En autocratie, les r�f�rendums populaires scellent avant tout le destin des libert�s politiques quand ils pr�tendent prendre l�avis de l��lecteur. Ils en seraient presque un des �fondamentaux� du populisme, qui tient en pi�tre estime la m�diation intelligente des partis. Quelle soit molle o� violente, une dictature a, par nature, horreur de s�afficher en tant que telle. Pr�f�rant se doter de masques et d�oripeaux trompeurs, elle instrumente le principe de la consultation des urnes, afin de se donner une respectabilit� et se l�gitimer au d�triment de ceux qui la contestent. Ainsi les �votes� sont pour elle ce que le kamis et le syst�me pileux sont pour les tartufes de la foi : une posture. Rien d��tonnant donc � ce que les r�gimes les moins enclins � respecter les codes de la pluralit� et de l�alternance sacralisent � l�exc�s cette recette. Sachant par avance que le principe moral d��un homme, une voix� n�a de sens que s�il est pr�c�d� de la n�cessaire p�dagogie inh�rente au d�bat public, ils en interdisent ce dernier. Ou du moins ne laissent s�exprimer que les voix qui sont favorables � leur projet. Nos r�f�rendums sont donc les huis clos qui s�apparentent � un viol des consciences et finissent fatalement par ressembler � de l�all�geance sur commande. Mouloud Hamrouche, subtil rh�toricien, analysait dans ce sens les cons�quences de la prochaine consultation qui donnera une nouvelle franchise � l�actuel pr�sident (1). Au m�pris des minima d�mocratiques qui consistent � laisser pr�alablement s�exprimer tous les courants politiques, le pouvoir entend bien en finir avec un pluralisme, d�j� mal en point, et cela afin de reconfigurer la r�publique avec des r�f�rents lui assurant � la fois une p�rennit� et la pr�tention d��tre le d�positaire et le garant de la d�mocratie. Bien plus qu�un programme pour un homme, c�est un tournant historique pour le pays qui s�appr�te � solder une �poque. Apr�s l�illusoire d�cennie 89-99 (prodigieuse, quoi qu�on dise), caract�ris�e par l�agitation multipartiste, voici venu le temps du cr�puscule. La mortelle r�cession des libert�s politiques n�est-elle pas consubstantielle � l��mergence d�une sorte de �bouteflikisme� : ce cocktail de d�magogie d�mocratique et d�ambitions personnelles ? Pour rien conc�der � la na�ve apologie d�une �poque, dont on a cru abusivement qu�elle �tait une transition libertaire appel�e � se d�canter, force est d�admettre aujourd�hui que le champ politique n�a gagn� finalement ni en qualit� repr�sentative ni en �mergence de p�les significatifs, capables d�aller vers plus de d�mocratie. La d�multiplication pagailleuse du d�but, par ailleurs pernicieusement encourag�e par l�appareil d�Etat afin de disqualifier le principe m�me de l�alternance, a monstrueusement accouch� d�une restructuration partisane totalement asservie au syst�me, lequel est demeur� intact. Progressivement, un verrouillage se mettra en place gr�ce auquel ne survivront que les courants politiques dispos�s � faire la courte �chelle aux hommes du pouvoir r�el. Leur �talonnage d�mocratique consista alors � n�gocier des quotas dans les Assembl�es puis � obtemp�rer � un �casting� des r�les destin� � mettre en sc�ne un th��tre d�ombres politiques. Ces quatre ou cinq chapelles qui mobilisent tant l�int�r�t des commentateurs ne sont dans les faits que des leviers de man�uvre dans des situations de haute strat�gie �lectorale. Loin d��tre l�expression du multipartisme, elles ne sont qu�un agencement de �bo�tes� politiques structur�es dans le m�me �holding � du pouvoir. Les consultations �lectorales �tant ce qu�elles furent toujours, �quid� alors les leurs suppos�es �surfaces� politiques ? Tributaires, sans exception, de la r�gle des quotas, l�on sait qu�aucune d�elles ne remporte ou ne perd une �lection, mais expriment, selon les saisons du pouvoir, ce que l�on attend de l�une et ce que l�on reproche aux autres. Cet �tat de fait, gr�ce auquel l�on reconna�t la persistance des vieilles m�urs, n�a pas manqu� de corrompre la nomenklatura qui pantoufle dans les institutions. Les voil� donc ces rescap�s honteux de notre multipartisme. Plut�t des �faire-valoir � d�une autocratie que v�ritables h�rauts des libert�s. Peu ou prou, ils ont accept� de jouir � l�ombre du pouvoir et ses largesses, trahissant toutes les professions de loi qui habituellement guident le militant d�une cause. Pr�f�rant les conjoncturelles capitalisations d�une rente politique ne contribu�rent-ils pas � la restauration du vieil �difice institutionnel qui n�aurait jamais d� survivre aux s�ismes de la d�cennie 90 ? Le chef de l�Etat a, d�s sa premi�re investiture, saisi l�int�r�t � tirer d�un champ politique amorphe et uniquement soucieux de �respectabilit� � officielle. Il multipliera alors les occasions de corrompre le personnel qui compte, lequel �videmment ne demandait qu�� l��tre. Sans grande difficult�, il parviendra � remodeler, en fonction de son timing, les Assembl�es qu�il tient par ailleurs pour de m�prisables caisses de r�sonance � son service. A leur tour, ces m�mes partis, dont la consistance doctrinale et la visibilit� militante �taient tout autant d�risoires, accept�rent tous les deals pour peu qu�ils �chappent au laminage. Sauf qu�ils oubli�rent que de telles all�geances signent, a contrario, leur mort sociale. Les uns apr�s les autres �taient frapp�s d�obsolescence et suscitaient dans l�opinion l�ex�crable sentiment qu�ils n��taient que des officines de chenapans. Des politicards trop accord�s aux int�r�ts du pouvoir pour faire accroire qu�ils militent pour le changement ou qu�ils d�fendent r�ellement les libert�s. D�une fa�on identique, ceux parmi eux qui si�gent au Parlement s�inscrivent dans cette logique absurde qui exempte un syst�me politique �difi� il y a quarante ann�es et dont la caract�ristique principale est la n�gation des libert�s publiques. C�est-�-dire une architecture de l�Etat traditionnellement r�fractaire � la pluralit� que ces partis aujourd�hui pr�tendent incarner. Le fait m�me qu�un Parlement �motionne� � contre-courant pour une r�vision constitutionnelle aux arri�re-pens�es suspectes ach�ve de le discr�diter. Car, pour avoir oubli�, ce pourquoi Octobre 88 a eu lieu et ce comment l�islamisme politique a �t� vaincu, les partis croupions d�un Parlement du m�me nom affaiblissent la d�mocratie bien plus que ne le fait le syst�me lui-m�me. Demain alors, la vertu de l�opposition et la saine contradiction des id�es appara�tront comme des exercices suspects et la d�fense des libert�s sera elle qualifi�e de subversion antinationale. Le r�f�rendum sur une d�chirante r�vision nous pr�pare � ces lendemains qui d�chantent. B. H.