Cette formule susceptible de r�sumer � elle seule la trag�die du Liban est emprunt�e � M. Lakhdar Brahimi, (entretien exclusif accord� au quotidien El Watan du 26 juillet 2006), ex-ministre des Affaires �trang�res, envoy� sp�cial de l�ONU. L�opinion �clair�e, objective de l�homme sur la situation du Liban nous est d�un apport pr�cieux et fortement utile pour mieux comprendre d�abord le �conflit�, mais surtout la face cach�e de l�iceberg. M. Lakhdar Brahimi a �t� en effet amen� de multiples fois � r�gler des conflits � travers le monde. Il n�a jamais �t� � l�instar de certains de ses compatriotes diplomates, partisan du bureau climatis� et des d�p�ches d�agences. Il a sillonn� le monde, conna�t parfaitement le Proche-orient, le Moyen-orient, l�Asie (pour ne citer que ces r�gions du monde). Sa voix est respectable parce qu�elle est cr�dible, parce qu�elle est celle d�un authentique sp�cialiste. Car il faut bien avouer que si les articles de presse (nationale mais �galement �trang�re) et les �missions t�l�vis�es sur la question pullulent, l�information a souvent c�d� le pas aux opinions des uns ou des autres, experts en ceci... experts en cela. Or, chaque jour, chaque nuit, � tout instant des civils libanais sont massacr�s dans toutes les villes du Liban indistinctement ou contraints de fuir par l�Etat d�Isra�l sous le fallacieux pr�texte d��radication du Hezbollah. Chose connue me diriez-vous ? Sans doute. J�entends seulement dire qu�au moment o� des femmes, des hommes, des enfants sont assassin�s par les bombes isra�liennes, parce qu�ils sont n�s libanais, il m�est devenu de plus en plus insupportable d��couter des �sp�cialistes des questions internationales� confortablement install�s sur un plateau de t�l�vision venir disserter prolixes et indiff�rents � la trag�die, sur le conflit comme s�ils parlaient de la reproduction chez les fourmis rouges... Mais il est par ailleurs vrai qu�ils ne sont pas plus coupables que cette communaut� internationale (� l�exception de la France) d�cid�ment bien silencieuse face aux massacres, � la destruction du Liban. Une communaut� internationale totalement muette lorsqu�elle constate la destruction de l�arm�e libanaise et de ses casernes. Ce ne sont pas celles du Hezbollah. Ou encore lorsque sous ses yeux Isra�l d�truit le Liban, ses infrastructures, tue ses civils par des raids meurtriers et indiff�renci�s. Une communaut� internationale qui sait fort bien comme nous tous que l�enl�vement d�un soldat isra�lien par le Hezbollah ne peut aucunement justifier ce qu�il convient d�appeler un massacre avec un grand M. planifi� depuis fort longtemps. Gilles Keppel, islamologue, �crivain et professeur en sciences politiques, l�exprime ainsi : �Ce qui se passe � la fronti�re libano- isra�lienne d�passe les simples actions du Hezbollah. C�est l�ensemble des �quilibres du Moyen- Orient qui est en jeu� ( Le Point1766 du 20 juillet 2006). Seulement voil� ! Les Etats-Unis avaient eux aussi, on s�en souvient, promis qu�en d�boulonnant Saddam Hussein, l�Irak conna�trait la d�mocratie et la paix. Le r�sultat on le conna�t. Isra�l pensait en d�coudre avec le Hezbollah en quelques jours. Il n�en est rien. Et c�est au prix d�horreurs que l�on sait men�es contre des civils � il est utile de le r�p�ter qu�Isra�l pr�tend �radiquer militairement le Hezbollah. Et Isra�l peut tout se permettre et Isra�l se permet tout. Il se permet tout, parce que le Conseil de s�curit� de l�ONU laisse faire. Il n�a m�me pas os� condamner l�attentat commis par Isra�l contre des soldats de la force int�rimaire des Nations unies au Liban (Finul). �Il s�est totalement discr�dit�. C�est la premi�re fois en 60 ans qu�en 15 jours de guerre le Conseil de s�curit� n�arrive pas � lancer un appel au cessez-le-feu� (M. Lakhdar Brahimi). Isra�l se permet tout, parce que d�s son investiture, le pr�sident Bush avait en t�te le projet de la construction du �Grand Isra�l�� Irak, Liban, et qui demain ? Faut-il aussi rappeler que d�s son arriv�e au pouvoir, Ariel Sharon soutenu par Bush a d�cid� de liquider les accords d�Oslo auxquels il �tait farouchement oppos� �et bloquer la feuille de route qui devait permettre l��mergence d�un Etat palestinien en 2005� ( Marianne, 22 au 28 juillet 2006) ? Pouvait-on alors imaginer que ce beau pays qu�est le Liban, multiconfessionnel, cultiv�, raffin� allait alors exister � l�abri des conflits ? �Malgr� les gigantesques efforts de reconstruction de feu Rafic Hariri, le Liban reste plus que jamais l�otage des conflits dont il est l��picentre� (Gilles Keppel, source susmentionn�e). Isra�l se permet tout parce que l�Europe a une dette � son �gard et qu�elle culpabilise. La preuve ? Il suffit qu�un lanceroquettes s�abatte sur Ha�fa pour que les cha�nes de t�l�vision europ�ennes s�agitent et s�excitent. L� on parle de terrorisme, d�agression. Quand il s�agit de civils libanais tu�s par les bombes, on parle �pudiquement� de �bombardements�. Le journal Marianne qui nous a habitu�s � plus d�objectivit� �crit par exemple : �Isra�l exerce un l�gitime droit d�auto-d�fense face � l�agression caract�ris�e d�un groupe terroriste hors la loi qui se sert du Liban comme rampe de lancement� ( Marianne22 au 28 juillet 2006). Lorsqu�on tue des populations sans d�fense cela s�appelle comment ? Comment accepter cette politique des deux poids, deux mesures lorsqu�on sait qu�Isra�l tue des civils sous pr�texte qu�ils sont acquis au Hezbollah ? Comment accepter cette terrible et flagrante injustice faite aux Libanais, lorsqu�on sait que les Juifs d�Isra�l ou hors Isra�l ont �t� d�port�s, massacr�s au nom de l�antis�mitisme et du nazisme ? Pour avoir dit cela, Edgar Morin, sociologie fran�ais, Sami Na�r, d�put� europ�en, et Dani�le Sallenave, �crivain, ont �t� condamn�s par la cour d�appel de Versailles sur plainte de deux associations France-Isra�l. Celles-ci ont estim� qu�un article publi� par les trois susnomm�s dans Le Monde du 4 juin 2002 sous le titre �Isra�l-Palestine� pr�sentait un caract�re antis�mite. Qu�en �tait-il r�ellement ? �On a peine � imaginer qu�une nation ... ayant subi les pires humiliations et le pire m�pris soit capable de se transformer en deux g�n�rations en peuple dominateur et s�r de lui, en peuple m�prisant ayant satisfaction � humilier� ( Le Monde 4 juin 2002). Fort heureusement, la cour de cassation a estim� le 12 juillet 2006 que �les propos sont l�expression d�une opinion qui rel�ve du simple d�bat d�id�es�. Faut-il ajouter qu�Edgar Morin est lui-m�me juif s�farade. L�antis�mitisme est certes d�testable, mais comment faut-il alors qualifier les crimes commis contre les Libanais et les Palestiniens civils. Jusqu�� quand Isra�l se permettra tout ? Jusqu�� quand aura-t-il de son c�t� le droit international et avec lui la communaut� internationale ? Guerre contre Hezbollah organisation terroriste dit-on ? Je n�ai aucune sympathie pour le Hezbollah, le Hamas ou autre mouvement ou parti islamiste. Et je ne dirai jamais �Vive le Hezbollah�. Cependant, ce n�est absolument pas contre le fanatisme religieux qu�Isra�l et ses alli�s m�nent la guerre. C�est pour balayer tous les pays de la r�gion qui le g�nent dans son extension. Voil� pourquoi meurent sous les bombes isra�liennes les civils libanais. Voil� pourquoi les survivants sont d�plac�s (750 000) affam�s. On exige du Liban le respect de la r�solution 1559 (d�militarisation du Hezbollah), pourquoi pas toutes les autres r�solutions pour Isra�l? Isra�l se permet tout parce que les �fr�res� arabes se taisent pour certains, expriment leur soutien � Isra�l pour d�autres. Le silence n��tait-il donc pas suffisant ? Fallait-il encore que les monarchies du Golfe, se disent solidaires d�Isra�l contre le Hezbollah ? La destruction du Liban n��meut �videmment pas la Syrie pour les raisons que l�on sait, elle laisse indiff�rents les monarques. L�un qualifie �d�aventuriste� le Hezbollah, l�autre propose son pays comme base de lancement. Les autres, tous les autres se taisent. Et que l�on ne vienne pas nous rebattre les oreilles avec une pr�tendue peur des roitelets du Golfe sunnites par la mont�e des chiites. Fadaises ! �Ne nous laissons pas entra�ner dans une guerre confessionnelle� (M. Lakhdar Brahimi). L�attitude a un nom : l�chet�. Mais comment s�en �tonner ? Aurait-on d�j� oubli� l��poque tout � fait r�cente du terrorisme-islamiste en Alg�rie et l�aide, le soutien apport� � celui-ci par ces m�mes pays arabes, par ces m�mes monarques du Golfe par ces sunnites d�hier et d�aujourd�hui ? L�chet� surtout parce qu�ils savent que leurs peuples leur sont farouchement hostiles et qu�ils leur faut �tre de plus en plus tyranniques, de plus en plus despotiques. L�chet� enfin, car il y a bien longtemps que les int�r�ts am�ricains sont fort bien prot�g�s dans ces pays. Alors conflit sunnites-chiites... A d�autres. Les enjeux sont autrement plus importants. Ils sont �conomiques et politiques. Alors pourquoi s��tonner qu�Isra�l se permette tout au Liban ? On a mal, tr�s mal pour ce beau pays et que faire ? Dans notre pays une marche a �t� interdite : m�me tarif pour tous : �tat d�urgence. La grande question est de savoir pour qui et pour quoi on manifesterait ? Pour le Liban massacr� oui et mille fois oui ? Pour le Hezbollah aux c�t�s d�un Ali Benhadj ou autre islamiste non et mille fois non. Comment ne pas se faire pi�ger aujourd�hui lorsqu�on sait que le Liban lui-m�me est l�otage de l�un et de l�autre et qu�il paie un lourd tribut ? Un prix dont on ignore pour l�instant les cons�quences. On peut seulement noter ce fait rapport� par Marianne: un b�b� libanais est n� � Sa�da. Sa m�re l�a pr�nomm�e �Raad� (tonnerre) en hommage au Hezbollah parce que les missiles iraniens que ce mouvement lance contre Isra�l ont le nom de �Raad�. La maman n�est pas chiite. Dont acte. Voil� pourquoi il faut demeurer prudent car face � la l�chet� des pays arabes et ceux du Golfe particuli�rement, force est de constater que le Hezbollah � � l��gard duquel je n��prouve aucune sympathie id�ologique et politique � est le seul � r�sister contre Isra�l. Ce n�est pas contre lui qu�Isra�l m�ne la guerre, c�est contre des innocents. Malheur � celui qui se dira : �Le Liban c�est loin.� Le tour de chacun viendra. Il suffira que le gendarme du monde le d�cide. Il suffira par exemple que des amendements � une loi sur les hydrocarbures lui d�plaise... La trag�die du Liban est la n�tre et toutes mes pens�es vont vers ces Libanais (ses) fuyant les bombes et r�p�tant : �Nous voulons vivre en paix.� Pour eux et pour eux seuls, pour les injustices que leur fait subir Isra�l, j�implore la communaut� internationale d�arr�ter les massacres au Liban sans trop d�illusions... Sans aucune illusion ! Se solidariser avec le Liban oui et mille fois oui. Pavoiser comme l�a fait le gouvernement alg�rien par le biais de son ministre de la Solidarit� parce que l�Alg�rie a fait acheminer par avion vivres et m�dicaments est ind�cent.