Bush acte I. Le président américain, en visite en Allemagne, n'a visiblement pas eu le temps de réfléchir à ce qui se passe au Liban. « Israël a le droit de se défendre », a-t-il répondu. Réponse mécanique qui, au fond, n'étonne plus. Washington a, depuis longtemps, cessé de critiquer l'Etat hébreu. George Bush n'a pris aucune précaution diplomatique pour essayer, au moins, de voir de près ce qui se déroule au Proche-Orient. Le tableau est simple : un Etat agresse un autre et le soumet à ce qui ressemble à un blocus. Le blocus, en langage simple, est un acte de guerre. Cela dépasse la théorie de « l'attaque est la meilleure défense ». Plus de 60 civils tués au dernier bilan. Pression Convaincu que le Hezbollah est « une organisation terroriste », l'armée israélienne est passée à l'offensive, sans attendre le feu de quiconque, pour tenter de libérer deux soldats enlevés par le mouvement de Hassan Nasrallah. A Riyad, le gouvernement saoudien a critiqué, à demi-mot et d'une manière non officielle, l'attitude du Hezbollah, l'accusant d'aventurisme. « Il faut distinguer entre la résistance légitime et les entreprises irréfléchies réalisées par certains au Liban et appuyées par d'autres responsables. Ces attaques sont menées sans rapport avec les autorités légales et sans concertation avec les pays arabes », est-il écrit dans le communiqué, repris de l'agence de presse saoudienne (SPA). L'Arabie Saoudite, qui entend jouer un rôle de médiation à l'avenir, veut à première vue se préserver et avoir une voix objective. « Israël a dépassé la question des otages pour se mêler des affaires internes du Liban et incite les Libanais à s'entre-déchirer. A quoi sert de bombarder l'aéroport de Beyrouth, les routes et les ponts ? C'est le Liban qui est ciblé. On s'attendait à ce que l'armée israélienne s'en prenne aux loges de la résistance mais pas au pays dans son ensemble », a déclaré Hadj Hassan, député du Hezbollah, interviewé par Al Jazeera (la chaîne qatarie assure une excellente couverture des événements du Liban). « Israël a attaqué l'aéroport international de Beyrouth afin de faire pression sur le gouvernement libanais », souligne le rédacteur de Israël Magazine. Facile à constater : Tel Aviv sanctionne le gouvernement parce que le Hezbollah en fait partie et possède 14 sièges au Parlement sur 128. Cela ressemble au scénario palestinien avec le Hamas. Le but stratégique de Tel Aviv est de neutraliser le Hezbollah et le couper de ses liens supposés avec l'Iran et la Syrie. Cela est dit par les hauts-responsables israéliens qui appellent à l'application de la résolution de l'ONU pour « désarmer » le Hezbollah. En 2004, le conseil de sécurité de l'ONU a adopté par 9 voix pour (Etats-Unis, France, Roumanie, Royaume-Uni, Allemagne, Angola, Bénin, Chili et Espagne) et 6 abstentions (Algérie, Brésil, Chine, Pakistan, Philippines et Russie) une résolution : le désarmement des forces non gouvernementales au Liban. « Le désarmement du Hezbollah est devenu une nécessité pour la stabilité politique et économique du Liban (...). Les relations très proches que le Hezbollah entretient avec l'Iran doivent être canalisées dans le cadre des relations d'Etat à Etat entre le Liban et l'Iran. Le Hezbollah devrait s'engager à ne plus servir à l'Iran de force de riposte au cas où Téhéran ou ses installations nucléaires seraient attaquées », analyse Nadim Hasbani, chercheur à l'Institut français de géopolitique, dans une tribune publiée par Le Figaro. Cela commence déjà à chercher plus loin qu'une simple riposte à un enlèvement de soldats. Une volonte de « détruire le Liban » Le quotidien israélien Yediot Aharonot suggère la recette-package : « Pour l'instant, se concentrer sur les menaces du Hezbollah, du Liban et de la Syrie. » A Paris, Jacques Chirac s'est interrogé s'il n'y avait pas une volonté de « détruire le Liban ». Grosse interrogation posée à la scène internationale depuis le troublant assassinat de Rafic Hariri. Le président russe Vladimir Poutine a exhorté toutes « les parties du conflit » au Proche-Orient à arrêter les hostilités et l'effusion de sang. Cité par l'agence Novosti, il a condamné la prise d'otages « comme moyen de résolution des problèmes, y compris politiques, tout comme le recours à la force en réponse à de tels actes ». L'escalade au Proche-orient sera abordée aujourd'hui lors du sommet du G8 (Canada, Etats-Unis, France, Italie, Japon, Royaume-Uni et Russie) organisé pour la première fois en Russie, autant de questions liées à la sécurité énergétique. « Nous estimons que les attaques israéliennes contre le Liban sont totalement inacceptables », a déclaré Anne Lene Dale Sandsten, porte-parole du ministère norvégien des Affaires étrangères, citée par les agences de presse. L'ambassadrice d'Israël à Oslo (la ville qui a abrité les fameux accords de paix aujourd'hui dépassés) Miryam Shomrat a été convoquée au ministère des Affaires étrangères. « C'est de l'autodéfense », a déclaré la diplomate. D'où le retour à la première thèse du chef de la Maison-Blanche. Bush acte II. Le président américain, qui contourne le président libanais Emile Lahoud, appelle le Premier ministre Fouad Seniora. Il s'engage à « faire pression sur Israël ». La finalité ? « Limiter les dégâts », selon la presse libanaise. D'après l'Associated Press (AP), Bush junior va demander à Israël d'épargner civils et innocents au Liban. Avant, Condoleeza Rice, secrétaire d'Etat, a tenté, d'une manière timide, de suggérer qu'Israël devrait faire preuve de plus de retenue. « Israël fait preuve de retenue depuis 2000 (évacuation du sud Liban, ndlr), ça suffit ! », a lancé un responsable de l'Etat hébreu. « Israël ne peut se permettre deux humiliations en quinze jours », estime, de son côté, le journal Maariv. Entre-temps, Israël Magazine a lancé un sondage avec, entre autres interrogations, celle-ci : « Les Israéliens doivent-ils attaquer préventivement l'Iran ? » 64% disent oui. Au Vatican, le Saint-Siège, par la voix du cardinal Angelo Sodano, secrétaire d'Etat, a déploré « l'attaque » lancée par Israël contre le Liban, « une nation libre et souveraine ». « L'unique voie digne de notre civilisation reste celle du dialogue sincère entre les parties en cause », a-t-il ajouté. Unique voie ?