Ah, que nous eussions aim�, f�t-ce pour la derni�re fois, assister au triomphe du fantasme ! Voir surgir la f�e Eva Joly dans la robe de la juge Fatiha Brahimi ou, selon la g�n�reuse r�verie de mes confr�res, la f�e Carla del Ponte ou alors, pourquoi pas, la l�gendaire Emily Murphy ; bref, une de ces magistrates enchanteresses qui rendent la justice en terres d�mocratiques, c�est-�-dire qui rendent les innocents � leurs m�res, � la fa�on d�une bonne f�e rendant ses pantoufles et son prince � Cendrillon. H�las, les citrouilles de la Mitidja ne se sont pas transform�es en carrosses et la f�e �tait absente, mercredi, � Blida. A la place, c��tait une juge bien alg�rienne, une femme qui n�avait rien d�une sibylle, Fatiha Brahimi en personne, qui a frapp� de la main noire d�une justice asservie au pouvoir politique. Les parrains politiques de l�escroquerie sont libres et, � leur place, une quinzaine de boucs �missaires sont condamn�s � vieillir en prison. Les sibylles transmettaient les oracles des dieux ; la pr�sidente Brahimi s�est content�e de transmettre les ordres des seigneurs. La juge qui pleurait a, d�cid�ment, les larmes lucides. Au final, le proc�s Khalifa fut une triple d�faite. La d�faite du droit d�abord : on a rat� de faire le proc�s du syst�me et, pire, en prot�geant si grossi�rement les notables, on vient de d�signer au monde cet oc�an infini qui nous s�pare de l�Etat de droit. La d�faite de la justice ensuite, une de plus, une de trop, attendue comme toutes les autres, comme une mal�diction ordinaire, comme une inaptitude naturelle � l�ind�pendance du juge, � la souverainet� du pr�toire. Comme une irr�sistible tentation � mentir au nom du peuple. Ce proc�s Khalifa fut, enfin, la d�faite de nos chim�res. Ou plut�t de nos na�vet�s maladives, de nos incontr�lables exub�rances, de toutes ces obsessions du mirage qui, hier, nous persuadaient du leurre Benflis et qui, aujourd�hui, nous ont fait croire � la juge Bonne F�e. On ne change pas le syst�me par la force de l��lucubration. Il nous faut apprendre enfin � le voir dans sa sordide coh�rence : il est encore assez lucide pour ne pas confier son sort � Eva Joly. Il lui �tait plus commode de charger la juge maternelle qui pleurait d�enterrer ses �fils� sous des �pitaphes de soldats inconnus : Hakim, Djamel, Hocine, Akli ou Guelimi. Les larmes de la juge Fatiha Brahimi, tant mieux pour elle et tant pis pour nous, n�en ont pas fait une magistrate enchanteresse. Nous ne dirons pas, par respect envers la dame, qu�elles furent celles d�un crocodile. Disons qu�� l��chelle des sauriens, il leur suffisait d��tre celles d�une �mouvante salamandre.