Farouk Hosni ne s'est pas r�tract� et ne s'est pas excus� pour ses propos sur le voile. Il n'a pas, non plus, confirm� et r�p�t� ses propos. La hardiesse a ses limites, celles que bornent des th�ologiens et des dirigeants politiques qui affectionnent la prise en �tau des libert�s. Le ministre �gyptien de la Culture n'a pas obtemp�r� aux injonctions des int�gristes du Parlement en reniant ses d�clarations. Il s'est n�anmoins excus� aupr�s de celles qui portent le hidjab et � qui il affirme vouer le plus profond respect. Samedi dernier, lors d'une r�union informelle avec des d�put�s, Farouk Hosni s'est � nouveau excus� aupr�s des "moutahadjibate" et des "mouhadjabate" (1). Il a affirm� n'avoir aucune intention agressive envers ces territoires de d�fense passive. "Mes propos ont �t� mal interpr�t�s, dit-il, et mon intention n'�tait pas de m'attaquer aux prescriptions religieuses". Des "pr�cisions" qui s'adressaient sans doute aux Fr�res musulmans dont les repr�sentants avaient boycott� la r�union. Ministre d'un pays o� la marche arri�re est une man�uvre de routine, Farouk Hosni est �galement revenu sur sa critique des "cheikhs � trois milli�mes". Il ne visait que les charlatans et les marchands qui font fetwas de tout. Ses attaques n'�taient pas destin�es aux "cheikhs" agr��s. Ce qui est, bien s�r, le cas de 90% des "cheikhs � trois milli�mes". Quant � d�missionner, c'est hors de question. Farouk Hosni s'est dit "�reint�" par ses fonctions de ministre de la Culture mais il ne quittera pas l'attelage. Autrement dit : il ne l�chera pas le portefeuille. Ceci, en pr�lude � la s�ance de questions orales que le ministre devait subir hier au Parlement. Est-ce � dire que Farouk Hosni s'est livr� � cette pantalonnade dans le seul but de s'attirer les sympathies des intellectuels et artistes �gyptiens, tr�s critiques � l'�gard de sa gestion ? Si tel �tait son objectif, il aura amplement r�ussi au vu des r�actions de ces milieux qui se sont mobilis�s pour la d�fense de Farouk Hosni. C'est le toujours jeune Djamal Al-Bana (2) qui a pris la t�te de cette contre-offensive. Dans un premier temps, il a brandi des arguments religieux pour r�pondre aux attaques de la coalition des int�gristes et des opportunistes. Il a, ensuite, transpos� le d�bat sur le plan politique avec une s�rie d'articles dans lesquels il interpelle les parlementaires �gyptiens. Dans le quotidien Al-Misri-alyoum ( L'Egyptien aujourd'hui), Djamal Al-Bana invite les d�put�s � s'int�resser au scandale de la torture en Egypte, tel qu'il a �t� r�v�l� r�cemment par ce quotidien. Il cite des exemples de tortures les plus sauvages pratiqu�es dans les locaux de la police �gyptienne. "Voil� la v�ritable atteinte � la loi de Dieu et � la dignit� du peuple d'Egypte, leur dit-il. Que faites-vous, �lus du peuple, de ce peuple qui vous a confi�s l'honneur de le repr�senter, de le d�fendre et de prot�ger sa dignit� ? Qui dira sa col�re pour la dignit� du peuple offens� ? Qui criera � la face du Tr�s Haut sa col�re devant ce crime ignoble et cette agression contre la dignit� commise par des gens qui ont pour t�che de la d�fendre et de combattre le crime ?" Toujours � l'adresse des d�put�s, Djamal Al-Bana les exhorte � retrousser les manches et � d�barrasser les rues du Caire de toutes les ordures qui les encombrent. "Ce sont ces immondices qui sont le v�ritable hidjab de l'Egypte et c'est sans doute pour cela que les d�put�s du parti au pouvoir et des Fr�res musulmans ne protestent jamais." Et Djamal Al-Bana d'ajouter : "La femme qui croit que l'Islam c'est le hidjab et l'homme qui pense que la barbe c'est l'Islam portent tous deux atteinte � l'Islam. Ils font montre d'une tr�s grande na�vet�. Le port de la barbe �tait de mise � une �poque ancienne ; la barbe de Karl Marx et de Darwin est la m�me que celle que l'on voit actuellement sur les cha�nes satellitaires. Tous les hommes et toutes les femmes de l'univers recouvraient leurs t�tes pour les prot�ger de la poussi�re, du vent ou de la pluie. C'est une question de mode vestimentaire et de climat et non pas une question de religion et de foi. Il n'y a pas dans le Coran un verset en rapport avec le v�tement en dehors de celui qui dit : "Qu'elles rabattent leurs voiles." Et c'est le verset qui fait r�f�rence au costume que portait la femme arabe dans la Djahilia. C'est-�-dire que ce n'est pas l'Islam qui l'a amen� et qui l'a ordonn�. Il �tait d�j� l�". De son c�t�, l'�crivain et sc�nariste Wahid Hamed rappelle que "lorsque le vicaire g�n�ral des Fr�res musulmans avait dit "toz � l'Egypte et � ses habitants", personne n'a cill�. Que ce soit dans les rangs des fr�res ou � l'int�rieur du Parlement qui a provoqu� une temp�te � cause des paroles d'un ministre qui est, par ailleurs, libre de dire ce qu'il veut. L'Egypte, ajoute-t-il, est aujourd'hui otage d'un scorpion, le parti national au pouvoir et d'une vip�re, le mouvement des Fr�res musulmans. Toujours dans le m�me quotidien, notre confr�re Ahmed Taha Nakr commence par cette anecdote : "Il y a une quarantaine d'ann�es, il y avait dans notre village un voleur sympathique appel� Tarboucha. Il se consid�rait comme un homme de principes parce qu'il ne volait pas dans son propre village mais dans les contr�es environnantes. Il op�rait durant toute la nuit, au point qu'� l'appel de la pri�re de l'aube, il �tait le premier � entrer dans la mosqu�e. Et lorsque les villageois se moquaient de son attitude contradictoire, il leur r�p�tait sa sempiternelle fetwa qui se r�sumait � ceci: accomplis l'obligation de la pri�re et fais ensuite ce que tu veux.". "Je me suis rappel� cette histoire en observant la religiosit� ostentatoire que nous vivons et la "farce du hidjab" qui se joue dans notre honorable Parlement". "En fait, tous ces comportements sont une cons�quence de l'offensive int�griste wahhabite sur l'Egypte", dit Ahmed Taha Nakr qui estime que l'affaire Hosni sert simplement d'�cran de fum�e � cette offensive. Pour lui, le ministre de la Culture a g�r� de fa�on catastrophique le patrimoine arch�ologique et culturel de l'Egypte. "Vient ensuite la "m�re des catastrophes" lorsque le ministre de la Culture est revenu � son bureau non pas en hidjab mais avec un niqab. Elle sera de fait un tribunal de l'inquisition pour inspecter les esprits et les consciences. Elle constituera la premi�re pierre angulaire dans la fondation de l'Etat islamique. Il ne restera plus alors qu'� constituer des groupes de "volontaires" qui bastonneront les jeunes filles pour les obliger � porter le niqab. C'est ainsi que le ministre qui n'aime pas le hidjab a adopt� le niqab de son plein gr�. Triste et sombre �pilogue pour un ministre qui pr�tendait �tre un d�fenseur de la libert�". Alors, Farouk Hosni est-il le courageux ministre unanimement salu� ou le pr�dateur que d�crit notre confr�re? A vous de juger ! A. H. (1) Petite halte lexique : une "moutahadjiba", forme active, c'est quelqu'un qui croit que l'id�e de porter le hidjab a germ� dans sa t�te et sans influences ext�rieures. Une "mouhadjaba", forme passive, croit, par contre, que le hidjab lui a �t� impos� pour son bien et que la soumission � Dieu passe par l'ob�issance � l'homme. (2) Djamal Al-Bana est le fr�re cadet de Hassan Al- Bana, fondateur du mouvement des Fr�res musulmans qui campe actuellement dans les all�es du pouvoir en Egypte et ailleurs. C�est l��crivain islamiste Fahmi Howeidi qui a d�nonc� les faits dans un article publi� par Al-Misri- Al-youm. Al-Ahram dont il est le chroniqueur attitr� avait refus� de publier cet article. Cette d�nonciation de la torture ne signifie pas forc�ment qu'il n'y a pas d'islamistes tortionnaires dans la police.