Rencontr� � Tizi-Ouzou, o� il �tait invit� � participer � l�hommage consacr� � cheikh El Hasnaoui, �l�homme au chapeau�, nom sous lequel il est connu dans sa r�gion natale, Sidi-Bel-Abb�s, Haninet Mokhtar est l�un des pr�curseurs du c�l�bre groupe Ra�na Ra� avant de se lancer dans d�autres activit�s artistiques. Pour lui l�art est comme l�oxyg�ne qu�il respire et dont il ne peut se passer, comme apr�s sa cr�ation, ou la chanson ra� d�aujourd�hui sur laquelle il porte un regard s�v�re. Le Soir d�Alg�rie : Vous avez pr�sent� � Tizi-Ouzou une pi�ce de th��tre. Un mot sur le public� H. Mokhtar : Tout d�abord, je vous pr�cise d�embl�e que la r�gion de Tizi- Ouzou n�est pas inconnue pour moi. J�ai eu � la conna�tre, il y a longtemps, dans l�exercice de mes activit�s professionnelles en tant que g�ologue. C�est une r�gion que j�ai beaucoup appr�ci�e et o� j�ai laiss� �norm�ment d�amis, que je tiens, � l�occasion, � saluer. Quand au public devant lequel nous avons jou� la pi�ce intitul�e Kadour et Juliette de Ali Nasri, j�ai eu � confirmer tout le bien que je pensais de lui. C�est un public connaisseur et formidable qui attache de l�importance � la culture. D�ailleurs, j��tais �merveill� de voir la maison de la culture, qui porte l�illustre nom de Mouloud Mammeri, toujours pleine. J�ai eu aussi l�occasion de revoir un homme que je consid�re comme un monument du th��tre, A�t Mouloud Youcef. Il a fait partie de la troupe de Kateb Yacine. Je profite de cette occasion pour dire que c�est par des hommes comme lui que le th��tre � Tizi-Ouzou, o� il faut le reconna�tre, tout reste � faire, pourra prendre toute l�ampleur qu�il lui faut. Votre nom est �troitement li� au c�l�bre groupe Ra�na Ra�, pouvez-vous nous relater les conditions et le contexte de sa cr�ation ? Oui, c��tait les ann�es 1971-72, �les Seventies�, et la musique pop avec les Rollings Stones, les Creedens� �tait en vogue � cette �poque. Avec quelques copains nous avons cr�� un groupe Les Aigles noirs sous la f�rule de Frih Tayeb, un grand musicien qui jouait de plusieurs instruments. On interpr�tait alors les chansons pop dans les mariages, etc. Il y avait dans le groupe, entre autres, Kada Zina, qui est le premier chanteur du groupe en question, Lotfi le guitariste, tr�s influenc� par le chanteur cubain Carlos Santana, et moi-m�me en tenant la double fonction de guitariste et de chanteur. Je chantais particuli�rement My Woman du groupe am�ricain Barabas. Quelques ann�es apr�s, nous avons eu l�id�e de reprendre une ancienne chanson, Zina diri latay, d�un chanteur de Sidi-Bel-Abb�s, Kada Ziri, qui est aussi l�auteur de la c�l�bre Sidi Ammar delaliet qui fut un grand ami de l��crivain Paul Bellat. C�est d�ailleurs lui qui a compos� la chanson Maman ch�rie par la suite au groupe Ra�na Ra�. Nous avons repris aussi Hmana de Blaoui Houari. C�est � cette �poque que commen�ait � jaillir la musique ra�, qui est la chanson oranaise coupl�e � des instruments modernes, et le commencement de l�apparition de quelques chanteurs ra�, comme Zergui, auquel j�ai eu le plaisir d�offrir une p�dale �ouaoua�, alors pas tr�s r�pandue chez nous. En 1981, les anciens des Aigles noirs avec Les Basiles cr�ent en France le fameux Ra�na Ra�, sous l�impulsion de Tarik Chikhi, un musicien de Bel-Abb�s �tabli en France. L�appellation est directement inspir�e de celle du groupe marocain Jil Jalana. Nous avions repris encore une fois les anciennes chansons compos�es � l��poque des Aigles noirs et autres, comme Til taila, Zina, etc. C��tait un grand succ�s et les invitations pleuvaient de partout. Mais l�euphorie n�a pas dur� trop longtemps� Oui, les divergences n�ont pas tard� � appara�tre et la scission est devenue in�vitable. Un membre du groupe cr�a le groupe Amarna, avec un nouveau chanteur connu sous le nom de Jillali Amrna. Pour notre part, avec les regrett�s fr�res Attar, Fay�al et R�dha, solistes des Aigles noirs, Kada Ziri et Ta�b, qui est le vrai pr�curseur, nous avons lanc� un autre groupe, Tessala Entreprise. Nous avons sign� notre retour en 1987 en gagnant le premier prix de la chanson de recherche et de cr�ation lors d�un concert que nous avons anim� en compagnie des troupes kabyles Inesliyens, Tagrawla et Polyf�ne. Juste une ann�e apr�s, un �v�nement f�cheux est venu stopper notre �lan, c�est le suicide de Fay�al, l�un des fr�res Attar. En 1990, nous avons chant� � la t�l�vision lors de l��mission �Koul ouahed ousadou�, mais l� encore la d�cennie noire est arriv�e � grandes enjamb�s entra�nant tout ce que vous savez pour mettre fin � nos aspirations. Malgr� tout �Ra�na Ra� existe m�me aujourd�hui. Un groupe de jeunes, dont mon fils est le batteur, a repris le flambeau et vient de rentrer d�une tourn�e de Casablanca. Apr�s c�est le th��tre ? Non, pas tout de suite puisque j�ai tent� de reprendre tout seul avec la guitare s�che des chansons sociales en 1995. Ce n�est qu�en 1996 que je me suis lanc� dans le th��tre o� j�ai jou� dans la pi�ce Prisonnier 1046. C�est une histoire vraie, v�cue par un syndicaliste de Bel-Abb�s, condamn� puis guillotin� par l�arm�e coloniale. C��tait moi aussi qui ai compos� les chansons pour cette pi�ce. Ensuite, j��tais acteur et musicien dans Aboud 1er de Bouziane Ben Achour. Cette derni�re a connu un grand succ�s d�ailleurs. Des projets ? Oui beaucoup. Je suis tr�s sollicit� dans ce sens. Je me pr�pare � jouer et � composer les chansons de pas mal de pi�ces. Je vous cite La source ou El Manba� de Aroudj Abdelkader, La ch�vre et l��l�phant de Ben A�ssa Sid Ahmed. Une derni�re question. Aujourd�hui, les avis divergent sur la qualit� de la chanson ra�, qu�en pensez- vous personnellement ? Je vous mentirai si je vous dit que je suis content de ce qui se fait actuellement dans la chanson ra�. Si la quantit� est pr�sente avec l��closion de beaucoup de jeunes et de groupes, h�las, la qualit� fait d�faut. Il y a trop de confusion de styles et de m�lodies ; tout est fait n�importe comment. C�est trop commercial. Un genre musical doit toujours garder son originalit�. Il est navrant de constater de nos jours que le ra�, au m�me titre, d�ailleurs, que la chanson kabyle, a perdu de son authenticit�. C�est devenu une sorte de cacophonie indescriptible ou redite, � la limite du plagiat quand ce n�est pas le cas directement. Prenez la musique kabyle, apr�s les ic�nes repr�sent�es par El Hasnaoui, Yahiaten et la g�n�ration de Idir, personnage que je consid�re comme l�exemple supr�me en la mati�re, elle a perdu de son �clat. C�est la m�me chose pour le ra�. Quelque chose pour conclure ? Oui, je voudrais attirer l�attention des gouvernants et particuli�rement des responsables de la culture afin qu�ils accordent plus de consid�ration � l�art et aux artistes. Pour venir participer � l�hommage rendu � cheikh El Hasnaoui, j�ai d� me d�brouiller tout seul. Pourtant, j�avais sollicit� beaucoup de monde pour une aide, y compris le P/APW de Sidi-Bel-Abb�s, en vain. Sans aides, l��mergence de nouveaux talents sera s�rieusement compromise et ceux qu�on consid�re comme pionniers tomberont dans l�oubli. Je vous avoue que l��mergence et le succ�s du groupe Ra�na Ra� n�ont �t� possibles que gr�ce aux enregistrements faits en France et � la diffusion par M�di 1. C�est vous dire combien nous avons souffert pour nous imposer, bien qu�� la t�te de certains organismes, charg�s de nous aider, se trouvaient des anciens artistes. Derni�rement, j�ai rencontr� un artiste kabyle que j�ai connu jadis, Djamel Chir. Il vit dans un d�nuement total. Je vous assure que son cas fait vraiment mal au c�ur et m�a extr�mement r�volt�. Un autre cas illustratif et navrant du sort r�serv� � l�artiste�