avec, entre autres, l�installation d�une force multinationale dont la venue semble plut�t ob�ir au d�sir de s�curiser les fronti�res isra�liennes. Mais, d�j�, le parti de Nasrallah consid�re cette force comme ennemie et annonce qu�il la combattra. C�est d�j� une autre histoire, un autre chapitre qui semble lointain tant l�urgence de mettre un terme � la boucherie s�impose � tous.