Il sera, à n'en pas douter, confronté à sa plus dangeureuse mission. Le chef terroriste le plus recherché au monde, Oussama Ben Laden, vient d'innover dans sa manière de combattre ses «ennemis» en utilisant le même procédé qui a valu la capture de Saddam Hussein en Irak. La mise à prix, un procédé en vogue aujourd'hui, a été usité le siècle dernier aux Etats-Unis lors de la conquête de l'or et des riches plaines du continent. Ce brusque changement opéré dans la stratégie guerrière d'Oussama Ben Laden, tout à fait nouvelle dans sa forme mais néanmoins novatrice dans sa conception, prête à équivoque. Ce chef terroriste qu'on dit ne reculer devant rien a-t-il mesuré l'ampleur de son action en appelant aux meurtres de trois personnalités mondiales de premier rang et les conséquences désastreuses qui peuvent en découler sur la crise irakienne? L'envoyé spécial de Kofi Annan en Irak, Lakhdar Brahimi, a fait l'objet d'un appel au meurtre attribué à Oussama Ben Laden, le chef de l'organisation terroriste Al Qaîda. Les autorités onusiennes, faisant fi des doutes concernant l'authenticité de ce communiqué ont promptement réagi en décidant de doubler, voire de tripler, les mesures de sécurité à l'encontre du secrétaire général de l'Onu ainsi que de Lakhdar Brahimi qui se trouve actuellement en Irak dans le cadre de sa mission de bons offices en vue de trouver une solution au conflit inter-communautaire irakien. Celui qu'on appelle affectueusement «l'homme des missions difficiles», sera à n'en pas en douter, confronté à sa plus dangereuse mission et l'une des plus difficiles à mettre à son actif s'il réussit à ramener autour de la table des discussions les différents protagonistes du conflit interne qui secoue l'Irak. En plus de cette mission à haut risque, Lakhdar Brahimi devra prendre en compte sérieusement cet appel au meurtre qui le place au même titre que Paul Bremer, l'administrateur américain en Irak et Kofi Annan, dans la liste des trois personnalités à abattre en échange d'une récompense de 10 kilos d'or. Ses séjours successifs à Baghdad et ses entretiens avec les différentes factions irakiennes lui ont valu des résultats encourageants que même la communauté internationale a largement salués, le placent aujourd'hui au coeur du conflit et l'exposent ainsi aux multiples contradictions qui minent la société irakienne. Le leader kurde, Ahmed Chalabi, proche des Américains et néanmoins opposé à toute solution négociée, a été le premier à tirer la première salve sur l'ancien ministre des Affaires étrangères en qualifiant Lakhdar Brahimi d'Algérien à la personnalité controversée et pas rassembleur, veut probablement torpiller le processus de paix que l'envoyé spécial algérien tente doucement mais sûrement de mettre en place. A ce titre, l'appel au meurtre de Ben Laden et la sortie hasardeuse de Chalabi se rejoignent objectivement sur le fond : laisser l'Irak en l'état actuel des choses car l'un comme pour l'autre, une solution négociée mettrait les deux sinistres individus en porte-à-faux avec leurs plans machiavéliques. La montée au créneau de ce dirigeant au passé douteux et la réponse de Brahimi sous forme d'humour renseigne davantage sur les capacités de l'envoyé spécial de l'ONU à faire abstraction des sautes d'humeur des uns et des menaces physiques des autres qui peuvent survenir au cours de sa mission. Lakhdar Brahimi, ce globe-trotter de la diplomatie universelle, ne pouvait espérer recevoir un coup de pouce médiatique de la part deBen Laden, le plus sadique des chefs terroristes de l'histoire post-moderne. Les missions casse-cou qu'il a courageusement menées au Liban en 1982, en Afghanistan en 1999, au Zaïre et au Libéria ont forgé le caractère de ce haut diplomate algérien forgé à l'école du militantisme du FLN. Aujourd'hui plus que jamais, le n° 2 de l'Organisation des Nations unies fera l'objet d'une attention particulière de la part de l'opinion internationale et tous les regards seront braqués sur ses efforts pour ramener la paix dans un pays qui risque de perdre son identité et les valeurs qu'il a jalousement gardées durant les plus forts moments de règne despotique de Saddam Hussein. Ce sera peut-être la dernière mission onusienne de Lakhdar Brahimi, et la plus exaltante.