C��tait � travers les p�rip�ties du mouvement national et son h�ritage que s��talonnaient, jusqu�� r�cemment, les revendications du pouvoir. Selon que l�on se reconnaissait dans le congr�s de la Soummam, ou que l�on d�niait � celui-ci la paternit� du projet de l�Etat, l�on s�opposait sur la mani�re de l��difier. Que le �20 Ao�t 56� ait pr�tendu en avoir jet� les bases, ne fut pas un simple malentendu au sein de la direction de la r�volution. Pire, il inaugura la guerre des clans, aggrava les ressentiments personnels, instaura la �liquidation� physique comme mode op�ratoire et finira par faire le lit au putschisme, d�s l�ind�pendance. Demain donc, � l�heure o� les canaux officiels c�l�breront ce demi-si�cle dans un hypocrite unanimisme, c�est toujours l�arri�re-fond des l�gitimit�s actuelles qu�il faudra, � nouveau, scruter. M�me si la g�n�ration de Novembre 54 a c�d� la place � des acteurs moins �historiques �, ce lointain rep�re continue toujours � op�rer dans les esprits et � d�terminer certaines conceptions du r�gime. Souvenons-nous que la crise de l��t� 62 a �clat� parce que le fameux congr�s de Tripoli a tourn� � des pugilats de chiffonniers et par cons�quent n�est jamais parvenu � consolider l�esprit et la lettre de celui de la Soummam. La d�confiture de l�instance supr�me de la r�volution ouvrit un �boulevard � politique � toutes les aventures dont Ben Bella �tait l�arch�type � plus d�un aspect. N��tait-il pas le plus f�roce contestataire de la plateforme inspir�e par Abane Ramdane ? L�encha�nement des ambitions faisant le reste, il y eut bien �videmment le 19 Juin 1965 qui livra � l�arm�e un Etat �approximatif et anarchique � ; et cela pour longtemps ! De cette longue mainmise il s�ensuivra l��mergence d�une caste, � ce jour pr�sente au sommet de la r�publique. Autant dire que l�Etat national s�est �difi� sur des credo diff�rents de ceux �dict�s par le congr�s fondateur. Certes, cela ne s�est pas accompli contre tous les principes contenus dans le texte, cependant par la gr�ce de la �reformulation� et de l��dulcoration, l�on parviendra non seulement � s�en affranchir, mais � le critiquer ouvertement. Rapidement on lui substitua �l�esprit du syst�me�, c'est-�-dire : l�unicit� de la pens�e. Cette monstruosit� liberticide qui contribua � l�approfondissement de la culture du clan au d�triment de la culture de l�Etat. Le fait le plus significatif de cette confiscation sectaire et le d�labrement des institutions n��tait-il pas r�sum� dans la persistance � c�l�brer un certain 19 Juin ? En effet, il a fallu attendre quatre d�cennies (2006) pour qu�enfin la pudeur historique l�emporte et que cette date f�t abrog�e du calendrier officiel. Mis � part les dates du 1er Novembre et du 5 Juillet, trop f�d�ratrices pour �tre manipul�es, tous les autres rep�res du mouvement national furent syst�matiquement d�class�s en tant que r�f�rences. Parmi eux, celui qui �voque le congr�s de la Soummam fut enseveli sous le fatras des �proc�s-verbaux � quelconques. Ainsi, on le consid�ra comme un �pisode secondaire alors que les historiens s�rieux ne cessent de certifier qu�il fut un tournant crucial dont l�analyse projetait d�s cette �poque ce que devait �tre le futur Etat de droit. Un demi-si�cle d�occultation illustre parfaitement le fait que nous avons toujours eu affaire � la m�me culture du pouvoir, quels que furent les d�tenteurs de celui-ci. En somme, une constante chez les cinq pr�sidents th�oriquement �lus. Pourtant, c�est � partir, � la fois, d�un minimum de scrupules moraux et de r�v�rence � l�histoire que m�me les r�gimes les plus contestables se dotent des apparences de la respectabilit�. M�me si par une vague fid�lit� ou par narcissisme l�on se consid�re comme le d�positaire d�une certaine conception de l�Etat qu�incarna le militaire Boumediene, qu�est-ce qui emp�cherait l��pigone de corriger les injustices du pass� et redonner la pr��minence historique � un texte fondateur ? Sur le sujet, l�on peut oser des comparaisons en rappelant que le r�publicanisme fran�ais issu de 1789 a surv�cu au coup d�Etat du 18 brumaire quand bien m�me celui-ci inaugurait en son temps le r�gime de grandeur du consul Bonaparte. Or, les mutants de la d�mocratie de 2006, eux-m�mes transfuges du putschisme de jadis, n�ont plus d�explication plausible pour justifier la �b�atification� de l�un et la s�gr�gation de l�autre. Abane n�a pas surv�cu � son utopie d�un Etat de droit et Boumediene non plus, qui ne fut gu�re un Bonaparte de panache mais auquel il est juste de reconna�tre une sinc�re volont� de dessiner un Etat fort. Notre ind�pendance nationale �tant ce qu�elle est, c'est-�-dire un �fruit rabougris �, pour reprendre la formule h�las juste de Albert Memmi, n�est-il pas temps de raccorder le pr�sent au pass� et retisser ces liens rompus avec la v�rit� historique ? Ce lieu du d�bat d�barrass� de la censure o�, enfin, les acteurs auront droit chacun � un proc�s de l�histoire �quitable et partant leur juste place dans les manuels. Seul le privil�ge de la m�moire collective, quand elle est soustraite aux nuisances des pouvoirs, pourra affranchir ce pays des pr�jug�s qui ne cessent d�ob�rer son avenir. Abane Ramdane et le congr�s de la Soummam m�ritent aujourd�hui un traitement autrement plus objectif que tous les r�glements de comptes orchestr�s autour d�une certaine �l�gitimit� historique�. Apr�s un demi-si�cle de purgatoire, il est temps que les �politiques� soient plus humbles en c�dant la parole aux historiens et � eux seuls. B. H.