Le projet �Polity IV� men� par le �Center for Systemic Peace�(*) de l�universit� George-Mason (Virginie, Etats-Unis) a pour but d�analyser tous les r�gimes politiques depuis le d�but du XIXe si�cle. En 2009, 92 des 162 pays �tudi�s �taient des d�mocraties, tandis que 23 seulement �taient des autocraties � on en d�nombrait encore 89 en 1977. H�las, 47 autres pays �taient des �anocraties� � il s�agit d�Etats fragiles m�lant des �l�ments de d�mocratie et des aspects autocratiques. Est-ce le cas de l�Alg�rie ? Pour les politologues, les r�gimes politiques de par le monde peuvent �tre en g�n�ral divis�s en trois groupes. Le 1er groupe comprend les d�mocraties majoritaires ou indirectes, qui n�entrent presque jamais en guerre entre elles, et qui, vu qu�elles disposent des structures et proc�dures politiques pour r�pondre aux griefs, permet de r�soudre les conflits internes qui peuvent se produire. C'est un �tat qui suppose, entre autres, la libert� d�expression avec un chef de l�Ex�cutif librement �lu soumis � d�importants freins et contrepoids. Ce n�est pas le cas de l�Alg�rie. Les autocraties ou dictatures forment le second groupe : elles ont tendance � r�primer impitoyablement toute dissension ou insurrection, et qui connaissent elles aussi relativement peu de conflits arm�s ou graves. Elles suppriment ou limitent fortement la participation politique qui �choit � chaque citoyen, ce r�gime choisit le chef de l�Ex�cutif � partir de l��lite politique et dispose de peu ou pas de contr�les l�gislatifs ou judiciaires. Il y a quelques semaines, la Tunisie et l�Egypte �taient dans ce groupe. R�ussiront- ils leur transition ? L�Alg�rie a longtemps fait partie de ce 2e groupe : ce n�est plus le cas depuis quelques ann�es. Reste le 3e groupe o� figurent les anocraties qui ne sont ni totalement d�mocratiques ni totalement autoritaires, et peut-�tre une transition de l�une � l�autre, donc une synth�se momentan�e de deux r�gimes politiques oppos�s (d�mocratie/dictature) m�l� de mani�re chaotique. Ces r�gimes sont le th��tre de la plupart des conflits, ce qui fait de ces Etats les plus expos�s � l'instabilit� politique, aux conflits arm�s, aux attaques terroristes et aux crises internationales. �Un gouvernement qui soit responsable devant nous� La pauvret� extr�me leur est �galement �troitement li�e (conflits internes graves ou guerres civiles) : l�Alg�rie, pays riche et peuple pauvre ? Dans une telle situation, le gouvernement politiquement sera tr�s probablement faible, peu d�mocratique, incomp�tent, et incapable de s�opposer � l�escalade de la col�re de la part de la soci�t� civile et de l�opposition, quand il ne la provoquera pas par sa propre maladresse. Dans cette description on retrouve l�Alg�rie. S�interrogeant dans le quotidien fran�ais Le Monde (suppl�ment �conomie, dat� du 21 f�vrier 2011) sur la d�mocratie en �gypte, Martin Wolf, �ditorialiste �conomique au Financial Times, �crit qu��affranchis des pressions de la survie au jour le jour, nous cherchons tous, en tant qu��tres humains, un gouvernement qui soit responsable devant nous�. Et de consid�rer que ce sont l� �des d�sirs humains universels �. Mais pour Wolf, l�id�e que ces d�sirs �seraient d�finitivement �trangers � certaines cultures a perdu depuis longtemps toute cr�dibilit�. H�las, les puissances occidentales ont souvent �touff� cette aspiration�. Jeunesses contre autocrates corrompus Dans les d�mocraties dites �mergentes � l'Alg�rie aurait pu en faire partie �, m�me les hommes politiques �de bonne volont� ont souvent n�glig� les principes de base de la d�mocratie participative. Par d�finition, la mise en �uvre de ces principes exige un d�bat public de fond sur les politiques � mener et une �coute attentive, � la fois des revendications des citoyens et des apports de la soci�t� civile, lors du processus de prise de d�cision. Or, l�Etat s�est montr� en g�n�ral r�ticent � coop�rer avec la soci�t� civile. Parfois, il la consid�re m�me comme une rivale, notamment en termes de pouvoir et d�influence. Cette attitude visant � marginaliser la soci�t� civile n�a pas favoris� l�institutionnalisation de la transparence et l�obligation de rendre compte aux citoyens, qui aurait permis l�instauration d�un climat de confiance. A titre d�exemple, le r�le de la soci�t� civile dans la lutte contre la corruption est renforc� par une citoyennet� active, agissant comme une v�ritable sentinelle de la vie publique. Cette citoyennet� inscrit sa d�marche dans un processus d�mocratique o� la libert� d�expression est consacr�e et o� le droit � l�information est une r�alit� quotidienne. �Tous les vingt ans, les jeunesses du monde posent aux vieillards une question � laquelle ils ne savent pas r�pondre�, clamait l'�crivain Georges Bernanos (1888- 1948). En 1989, les jeunesses d'Europe avaient fait tomber le mur de Berlin et les g�rontes de l'empire sovi�tique. Vingt ans apr�s, les jeunesses arabes ont entrepris de s'�manciper des autocrates corrompus. Comment passer d�une anocratie et � une d�mocratie ? Quel d�passement de la violence chaotique est-il en effet possible aujourd'hui en Alg�rie ? La situation alg�rienne peut para�tre d�sesp�r�e, mais ce serait oublier que ce pays a, au cours de son histoire, r�solu des probl�mes bien plus lourds, par exemple pour sortir des br�ches coloniales. De son c�t�, le peuple r�siste de mille mani�res � ceux qui dirigent le pays et le m�nent au chaos. La peur recule chez des millions d'Alg�riens, malgr� la persistance de toutes sortes de violences et d'atteintes aux droits de l'homme : la lutte pour la survie et pour la libert� se poursuivent. Les conditions d'un sursaut pour arr�ter le pillage et faire cesser toutes les violences sont-elles r�unies ? La soci�t� dans son ensemble a-t-elle suffisamment conscience de l'ampleur de la corruption qui s'apparente � une mise � sac du pays, hypoth�quant la perspective de d�veloppement ? L'avenir nous le dira. Djilali Hadjadj (*) Le Centre pour la paix syst�mique (CSP) a �t� fond� en 1997. Il est engag� dans la recherche innovatrice sur le probl�me de la violence politique dans le contexte structurel du syst�me mondial dynamique, c'est-�-dire l�analyse globale des syst�mes. Le Centre soutient la recherche scientifique et l'analyse quantitative dans les domaines li�s � la question de nombreux probl�mes fondamentaux de la violence dans les relations humaines et le d�veloppement soci�tal.